Contestation de l’expulsion des habitants d’un bidonville

Les propriétaires d’un terrain situé rue du Mas Rouge, à Montpellier, ont obtenu du juge des référés qu’il prononce l’expulsion des familles qui occupaient ce terrain. L’ordonnance, rendue le 12 janvier 2017, a été confirmée par la cour d’appel le 19 octobre 2017. Les personnes expulsées se sont alors pourvues en cassation.

L’affaire s’inscrivant dans le contexte d’une politique d’expulsion systématique visant principalement les populations Roms, plusieurs associations sont intervenues au soutien de ce pourvoi : l’Association Recherche Education Action (AREA), la fondation Abbé Pierre, le Collectif national des droits de l’homme Romeurop, le Gisti et la Ligue des droits de l’Homme.

La question juridique posée est celle des pouvoirs du juge des référés lorsqu’il est saisi d’une demande tendant à l’expulsion de personnes occupant un terrain sans titre. En l’espèce, par les ordonnances contestées, les juges ont ordonné l’expulsion au seul motif du trouble manifestement illicite que constitue pour le propriétaire l’occupation sans droit ni titre.

Or la Cour de Strasbourg, dans un arrêt Winterstein rendu le 17 octobre 2013, a estimé qu’il revenait au juge national, dans ces hypothèses, d’exercer un contrôle de proportionnalité, en mettant en balance l’atteinte portée au droit de propriété avec le droit à la protection du domicile et de la vie privée des occupants, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

En l’espèce, l’expulsion des occupants avait été ordonnée Sans égard pour les actions menées depuis huit mois avec succès par l’association AREA, mandatée par la préfecture de l’Hérault, pour la scolarisation des enfants, l’intégration socio-professionnelle des parents et la médiation santé des familles.

Le pourvoi vise par conséquent à demander à la Cour de cassation d’affirmer qu’il appartient au juge de refuser d’ordonner la mesure d’expulsion lorsque l’atteinte à des droits fondamentaux qui en résulterait excède le trouble, même manifestement illicite, résultant pour le propriétaire de l’occupation d’un terrain lui appartenant.

Dans un arrêt du 4 juillet 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que :

  • « l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant, protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété ; qu’ayant retenu à bon droit que, le droit de propriété ayant un caractère absolu, toute occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite permettant aux propriétaires d’obtenir en référé l’expulsion des occupants, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision »

Elle déclare par ailleurs irrecevables les interventions volontaires des associations, au motif qu’elles ne justifient pas d’un intérêt pour la conservation de leurs droits.

TGI Montpellier, 12 janvier 2012
CA Montpellier, 19 octobre 2017
Mémoire ampliatif devant la Cour de cassation
Intervention volontaire des associations
Cass. civ. 4 juillet 2019

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Dernier ajout : mardi 17 septembre 2019, 10:57
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