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Au « centre de réception des étrangers »
(218, rue d'Aubervilliers, Paris 19e)

Une procédure cavalière, maladroite et illégale (4/4)

Intro | 1ère visite | 2ème visite | Conclusion


Conclusions

De nos deux visites distinctes du centre de réception des étrangers de la rue d'Aubervilliers, nous tirons les conclusions suivantes sur la procédure utilisée par vos services.

1) Procédure cavalière :

Rien, notamment le fait que leur dossier ne sera ni déposé ni enregistré lors de leur prochaine venue, n'est expliqué d'avance aux intéressés lorsqu'ils retirent le document lors de leur première visite au centre de réception.

2) Procédure maladroite :

Le formulaire est mal conçu, notamment sur la question de la déclaration relative au trajet entre le pays d'origine et la France. Il faut donc le modifier. La présentation actuelle pousse des étrangers qui n'ont traversé aucun pays à faire comme si c'était le cas – surtout si les fonctionnaires sont tous aussi « directifs » que notre interlocutrice. L'information ainsi extorquée, même fausse et un peu forcée, peut se retourner contre eux en application de l'article 10-1e de la loi du 25 juillet 1952 modifiée (compétence d'un autre Etat pour l'examen de la demande du statut de réfugié).

En outre, le formulaire ne permet pas aux étrangers de savoir clairement quelle est la procédure à laquelle ils sont soumis :

  1. l'appellation « Notice asile » ne dit rien du fait qu'il s'agit d'une demande d'autorisation au séjour en vue d'une demande d'asile ;

  2. la première page du document n'indique pas si la demande vise l'asile territorial ou le statut de réfugié (expression préférable à celle d'« asile politique »), ce qui, pour des étrangers, constitue une difficulté. Et ce qui facilite leur orientation par certains fonctionnaires vers l'asile territorial, comme il semble que ce soit actuellement la coutume.

Il serait donc opportun de remanier la « Notice asile » sur tous ces points.

3) Procédure illégale :

Pendant tout le temps qui s'écoule entre la première visite en centre de réception pour retirer le dossier et le jour où (environ 6 à 8 semaines à Paris, semble-t-il) le dépôt de la « Notice d'asile » (qui est, en réalité, une demande d'admission au séjour en vue d'une demande d'asile) est enfin effectué (c'est-à-dire le jour où l'on échange ce document contre une demande formelle soit d'asile territorial soit de statut de réfugié), l'administration préfectorale ne conserve aucune trace de la démarche de l'étranger et ne le munit d'aucune convocation ni récépissé nominatifs.

Or, les règles de droit commun prévoient la délivrance d'un accusé de réception à la suite de toute demande à l'administration :

  • La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration dispose (art. 18) que« sont considérées comme des demandes (...) les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives ». Cette loi prévoit ensuite (art. 19) que « toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ».

  • Le décret invoqué n'est pas paru. Mais le décret du 28 novembre 1983 (art. 5) prévoyait déjà que « les délais opposables à l'auteur d'une demande adressée à l'administration courent de la date de la transmission à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception mentionnant » (le service, les délais de décisions implicites, les délais et voies de recours, etc.). Ce qui implique l'obligation de délivrer un récépissé.

Les régimes particuliers définis pour les seuls étrangers confirment cette obligation de l'administration :

  • Le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié prévoir (art. 4) qu'« il est délivré à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de carte de séjour un récépissé valant autorisation de séjour ».

  • L'article 10 (paragraphes 1 et 2) de la loi du 25 juillet 1952 modifiée indique que « l'examen de la demande d'admission au titre de l'asile [sans préciser quel asile] présentée à l'intérieur du territoire français relève du représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, du préfet de police.
    « L'admission ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article 5 (de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée) ». Il s'agit d'une demande d'admission au séjour, commune à toutes les requêtes d'asile (statut de réfugié, asile constitutionnel, asile territorial). L'administration préfectorale soumet d'ailleurs tous les demandeurs d'asile à la même procédure d'autorisation de séjour. Elle doit en accuser réception.

  • Le décret du 23 juin 1998 (art. 1) précise, quant à lui, que « l'étranger qui demande l'asile territorial est tenu de se présenter à la préfecture de sa résidence et, à Paris, à la préfecture de police. Il y dépose son dossier, qui est enregistré. Une convocation lui est remise afin qu'il soit procédé à son audition. (...). La demande d'asile territorial vaut demande de titre de séjour ».

L'administration considère qu'il n'y a demande qu'au moment où elle remet à l'étranger le document lui permettant de déposer formellement sa demande d'asile (quelle qu'en soit la nature). Or, la demande d'admission au séjour, que la réglementation impose aux étrangers comme une condition préalable à la demande d'asile, constitue une « demande adressée à une autorité administrative », au sens de l'art. 19 de la loi du 12 avril 2000, et doit, à ce titre, faire l'objet d'un accusé de réception. Ce qui n'est pas le cas.

Cette procédure sans traces et sans récépissé maintient les étrangers dans une clandestinité créée par l'administration et les condamne à violer l'art. 8 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Les personnes de nationalité étrangères doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France.... », précise-t-il. Si ces étrangers font, par exemple, l'objet d'un contrôle d'identité, rien ne peut prouver qu'ils ont déjà manifesté leur intention de demander l'asile, pas même le tampon apposé sur leur « Notice d'asile » lors de leur deuxième visite, quand ils reviennent en centre de réception avec le document rempli. Ce coup de tampon n'est, en effet, complété par aucune inscription sur un quelconque registre. La préfecture ne peut donc jamais confirmer la situation administrative de ces étrangers si des agents de la police ou de la gendarmerie l'interrogent. On imagine ce sur quoi peut alors déboucher un contrôle d'identité, surtout à l'encontre d'étrangers qui sont souvent isolés, et ne connaissent rien de la procédure d'éloignement puisque, pour la plupart, ils se trouvent en France depuis peu de temps. L'administration met ainsi délibérément ces étrangers dans l'insécurité. Elle prend, en outre, le risque de les exposer à des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme en les plaçant en situation potentielle d'éloignement vers des pays où ils sont, par définition, présumés éprouver des craintes de persécutions.

Revoir l'appellation « centre de réception des étrangers »

Les réformes que nous souhaitons permettraient de respecter la réglementation. Il faudrait également, pour bien faire, revoir l'appellation des « centres de réception des étrangers ». Elle nous paraît, depuis longtemps, pour le moins étonnante. Car elle a deux connotations possibles, qui sont l'une et l'autre difficilement admissibles. Ou bien la notion de « réception » renvoie à celle de « mondanités » qui est, en l'occurrence, paradoxale, à moins qu'elle n'ait une visée ironique. Ou bien elle évoque, comme le signale en premier sens le Larousse, le fait de recevoir un colis. Notre double visite sur place nous entraîne à trouver une certaine adéquation entre la deuxième acception et la réalité. Cela ne justifie pas que cette situation soit comme officialisée et validée par l'appellation de ces sortes de centres, qui pourraient, par exemple, être nommés d'« accueil ». A condition que des réformes nous dispensent de devoir mettre des guillemets autour du mot.

Dalila Abbar            Jean-Pierre Alaux

 

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Dernière mise à jour : 8-07-2000 20:08.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2000/rapport-3.html


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