Enquête CCFD, Cimade, Gisti, Saf et SM sur les « réfugiés » de Sangatte

Une situation née il y a quatorze ans

Entretien avec Véronique Désenclos, de l’association « la Belle Étoile » à Calais (12 octobre 2000)

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Véronique Désenclos préside aux destinées de la petite association calaisienne « la Belle Étoile », qui fut une des premières, sinon la première, à tenter d’attirer l’attention sur le sort des « réfugiés » à la recherche d’une traversée vers la Grande-Bretagne pour y demander l’asile. A l’origine, elle militait à Amnesty International.

Voir l’encadré « Étapes »

La Belle Étoile démarre en juin 1994. Une de ses premières initiatives consiste à réunir les consuls de Pologne à Paris, à Londres et à Bruxelles pour tenter de débloquer le sort des Polonais qui, depuis 1990, n’arrivent pas à entrer en Grande-Bretagne.

En octobre 1997, une quarantaine de Roms de la République tchèque, refoulés d’Angleterre malgré le fait qu’ils y avaient demandé l’asile, s’installent à proximité du terminal du tunnel sous la Manche. En septembre, la Convention de Dublin (critères en vertu desquels on détermine quel est l’Etat de l’Union européenne qui doit examiner une demande d’asile) était entrée en vigueur. C’est à ce moment-là, en décembre, que se crée le Collectif de soutien en urgence aux refoulés, composé d’associations caritatives et qui existe toujours [sur le papier seulement, selon les autres organisations rencontrées].

Un pavillon d’une maison de retraite est alors réquisitionné pour les Roms tchèques. Après négociation, la Grande-Bretagne en accepte la moitié ; la France garde l’autre.

En avril 1998, un nouveau sous-préfet s’installe à Boulogne-sur-Mer. Il est d’accord pour permettre aux associations d’installer un bureau d’accueil à l’arrivée des ferries où l’on enregistre une vingtaine de refoulés d’Angleterre par jour. Mais on attendra 2 ans et demie son ouverture. Quant au centre d’hébergement, également réclamé par les associations, il ouvrira en septembre 1999.

Octobre 1998 connaît l’arrivée de jeunes Kosovars fuyant l’armée serbe et désertant. L’événement intervient avant le déclenchement des bombardement par les forces de l’OTAN. Les militants associatifs reçoivent une formation juridique dispensée par la Croix-Rouge.

Pendant l’hiver 98-99, les Kosovars et d’autres étrangers s’entassent dans le terminal des ferries pour se protéger du froid. C’est le seul endroit où ils peuvent s’abriter. Mais le soir de Noël 1998, 80 Kosovars sont mis dehors parce que c’est la seule nuit de l’année où les ferries s’arrêtent.

En février-mars 2000, ce sont des familles entières du Kosovo qui arrivent. Sous la pression des associations et d’Emmaüs, qui vont pourvoir à la nourriture, aux couvertures, etc., leur venue motive l’ouverture d’un entrepôt pour leur hébergement en mai. Il ouvre chaque soir et ferme chaque matin. Ce premier « camp » sera supprimé au bout d’un mois. Le sous-préfet ne fait pas surveiller l’entrepôt. Du coup, on y voit arriver tous les soirs 200 étrangers, aux 4/5èmes Kosovars, dont une bonne partie de femmes et d’enfants qui veulent rejoindre un mari ou un père déjà en Grande-Bretagne. La presse commence à s’intéresse à l’affaire.

Le 4 juin 1999, l’« établissement » est donc brusquement fermé par le sous-préfet. En deux jours, plus de 200 personnes sont jetées à la rue. Ils s’installent dans les jardins publics de Calais, notamment au Parc Saint-Pierre, au pied de la mairie de la ville. Les association organisent des distributions de pain.

En juillet 1999, le Parc Saint-Pierre s’est progressivement transformé en bidonville. Les étrangers y ont transporté tout ce qui permet de bâtir un abri de fortune. Une députée européenne « verte » organise un déjeuner des associations avec le préfet d’Arras. Le préfet accepte de venir sur place et découvre le bidonville. C’est alors que s’ouvre, pour la première fois en août 1999, le hangar de Sangatte. Il apparaît rapidement que le directeur est un ancien policier. Après dix jours, le hangar ferme.

Contre cette fermeture, les associations répondent par des protestations et des manifestations. Le défilé en ville des militants suivis par les camions d’une communauté Emmaüs du Nord, dirigée par le père Léon, ainsi qu’un appel de l’Abbé Pierre, décideront la préfecture à rouvrir le hangar de Sangatte le 24 septembre 1999, et à confier sa gestion à la Croix-Rouge (voir l’entretien avec le directeur du camp de Sangatte).

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ÉTAPES

1986

C’est cette année-là que l’on prend conscience — Amnesty International d’abord — de la question des étrangers qui errent sur la côte dans la région de Calais en vue de se rendre en Angleterre ou refoulés par ce pays. Certains construisaient des radeaux. Et puis il y a eu l’affaire d’un vieux colonel indien « en orbite » entre France et Angleterre parce que refoulé et renvoyé plusieurs fois par les deux pays.

1986-1990

C’est l’époque des Pakistanais et des Vietnamiens.

1990

A la suite de la chute du rideau de fer, des Polonais tentent de gagner l’Angleterre parce qu’ils y ont souvent de la famille. Or, les Polonais n’avaient pas besoin de visas. Ils étaient pourtant refoulés.

Ce fut ensuite le tour de ressortissants de tous les pays de l’Est et de Tamouls. Ils arrivaient par la Hollande et la Suisse.

1997

Des Roms de la République tchèque commencent à vouloir gagner l’Angleterre. Ouverture, à la fin de l’année et pour peu de temps, d’un pavillon dans une maison de retraite comme lieu d’hébergement.

1998-1999

Arrivée des Kosovars. En mai 1999, l’administration autorise l’ouverture d’un lieu d’hébergement de nuit en septembre 1999. Il sera fermé au bout d’un mois. Puis, le 24 septembre 1999, le « camp » de Sangatte, géré par la Croix-Rouge ouvrira ses portes.

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Dernier ajout : mercredi 17 janvier 2007, 15:39
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