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Au « centre de réception des étrangers »
(218, rue d'Aubervilliers, Paris 19e)

Une procédure cavalière, maladroite et illégale (2/4)

Intro | 1ère visite | 2ème visite | Conclusion


 

Visite du 4 mai 2000

Le jeudi 4 mai 2000, je me suis rendue à la préfecture avec un Algérien pour y retirer un formulaire de demande du statut de réfugié.

Avant de m'engager dans la rue d’Aubervilliers, j'ai demandé notre chemin à un éboueur d’origine maghrébine qui m'a aussitôt répondu, en regardant celui que j'accompagnais : « Si c’est pour l’asile, c'est tout droit ». Le centre de réception paraît connu par les étrangers et/ou par les Français d'origine étrangère.

Il est 11h50 quand nous arrivons au 218 de la rue d’Aubervilliers. Environ 200 personnes font la queue sur le trottoir, des Africains et des Asiatiques pour la plupart et guère plus de 10 Maghrébins.

Pour parvenir à l’entrée principale de la préfecture, les étrangers doivent nécessairement passer par un long couloir où ne tiennent que deux personnes de front. Ce couloir est fait à mi-hauteur d'un mur en béton, et le reste en plexiglas. Il nous oblige à descendre en sous-sol par un escalier. Au bas des marches, le couloir se termine en cul de sac fermé. Accéder à l'entrée du centre, qui se trouve au premier étage, implique de remonter par un couloir parallèle et juxtaposé à celui dans lequel nous faisons la queue, qui est très longue. Pour gagner ce couloir de remontée vers l'entrée, nous sommes obligés d’escalader le muret de séparation des deux couloirs, aucune communication entre l'un et l'autre n'étant disponible.

On a du mal à imaginer comment une personne peut être évacuée en cas de malaise ou pour tout autre motif, comment font les femmes enceintes ou les familles avec de petits enfants.

Dans le but de me renseigner, je vais à l’entrée principale. Là, se tient un policier auquel je demande qu'est-ce qu'il faut faire pour obtenir un formulaire de demande d’asile politique. Le policier, avant de répondre à ma question, me demande si je suis française. Je réponds positivement. Courtoisement, en me vouvoyant, il m'explique que je dois faire la queue. A peine en a-t-il fini avec moi que ce même policier s'adresse à un étranger en le tutoyant.

Je reprends ma place dans la file d'attente aux côtés de l'Algérien que j'accompagne. Dans la queue, personne ne se parle ; seules, quelques phrases sont échangées entre ceux qui sont venus à plusieurs. Aucune attention particulière, aussi bien de la part du personnel de la préfecture que de celle des étrangers, n’est portée aux femmes enceintes ou à celles accompagnées d’enfants en bas âge. Elles attendent comme tout le monde.

La file avance lentement. Quand nous arrivons en tête, je m’aperçois que les personnes entrent par groupes de 10. Pour arrêter ceux qui n'entreront qu'avec le groupe suivant, un policier stoppe les gens avec un bâton en bois. Dès que la file avance, les gens se bousculent. C’est à celui qui réussira à grappiller une place.

Notre tour arrive. Nous sommes les derniers de notre groupe de dix. Dans mon dos, le bâton interrompt le flux qui s'avance et nous sépare du reste de la file d’attente. Pour accéder à la porte de la préfecture, il y a une petite porte métallique. Je la franchis. L'Algérien que j'accompagne se trouve derrière moi. Le policier qui nous a laissé passer dit à l'Algérien : « Ferme la porte ».
Il est 13h15.

Arrivés à l’intérieur de la préfecture, les gens se bousculent et s’insultent. Devant nous, une Africaine se fait fouiller. Tous les objets de son sac sont retirés un à un puis remis à l’intérieur. L'Algérien que j'accompagne dépose dans la corbeille en plastique ses objets métalliques. Il traverse le détecteur sans déclencher de sonnerie. Le jeune policier qui surveille lui dit bonjour, puis le fouille.

