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COORDINATION FRANÇAISE
POUR LE DROIT D'ASILE
Le HCR à Sangatte : inquiétudes
et interrogations des associations de la Coordination française
pour le droit d'asile
24 octobre 2002 Un accord
tripartite concernant le retour volontaire des Afghans a été
signé le 28 septembre 2002 par le gouvernement afghan, le
gouvernement français et le HCR. Le 8 octobre, le secrétariat
de la CFDA s'est adressé au délégué pour
la France du HCR pour lui demander de confirmer que le HCR ne serait
pas associé à des opérations de retour non volontaire
des résidents de Sangatte, et ce concernant les Afghans
malgré les termes ambigus de l'accord. Il était également
demandé au HCR de confirmer que ses appréciations sur
la sécurité ou les risques encourus dans leur pays d'origine
par ces étrangers, ou même sur leur nationalité
ne seraient communiquées ni au gouvernement français ni
au gouvernement afghan.
Depuis l'annonce par les ministres français et britannique de
l'Intérieur de la fermeture prochaine du centre de Sangatte,
les associations membres de la CFDA ont manifesté leur inquiétude
quant au sort qui serait réservé aux personnes qui, jusqu'à
présent, ont pu y bénéficier d'un accueil provisoire.
Dans le cadre d'échanges réguliers avec le HCR, la CFDA
a eu l'occasion d'exprimer ses interrogations sur le processus mis en
uvre par les deux gouvernements, et sur l'implication du HCR dans
ce processus. Des associations de la CFDA ont exprimé leurs positions
notamment dans les communiqués des 20 juin et 11 juillet
2002. Parmi nos principales préoccupations figurent d'une part
les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place, en
marge ou en amont des procédures légales de détermination
du statut de réfugié, un « pré-filtrage »
quel que soit le terme utilisé des demandeurs
d'asile qui se trouvent à Sangatte, d'autre part les modalités
de retour des personnes qui, à l'issue soit de ce pré-filtrage
soit de l'examen de leur demande d'asile, seront considérées
comme non éligibles à une protection sans pour autant
être candidates au retour volontaire.
Les récentes déclarations des autorités britannique
et française, à la suite de la visite des deux ministres
à Sangatte le 26 septembre, et les termes de l'accord tripartite
signé le 28 septembre renforcent nos inquiétudes
sur ces deux points.
S'agissant du retour, nous avons bien noté que l'accord
tripartite sus-mentionné a pour objectif le « rapatriement
volontaire assisté des Afghans en France », et
qu'il y est fait à plusieurs reprises référence
au rôle confié au HCR de garant du caractère volontaire
de ce rapatriement, en particulier à l'article 8 de l'accord,
selon lequel « le rôle du HCR en matière d'aide
et d'assistance au rapatriement des Afghans, ainsi que de supervision
de ce rapatriement en vue de s'assurer qu'il est bien volontaire et
qu'il s'effectue dans la sécurité et la dignité,
est pleinement respecté par les deux autres Parties. »
Nous relevons cependant que l'article 3 de l'accord intitulé
« retour volontaire » envisage également
des « solutions autres que le retour volontaire ».
Dans cet article 3, après que les Parties aient réaffirmé
que « le rapatriement des Afghans s'effectuera sur la base
de la volonté librement exprimée », il est
en effet indiqué que : « dans le respect de
la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés
et de son Protocole de 1967, des solutions autres que le retour
volontaire et reconnues comme acceptables au regard du droit international
pourront être envisagées à l'égard des Afghans
qui ne jouissent pas de protection ou n'ont pas de besoins humanitaires
impérieux justifiant leur maintien sur le territoire français
mais qui persistent néanmoins à refuser de bénéficier
du programme de rapatriement volontaire énoncé par le
présent Accord. Le processus de retour des Afghans qui ne jouissent
pas de protection ou n'ont pas de besoins humanitaires impérieux
s'effectuera de manière graduelle, ordonnée et humaine,
et portera sur des effectifs compatibles avec les capacités d'hébergement
disponibles. »
Il nous semble que cela signifie qu'il peut exister trois catégories
de personnes : les Afghans « qui jouissent d'une protection »
c'est-à-dire sans doute détenteurs du statut de réfugié,
ceux qui « ont des besoins humanitaires impérieux »
qui pourraient de ce fait obtenir le statut et les autres :
-
Pour la seconde catégorie, nous voudrions savoir si la
référence aux « besoins impérieux »
signifie que seuls les Afghans qui en feraient état pourraient
obtenir le statut de réfugié, cette mention étant
proche de celle qui figure à l'article 1C5 de la Convention
de Genève relatif à la clause de cessation ?
L'accord tripartite ne fait en effet pas référence
aux sept catégories que le HCR a listées pour les
personnes courrant encore un risque important dans ce pays.
-
Pour la catégorie des Afghans « qui persistent
néanmoins à refuser de bénéficier du
programme de rapatriement volontaire », il semble
qu'il leur sera imposé un retour contraint « de
manière graduelle, ordonnée et humaine »,
et nous nous interrogeons sur la compatibilité de cette partie
du dispositif avec l'article 8 de l'accord. Nous voudrions
en outre vérifier si la précision « dans
le respect de la Convention de 1951 » signifie bien
que ces personnes ne devraient en aucun cas être rapatriées
contre leur gré avant un examen complet et attentif de leur
demande d'asile respectueux des normes internationales, ce qui exclue
un examen dans le cadre de la procédure « prioritaire ».
La question se pose à nous avec d'autant plus d'acuité
qu'il nous semble que le HCR est appelé à jouer un rôle
certain dans l'identification de celles et ceux qui, parmi les personnes
qui se trouvent à Sangatte, sont les « Afghans qui
ne jouissent pas de protection ou n'ont pas de besoins humanitaires
impérieux justifiant leur maintien sur le territoire français ».
S'agissant des entretiens individuels que doit mener le HCR,
nous entendons qu'ils ont pour objectif annoncé de conseiller
les personnes, au regard de leur situation personnelle, sur leurs perspectives
concrètes de réinstallation en cas de retour (cf communiqué
HCR du 27 septembre 2002), mais il nous paraît illusoire
de penser que les autorités françaises ne seraient pas
tentées de les utiliser comme moyen de pression sur les Afghans
dont le HCR estimerait le rapatriement « aidé »
envisageable, mais qui ne souhaiteraient en bénéficier.
Voir aussi le dossier
« Le camp
de "réfugiés" de Sangatte »
Dernière mise à jour :
15-11-2002 12:46
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Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2002/cda/afghans.html
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