Discriminations
dans les Écoles Normales Supérieures (ENS)
À l'attention de : Monsieur Jack Lang
Ministre de l'Éducation nationale,
de l'Enseignement supérieur et de la recherche
110, rue de Grenelle
75007 Paris
Objet : demande de modification de l'arrêté du
27 novembre 1998 fixant les conditions d'admission à l'École
Normale Supérieure.
Monsieur le Ministre,
Par la présente, nous avons l'honneur de vous demander de bien
vouloir modifier l'arrêté du 27 novembre 1998 du Ministère
de l'Éducation nationale de la recherche et de la technologie,
signé pour le Ministre et par délégation par le
Directeur de la recherche, fixant les conditions d'admission à
l'École Normale Supérieure, afin d'intégrer les
étrangers non ressortissants de l'Union Européenne en
qualité d'élèves-fonctionnaires.
Cet arrêté ne pose aucune condition de nationalité
pour être candidat au concours d'entrée de l'École
Normale supérieure mais il prévoit en son article 29
qu'à l'issue des épreuves d'admission, « le
jury établit, pour chacun des concours et par ordre de mérite,
la liste des candidats ressortissants d'un État membre de l'Union
européenne et des autres candidats étrangers proposés
pour l'admission. Ces derniers sont classés sur une liste particulière
au même rang que les candidats ressortissants d'un État
membre de l'Union européenne ayant obtenu le même nombre
de points ». Ainsi, la réussite à un même
concours conduit à des situations discriminatoires : les
candidats français et les ressortissants d'un État membre
de l'Union européenne ont accès au statut de fonctionnaire
stagiaire, ce qui leur donne la possibilité de devenir, à
ce titre, salariés de l'État tandis que les autres étrangers
n'ont droit à aucune rémunération.
Cette discrimination légale n'est pas propre aux ENS ;
elle concerne l'ensemble de la fonction publique, les entreprises publiques
à statut, les professions libérales et des dizaines de
professions du secteur privé. [1]
À l'heure actuelle, près de sept millions d'emplois
demeurent soumis à des dispositions réglementaires ou
législatives qui soumettent leur accès à une condition
de nationalité. Dans la plupart des cas, l'argument de la « menace »
que ferait peser sur la « souveraineté nationale »
le recrutement d'étrangers est d'autant plus douteux que ces
secteurs réservés aux nationaux recrutent des étrangers
mais avec des statuts plus précaires et des conditions de salaires
dégradées. Dans le cas du concours d'entrée à
l'ENS, l'argument paraît d'autant plus fallacieux que les élèves
normaliens ont vocation à devenir des enseignants chercheurs.
Or, depuis quelques années, il n'existe plus aucune condition
de nationalité pour le recrutement des maîtres de conférences
et des professeurs étrangers (conformément à l'article 56
de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 et au décret
du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de
l'enseignement supérieur), ni pour les postes de fonctionnaires
titulaires dans la recherche (conformément au décret du
30 décembre 1983 pour le recrutement de chargés de
recherche, directeurs de recherche, ingénieurs de recherche,
ingénieurs d'études et au décret du 27 décembre
1984 pour le CNRS et INRA). Enfin, l'ouverture du statut de normalien
aux ressortissants communautaires a déjà permis de démontrer
que la condition de nationalité française n'était
pas nécessaire pour contracter un engagement décennal
envers l'État.
Pour toutes ces raisons, nous avons l'honneur de vous demander de bien
vouloir modifier l'arrêté du 27 novembre 1998 fixant
les conditions d'admission à l'École normale supérieure
afin de garantir l'accès des étrangers non ressortissants
de l'Union Européenne à la qualité d'élèves
fonctionnaires, en vue de vous conformer au principe d'égalité
d'accès des étrangers et des nationaux aux emplois publics
et au Service Public.
Cette demande s'accompagne d'une pétition qui circule dans les
milieux de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous
en trouverez un exemplaire ainsi que la liste des premiers signataires.
Espérant que vous donnerez une suite favorable à cette
demande, nous vous prions d'agréer, Monsieur le ministre, l'expression
de nos salutations respectueuses.
Nathalie Ferré
Présidente du GISTI
Pièces jointes :
Notes
[1] Voir aussi le dossier« Emplois fermés aux
étrangers et discriminations ».
Dernière mise à jour :
20-10-2001 18:18
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2001/ens/lang.html
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