C’est mon tour. Je dépose mes clefs et mon téléphone portable dans la corbeille. Je dépose aussi mon sac à main, ainsi que mon cartable. Je traverse le détecteur. Le même policier me dit bonjour et ne me fouille pas.

Nous nous dirigeons vers un homme en civil assis derrière une table. Je lui explique que j'accompagne l'Algérien qui est à mes côtés, et que nous souhaitons obtenir un formulaire de demande d’asile politique. Le fonctionnaire regarde celui qui est avec moi, et me dit : « Si c’est pour une demande d’asile territorial, c’est au guichet n° 2 ». Je répète au fonctionnaire qu’il ne s’agit pas d’une demande d’asile territorial mais d'asile politique. Il me répond: « Oui, oui, c’est quand même le guichet n° 2 ».

Nous pénétrons dans une salle agréable où se trouvent plusieurs guichets. Là, une file d’attente patiente devant le guichet n° 2. Au centre de la salle, une cinquantaine de personnes sont assises. Sur les côtés, quelques chaises soigneusement alignées sont vides. Sur le mur, deux affiches : la première reproduit la Déclaration universelle des droits de l’homme ; l'autre affirme que « Le racisme et l’antisémitisme sont un délit ». Une machine à café, une photocopieuse, un photomaton et un distributeur de friandises donnent un caractère accueillant à la pièce.

Devant la machine à café, un Asiatique a du mal à faire sa commande. Je m’approche et constate que la machine est effectivement plus compliquée que d’ordinaire. Je tente d’expliquer le fonctionnement à l'Asiatique qui ne me comprend pas. Il me fait passer devant lui et il regarde attentivement mes gestes. Je prends mes deux cafés et constate qu'il sait maintenant se servir du distributeur. Il me remercie avec un sourire.

Dans la file d'attente, l'Algérien que j'accompagne me dit d’un ton désabusé qu’il ne s’attendait pas à trouver autant de monde et qu’il a l'impression d'être en Algérie parce que les policiers parlent aux gens comme à des chiens.

On s’approche du guichet n° 2.

Les personnes assises au milieu de la salle se font appeler par leur nom et diriger vers d’autres guichets. Tout se passe convenablement. Les étrangers sont détendus. On ne ressent aucune pression.

Deux personnes sont devant nous. Je sors un instant de la file pour tenter d’écouter ce qu’ils disent à la guichetière et quelles sont ses réponses. Impossible de comprendre quoi que ce soit. Un Africain présente à la fonctionnaire des photocopies et un document qui semble être un récépissé. Je n'ai pas eu l'impression que la fonctionnaire du guichet avait salué l'Africain. Sans prendre la peine de lever les yeux vers lui, elle s’empare de ses documents et lui tend un papier orange. L’homme le prend et va s’asseoir au milieu de la salle avec les autres.

Juste devant nous, il y a un autre homme qui pourrait bien être un Algérien. Aucun bonjour ne répond au sien. La guichetière l'informe qu'il lui faudra revenir le lendemain matin à 8h. L’homme s’énerve. Il explique qu’il a fait la queue pendant plus de 4 heures et qu’il ne peut pas revenir. La guichetière lui répond que, s’il a des réclamations à faire, il doit se rendre au premier étage.

C’est notre tour. Il est 13h35. Je m’avance vers le guichet. D’une voix assez forte, je salue la guichetière. Elle me rend mon bonjour. Je lui explique que j'aide l’homme qui est derrière moi et que je souhaite un formulaire de demande d’asile politique. La fonctionnaire me répond que, pour les demandes d’asile territorial, c’est au premier étage. Je lui répète qu’il n’est pas question d’asile territorial mais d’asile politique et lui explique que le fonctionnaire qui est à l’entrée nous a dirigés vers le guichet n° 2. Elle me répond qu’il y a erreur, que c’est bien au premier étage.

