B. Infraction au code de l’urbanisme contre l’hébergement de demandeurs d’asile

2015 : à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais)

À Norrent-Fontes, l’une des jungles du Pas-de-Calais, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ayant été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel, les soutiens locaux, dont les membres de l’association Terre d’errance, ont entrepris de le reconstruire. Las : le maire aujourd’hui en fonction ne l’a pas entendu de cette oreille, et a pris début août, arguant de piètres motifs d’urbanisme, un arrêté d’interdiction de cette reconstruction. Les militants de Terre d’errance sont accusés d’avoir enfreint cet arrêté au motif qu’ayant stoppé les travaux de construction ils ont cependant posé une toile pour permettre aux exilés de se protéger de la pluie...
Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! À ce jour, plusieurs membres de Terre d’errance ont été convoqués à la gendarmerie pour des interrogatoires, en attendant, peut-être, une inculpation.

2013-2015 : à Saint-Étienne

Extraits d’un information diffusée sur le site de la LDH de Toulon

Depuis de nombreuses années, des demandeurs d’asile africains arrivent à Saint-Étienne. L’association Anticyclone, créée il y a 13 ans, soutenue par le diocèse de Saint-Étienne et présidée par le P. Gérard Riffard, membre du collectif « Pour que personne ne dorme à la rue », les accueille, les accompagne dans leur dossier de demande d’asile, tout en organisant un certain nombre d’ateliers pour faciliter leur intégration.
 En août 2012, les lieux, propriété de l’association diocésaine de Saint-Étienne, ont été contrôlés par la commission municipale de sécurité. Un avis défavorable a alors été émis pour toute activité d’hébergement. Anticylone a contesté la décision et accepté de prendre des mesures permettant de poursuivre l’accueil, avec l’espoir de parvenir à un accord. En février 2013, l’arrêt de fermeture, confirmé, a été ainsi justifié  : « L’accueil pour le sommeil n’est pas une utilisation normale des locaux de l’Église. »
Anticyclone n’a cependant pas renvoyé à la rue les personnes qu’elle hébergeait, et qui sont elles-mêmes membres actifs de l’Association.

En septembre 2013, les membres du conseil d’administration ont été convoqués au commissariat de police, à la demande du procureur de la République. Le 1er avril 2014, la convocation au Tribunal de police a été remise au P. Riffard.

  • TGI de Saint-Étienne, 11 juin 2014 : comparution du père Riffard

Une amende de 12 000 euros a été requise.
Le représentant du parquet a requis une condamnation correspondant à 239 fois une amende 50 euros, pour avoir enfreint un arrêté municipal de février 2013 ordonnant l’arrêt de l’hébergement dans ce bâtiment. L’ecclésiastique a fait valoir que « l’État est tenu par la loi d’héberger les demandeurs d’asile, ce qu’il ne fait pas complètement ».
Le prêtre réfute l’argument suggéré par le président du tribunal d’instance selon lequel l’ouverture des portes de cette église et de ses installations sommaires provoquerait « un appel d’air en faveur du puits sans fond qu’est l’immigration clandestine ».
L’avocate du prêtre invoque « l’état de nécessité et la protection contre un danger imminent, face à la non-application du droit fondamental que constitue l’hébergement d’urgence », et demande la relaxe de son client.

EXTRAIT
« Attendu que la mise en oeuvre de ce droit à l’hébergement d’urgence incombe aux autorités de l’Etat et le Conseil d’Etat, le 10/02/2012, a érigé ce droit au rang d’une liberté fondamentale ;
Attendu, donc, que, s’agissant d’une liberté fondamentale, l’Etat, s’il n’a pas les moyens de satisfaire la demande d’hébergement d’une personne sans-abri, doit déléguer ce devoir d’hébergement d’urgence à toute autre personne morale ou physique en capacité d’accueillir des sans-abri ;
Qu’il ne peut se retrancher derrière le fait que les locaux susceptibles d’assurer cet accueil ne seraient pas aux normes de sécurité réglementaires dans la mesure où la directive 2003/9 du Conseil de l’Union Européenne du 27/01/2003 lui permet de déroger aux conditions matérielles minimales d’accueil pendant une période raisonnable lorsque les capacités de logement sont temporairement épuisées ;
Attendu qu’il est donc paradoxal que l’Etat poursuive aujourd’hui le père RIFFARD pour avoir fait ce qu’il aurait dû faire lui-même
 »

TGI de Saint-Etienne, 10 septembre 2014

RESF de Saint-Étienne, « Le père Gérard Riffard relaxé par le Tribunal de St-Etienne »

  • Cour d’appel de Lyon, 27 janvier 2015

La Cour se déclare incompétente au motif qu’il s’agit d’une poursuite pour un délit qui ne relevait pas du tribunal de grande instance de Saint-Étienne.
Il revenait alors au parquet de Saint-Étienne de décider s’il y a lieu de porter l’affaire tribunal correctionnel.

CA de Lyon, 27 janvier 2015, n°14/02239

L’affaire en est finalement restée là.

Portraits du père Riffard

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Dernier ajout : lundi 29 mai 2017, 10:09
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