|
|
COORDINATION FRANÇAISE
POUR LE DROIT D'ASILE
Conditions daccueil
des demandeurs dasile
Lettre au Premier ministre et
au ministre
des Affaires sociales, du travail et de la solidarité
07/07/2003 Aujourdhui,
la caractéristique principale des conditions daccueil des
personnes qui viennent demander une protection à la France est
une grande précarité qui conduit un trop grand nombre
à dépendre desecours incertains, voire à recourir
à la mendicité. On ne compte plus les familles et les
personnes isolées hébergées dans des conditions
indignes, voire laissées à la rue faute de places suffisantes
dans des Centres daccueil pour demandeurs dasile (CADA)
ou des centres durgence. Les places manquent aussi dans les Centres
provisoires dhébergement (CPH), contraignant des réfugiés
à se maintenir durablement en CADA ce qui diminue dautant
loffre dhébergement pour les nouveaux arrivants.
Par ailleurs, des associations qui prennent le relais de lEtat
dans le cadre de conventions se trouvent mises en péril du fait
de retards des subventions correspondantes, dautres voient leurs
locaux occupés par des demandeurs désespérés
du fait de linterruption des financements de lEtat.
Le 5 juin 2003, le ministre des Affaires étrangères reconnaissait
lui-même en présentant à lAssemblée
nationale son projet de réforme du droit dasile que le
dispositif dasile est engorgé et il ajoutait : « pendant
tout cette attente, quelles conditions de vie offrons-nous à
ces femmes et à ces hommes ? comment ne pas voir que la
précarité ainsi subie entraîne avec elle son cortège
de souffrances, dincertitudes, de fragilité qui exposent
à toutes les dérives et toutes les mafias ? De fait, les
centres daccueil des demandeurs dasile sont aujourdhui
saturés et beaucoup de demandeurs ont désormais recours
au dispositif durgence prévu pour les sans abri ».
Il y a aujourdhui une situation durgence pour laquelle
la Coordination française pour le droit dasile (CFDA) vous
demande de trouver une solution sans délai. Depuis de nombreux
mois, la CFDA vous a alertés à plusieurs reprises sur
les difficiles conditions daccueil des demandeurs dasile
en France et tient aujourdhui à rappeler ses recommandations
et ses inquiétudes.
La CFDA rappelle une nouvelle fois, en référence à
ses « 10 Conditions
minimales pour un réel droit dasile en France »
doctobre 2001, limportance dun hébergement,
de moyens de subsistance et dun accompagnement administratif,
juridique et social qui représentent les exigences minimales
dune politique daccueil pour assurer les conditions matérielles
indispensables pour rédiger leur dossier de demande dasile
et ainsi faire valoir convenablement les raisons qui ont contraint les
demandeurs à fuir leur pays.
La CFDA a régulièrement demandé que tout projet
modifiant les conditions daccueil des demandeurs dasile
veille à ce que les garanties du système daccompagnement
ne soient pas amoindries. La CFDA, tout en étant consciente des
efforts déjà consentis par les pouvoirs publics, demande
que des mesures soient prises de toute urgence, sans attendre la mise
en uvre des nouvelles dispositions de la future loi sur lasile
qui ne résoudront pas seules la crise de laccueil des demandeurs
dasile.
- Le système dhébergement pour les demandeurs
du statut de réfugié présente en France une originalité
à maintenir : la liberté de choisir sa solution, soit
individuelle, soit collective en CADA. Pour que ce choix soit réel
pour tous les demandeurs dasile, loffre en places collectives
doit être suffisante et le soutien apporté équivalent
dans chacune de ces formules : accompagnement social et juridique
spécifique, accès aux soins et plus généralement
toutes formes daides à la vie courante.Pour manifester
une solidarité nationale dans laccueil, des places collectives
en CADA doivent être prévues plus largement sur le territoire
avec une instance de régulation nationale coordonnant des commissions
locales dadmission.
- Fin 2002, la CFDA estimait déjà à 24 000 le
nombre total de places nécessaires en CADA ; aujourdhui,
malgré des ouvertures en 2003, ce sont au moins 15 000 places
supplémentaires qui manquent encore pour que les demandeurs
dasile puissent bénéficier, pendant toute la durée
de la procédure, dun hébergement stable, de moyens
de subsistance suffisants et dun accompagnement social, administratif
et juridique. Plutôt quun hébergement coûteux
à lhôtel, 15 000 places réparties dans les
départements ou régions permettraient un accueil partagé
et solidaire des demandeurs dasile sur lensemble du territoire
national.
- Laccompagnement social et juridique doit être rendu
possible pour tous les demandeurs, tant pour la procédure que
pour la vie courante : une information de qualité est indispensable
dans une langue comprise par lintéressé. Cet accompagnement
doit être organisé et accessible dans chaque département.
