Hors-collections
Dépôt de Paris : l’assignation du préfet de police (novembre 1993)
« Les conditions dégradantes auxquelles sont astreints les étrangers placés en rétention au Dépôt de la préfecture de police à Paris ne sont pas tolérables. Dès 1991, le Conseil de l’Europe s’était ému de cette situation. Rien n’a changé depuis lors. Cet immobilisme témoigne du mépris croissant dans lequel la France tient, depuis une vingtaine d’années, les étrangers venus des pays défavorisés de la planète.
S’il n’en était pas ainsi, il aurait été facile d’améliorer les conditions d’existence dans ce centre de rétention. Leur pérennisation est à l’image de la politique générale de la France et de l’Europe à l’encontre des immigrés, fondée sur la suppression et la fragjilisation progressives de leurs droits. De ce point de vue, la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France est un modèle du genre, puisque la rétention administrative y est devenue “normale” dans toute procédure d’éloignement alors qu’elle était auparavant “exceptionnelle”. De même, dans son projet initial, cette loi a institué une ‘rétention judiciaire" de trois mois contre les étrangers non admis où éloignés dépourvus de titres de voyage. Malgré son invalidation par le Conseil constitutionnel, cette mesure sera prochainement soumise à l’approbation du Parlement, agrémentée de quelques garanties secondaires.
Cette banalisation de la rétention aggrave évidemment les conditions d’existence déjà dégradantes au Dépôt de la Cité. Qu’importe : rien n’a été prévu pour les rendre compatibles avec le respect de la dignité humaine, alors même que la multiplication des victimes est, quant à elle, bel et bien programmée. Comme dans les ‘zones d’attente” aux frontières portuaires et aéroportuaires, toujours fermées aux associations de défense des droits des étrangers faute de la publication d’un décret y autorisant leur présence, dix-sept mois après l’entrée en vigueur d’une loi qui prévoit expressément cette disposition, au Dépôt de la préfecture de police de Paris, le secret fente de Sauvegarder l’image humanitaire de la France. Ni la presse, ni les avocats ne peuvent visiter ces oubliettes de la République.
Comme en 1991 et en 1992 à propos des rétentions en zone internationale, le Gisti a donc dû demander à la justice de faire cesser ce qu’il considère comme une voie de fait. Cette fois, il a fallu déposer une requête auprès du président du tribunal administratif de Paris pour obtenir une ordonnance permettant d’entrer au Dépôt et autorisant l’expertise des lieux. Cette visite s’est avérée si édifiante que, dans un souci de défense des libertés publiques et des droits humains, le Gisti n’a eu d’autre choix que d’assigner le préfet de police de Paris devant de fibunal de grande instance dansl’espoir de faire interdire toute rétention dans les conditions actuelles au Dépôt de la Cité.
Au-delà, il est clair que l’obsession de la fermeture des frontières en guise de politique de gestion des flux migratoires génère, par sa nature inégalitaire et répressive, tous les ingrédients qui légitiment et légitimeront de graves atteintes aux droits de la personne humaine, qu’elle soit française où étrangère. Le cas du centre de rétention dela préfecture de police de Paris est au mieux un symptôme parmi d’autres des dérapages inhérents à ce contexte général. Pour le Gisti, il est plus que temps de réfléchir à des façons moins sommaires d’encadrerla liberté de circulation à l’échelle internationale si l’on souhaite réellement remédier à un affaiblissement général de l’État de droit qui ne menace pas seulement les libertés des étrangers.
Paris, 10 novembre 1993. »
Novembre 1993
De la fermeture des frontières à la dégradation générale de l’État de droit
L’assignation du préfet de police de Paris pour voie de fait
Assignation à jour fixe
Assignation en référé d’heure à heure
Rapport d’expertise médicale sur le centre de rétention de Paris
Rapport des avocats sur les conditions de rétention au Dépôt de Paris
Plan du centre de rétention
Quelques photos du « cadre de vie » des étrangers retenus
Visite du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe
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