Nous empruntons l’escalier qui mène au premier étage. Là, une quinzaine d'étrangers sont assis. Un fonctionnaire traite la demande de deux hommes assis devant lui, celui que je présume être algérien et qui se trouvait devant nous au guichet n° 2, et un Africain.

A droite, une salle avec des guichets. Je vais vers un guichet où se trouve une femme debout avec un long chiffon blanc. Devant elle se trouvent un Africain et un Asiatique. De loin, je ne vois pas ce qu’ils font. Je vais vers un autre guichet devant lequel personne n'attend, mais où, derrière la vitre, se trouve une jeune femme. Je lui explique que je viens du guichet n° 2 au rez-de-chaussée où on m’a orienté vers le premier étage pour y retirer un formulaire de demande d’asile politique. De manière désagréable, elle me répond qu’il faut que je me renseigne auprès d'un fonctionnaire qui est derrière moi.

A ce moment, j’entends la fonctionnaire debout avec un chiffon blanc dire fort à l'Asiatique qui, à côté d'un Africain, se trouvait avec elle à notre arrivée à l'étage : « Va t’asseoir. Tu n’as pas à écouter le dossier des autres ». Comme l'Asiatique n’a pas compris, elle lui montre du doigt les sièges qui se trouvent derrière lui. Il s’exécute. La fonctionnaire, toujours d’une voix forte, dit à l’Africain resté avec elle, ainsi qu’à tous ceux qui veulent l’entendre : « Décidément, qu’est-ce qu'ils sont mal élevés ces Chinois ». L’Africain pris à témoin approuve de la tête.

Je me dirige vers le fonctionnaire qu'on m'a indiqué. Il est debout derrière son bureau. Comme il est occupé avec d’autres personnes, je guette le bon moment pour lui parler.

La fonctionnaire au chiffon passe devant tout le monde sans s’excuser, s’approche et lui dit qu’elle n’arrive pas à prendre les empreintes et souhaite de l’aide. Je comprends la signification du chiffon blanc. Son collègue abandonne l’étranger dont il traite le dossier, et va l'aider.

Le fonctionnaire revient. J’en profite pour l'interroger. Il me regarde, puis regarde l'Algérien que j'accompagne. Il dit : « Pour l’asile territorial, ce n’est pas ici mais à l’entrée ». Je lui répète, énervée, que je ne demande pas un formulaire pour l’asile territorial mais pour l’asile politique et que la fonctionnaire du guichet n° 2 m’a confirmé que c’est au premier étage. L’homme s’énerve aussi. Il me reproche de m'être mal expliqué. Je réplique que je sais faire la différence entre asile politique et asile territorial. Il a l'air surpris. Il me demande aimablement de lui faire confiance, m'assurant qu’il connaît bien « la boutique », que je dois retourner à l’entrée pour obtenir mon formulaire d’asile politique.

Nous voilà donc à nouveau au rez-de-chaussée. Je me dirige vers l’entrée du centre de réception où se trouvent trois hommes en civil et un CRS. Je revois parmi eux celui qui m’avait dirigé vers le guichet n° 2. J'interromps leur conversation. Je leur fais fermement part de mon étonnement et de ma colère de ne pas avoir pu trouver un fonctionnaire compétent capable de me dire auprès de qui je devais me rendre pour obtenir un formulaire d’asile politique. Ils sont embarrassés, en particulier celui qui m’avait dès le départ induit en erreur. Il m'assure qu’il est désolé et qu’avec tout ce monde, il n’a pas fait attention à ma question, qu’il a cru entendre « asile territorial ». En même temps, il me tend un formulaire. Je vérifie son contenu. C'est le bon.

Nous avons enfin le document que nous sommes venus chercher. Mais personne n'enregistre le nom de l'Algérien que j'accompagne, personne n'a regardé ses papiers. Il n'existe donc aucune trace de sa démarche à la préfecture.

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Dernière mise à jour : 8-07-2000 20:08.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2000/rapport-1.html


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