La préconisation par les pouvoirs publics de la mise en place
de plates-formes daccueil des demandeurs napportera une
réelle amélioration que si des moyens suffisants sont
fournis en matière de domiciliation, de places dhébergement,
daide alimentaire, de suivi social et administratif et daccès
aux soins. La coordination des prestations offertes pourrait ainsi
répondre aux besoins immédiats dune population
fragilisée au moment de son arrivée en France,avant
ladmission en CADA.
- Du fait de limpossibilité actuelle dhéberger
dans des CADA les demandeurs qui le souhaitent, des formules durgence
ont été mises en place en divers lieux de France sous
forme de nuitées d'hôtel : pour la région parisienne,
la Coordination daccueil des familles demandeurs dasile
(CAFDA), qui prend en charge dès leur arrivée les familles
demandeuses dasile, assure aujourdhui lhébergement
en hôtel de plus de 1400 familles, soit 4700 personnes.
Cette plate-forme voit depuis sa création il y a trois ans
leffectif croître sans que le financement de son budget
de fonctionnement corresponde aux besoins de laccompagnement.
Ces solutions durgence ne prévoient pas toujours laccompagnement
social et juridique mais, en labsence dautre solution,
la CFDA estime nécessaire de maintenir les hébergements
en hôtel pour ces demandeurs d'asile, sachant que de nombreux
autres sont déjà à la rue ou dans des squatts
du fait de linsuffisance de places en CADA.
- Pour les demandeurs dasile qui ne sont pas hébergés
en CADA, les aides financières pendant les procédures
doivent être dun niveau respectant la dignité de
chaque personne. Elles peuvent être versées en plusieurs
temps : une « allocation dattente » ponctuelle au
nouvel arrivant, une allocation pour vivre dignement (au moins équivalente
au RMI) pendant toute la procédure avec prise en compte de
la composition familiale (modulable selon les solutions dhébergement)
et une allocation pour les besoins liés aux procédures
: traductions, bons de transports pour honorer les convocations, frais
davocat. Aujourdhui, la remise en question de lallocation
« dattente », si elle est effectivement envisagée,
suscite de vives inquiétudes.
- La mise en place de lAgence française pour laccueil
et les migrations internationales (AFAMI) va englober le Service Social
dAide aux Emigrants (SSAE) membre de la CFDA. La CFDA ne conteste
pas la nécessité d'une relance de la politique dintégration,
mais insiste pour que cette relance ne se fasse pas au détriment
de laccueil des demandeurs dasile. Par son ancrage territorial
(47 bureaux départementaux), lautonomie dintervention
de ses représentants et son rôle dans le réseau
local associatif et institutionnel, le SSAE a toujours représenté
un maillon important du dispositif d'accueil des demandeurs dasile.
- La communication et lautonomie des personnes doivent être
favorisées dès le début de la procédure
: interprétariat, apprentissage de la langue, mise en relation
avec lenvironnement. Laccès à la formation
professionnelle doit être immédiat, le droit au travail
doit être rétabli.
- Au-delà du problème de lhébergement,
se pose la question de laccueil des demandeurs dasile
dès leur présentation en préfecture. Il est anormal
de constater que de nombreuses préfectures refusent ladmission
au séjour de demandeurs pour des motifs illégaux (refus
daccepter les attestations de domiciliation par exemple) les
renvoyant ainsi dans dautres départements et les exposant,
en cas de contrôle, à se voir appliquer des mesures déloignement.
Cette question est indissociable de celle de lhébergement
: ce qui se passe aujourdhui à Paris, Lyon, Marseille
et dans dautres villes de France est le résultat direct
de ces pratiques préfectorales auxquelles la CFDA vous demande
de veiller à ce quil soit mis fin.
- Enfin, une approche interministérielle est nécessaire
pour coordonner la question des réfugiés : divers ministères
sont chargés chacun de la partie qui le concerne, mais en cas
de dysfonctionnement d'un dispositif, cest lensemble du
système qui se paralyse et induit des effets pervers. Cette
coordination doit veiller à la cohésion des dispositifs
dans la transparence et agir dès les premiers signes émanant
notamment des associations concernées et nécessitant
l'intervention des instances publiques. Dans son action concernant
le projet de loi relative au droit dasile, la CFDA a demandé
que ne soit pas supprimé le représentant des organisations
du Conseil dadministration de lOFPRA, seul lieu formel
où des échanges sont possibles entre les représentants
des ministères et celui des associations compétentes.
Paris, le 7 juillet 2003
Dernière mise à jour :
14-08-2003 11:08
.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2003/cfda/lettre.html
|