Discriminations
dans les Écoles Normales Supérieures (ENS)
À l'attention de :
Monsieur Lionel Jospin
Premier Ministre
Hôtel Matignon
57 rue de Varennes
75007 Paris
Madame Florence Parly
Secrétaire d'État au Budget
139 rue de Bercy, Télédoc 151
75572 Paris Cedex 12
Monsieur Michel Sapin
Ministre de la fonction publique
et de la réforme de l'État,
72 rue de Varennes
75007 PARIS
Objet : demande d'abrogation de l'article 2 du décret
n° 94-874 du 7 octobre 1994 relatif aux stagiaires de
l'État et de ses établissements publics.
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre et Madame la Secrétaire
d'État,
Par la présente, nous avons l'honneur de vous demander de bien
vouloir abroger l'article 2 du décret n° 94-874
du 7 octobre 1994 relatif aux stagiaires de l'État et de
ses établissements publics en ce qu'il ne prévoit pas
le cas des élèves étrangers de l'ENS susceptibles
d'intégrer la fonction publique en qualité d'enseignants
associés dans l'enseignement supérieur ou de chercheurs,
alors que cette possibilité est prévue par l'article 56
de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 et par les décrets
du 30 décembre 1983, du 6 juin 1984 et du
27 décembre 1984 pour le CNRS et INRA.
Le concours d'entrée à l'École Normale Supérieure
est aujourd'hui ouvert à tous les candidats, quelle que soit
leur nationalité, mais la réussite à ces mêmes
concours conduit à des situations discriminatoires. En effet,
l'article 2 du décret n° 94-874 du 7 octobre
1994 prévoit que « Les fonctionnaires stagiaires
sont soumis aux dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du
11 janvier 1984 susvisées et à celles des décrets
pris pour leur application dans la mesure où elles sont compatibles
avec leur situation particulière et dans les conditions prévues
par le présent décret ». Par le renvoi aux
articles 5 et 5 bis des loi du 13 juillet 1983 et du 11 janvier
1984, cet article soumet à une condition de nationalité
l'accès à la qualité de fonctionnaire stagiaire.
Il en résulte que les candidats français et les ressortissants
d'un État membre de l'Union européenne ont accès
au statut de fonctionnaire stagiaire, ce qui leur donne la possibilité
de devenir, à ce titre, salariés de l'État tandis
que les autres étrangers n'ont droit à aucune rémunération.
Cette discrimination légale n'est pas propre aux ENS ;
elle concerne l'ensemble de la fonction publique, les entreprises publiques
à statut, les professions libérales et des dizaines de
professions du secteur privé. [1]
À l'heure actuelle, près de sept millions d'emplois
demeurent soumis à des dispositions réglementaires ou
législatives qui soumettent leur accès à une condition
de nationalité. Dans la plupart des cas, l'argument de la « menace »
que ferait peser sur la « souveraineté nationale »
le recrutement d'étrangers est d'autant plus douteux que ces
secteurs réservés aux nationaux recrutent des étrangers
mais avec des statuts plus précaires et des conditions de salaires
dégradées. Dans le cas du concours d'entrée à
l'ENS, l'argument paraît d'autant plus fallacieux que les élèves
normaliens ont vocation à devenir des enseignants chercheurs.
Or, depuis quelques années, il n'existe plus aucune condition
de nationalité pour le recrutement des maîtres de conférences
et des professeurs étrangers (conformément à l'article 56
de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 et au décret
du 6 juin 1984 relatif au statut des enseignants-chercheurs de
l'enseignement supérieur), ni pour les postes de fonctionnaires
titulaires dans la recherche (conformément au décret du
30 décembre 1983 pour le recrutement de chargés de
recherche, directeurs de recherche, ingénieurs de recherche,
ingénieurs d'études et au décret du 27 décembre
1984 pour le CNRS et INRA). Enfin, l'ouverture du statut de normalien
aux ressortissants communautaires a déjà permis de démontrer
que la condition de nationalité française n'était
pas nécessaire pour contracter un engagement décennal
envers l'État.
Pour toutes ces raisons, nous avons l'honneur de vous demander de bien
vouloir abroger l'article 2 du décret n° 94-874
du 7 octobre 1994 relatif aux stagiaires de l'État et de
ses établissements publics en ce qu'il ne prévoit pas
le cas des élèves étrangers de l'ENS susceptibles
d'intégrer la fonction publique en qualité d'enseignants
associés dans l'enseignement supérieur ou de chercheurs,
alors que cette possibilité est prévue par les décrets
du 30 décembre 1983 et du 6 juin 1984. Nous souhaiterions
également que les étrangers actuellement en cours de scolarité,
puissent immédiatement bénéficier de cette égalité
de traitement. En agissant ainsi, vous ne feriez qu'honorer les engagements,
pris à plusieurs reprises par votre gouvernement, de lutter contre
toutes les discriminations.
Cette demande s'accompagne d'une pétition qui circule dans les
milieux de l'enseignement supérieur et de la recherche. Vous
en trouverez un exemplaire ainsi que la liste des premiers signataires.
Espérant que vous donnerez une suite favorable à cette
demande, nous vous prions d'agréer, Monsieur le ministre, l'expression
de nos salutations respectueuses.
Nathalie Ferré
Présidente du Gisti
Pièces jointes :
Notes
[1] Voir aussi le dossier« Emplois fermés aux
étrangers et discriminations ».
Dernière mise à jour :
23-10-2001 11:08
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2001/ens/jospin.html
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