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Plein Droit n° 71, décembre 2006
« 
Histoires de mobilisations »

Défendre la liberté d’étudier

ÉDITO


LA politique d’immigration choisie et son corollaire, la remise en cause des droits fondamentaux, sont d’ores et déjà appliqués à tous ceux qui souhaitent bénéficier d’une formation en France. Lorsque le ministre de l’intérieur s’est rendu à Dakar en septembre 2006 pour signer un accord bilatéral avec le président Wade, il est parvenu à imposer une négociation qui en dit long sur sa conception de l’immigration : la France accepte d’octroyer au compte-gouttes des visas à des étudiants triés sur le volet, mais exige en échange des garanties pour faciliter la mise en œuvre des reconduites à la frontière de Sénégalais, en particulier en exhortant les autorités du pays à délivrer aveuglément des laissez-passer consulaires à tous ceux qui sont en instance d’éloignement.

Cette politique n’est pas nouvelle et se traduit déjà dans les statistiques qui ont été communiquées au Figaro par le secrétaire général du Comité interministériel de contrôle de l’immigration et qui viennent d’être publiées le 5 décembre 2006. On nous annonce que l’immigration régulière a baissé de 2,57 %. Pourtant, en réalité, cette baisse est due pour moitié à une diminution du nombre de visas (de 65 000 visas à 60 000) et de premières cartes de séjour temporaire accordées à des étudiants étrangers (- 7,6 %). Si on met à part les jeunes étrangers issus de l’immigration et ayant obtenu leur baccalauréat en France et les étudiants européens, le nombre d’étudiants étrangers non communautaires venus en France et tenus de détenir une carte de séjour mention « étudiant » stagne depuis 2002 (de l’ordre de 130 000 personnes, soit 11 % des effectifs des universités).

Mais c’est surtout au niveau de la qualité de l’accueil que la situation est la plus inquiétante. Les étudiants étrangers venus étudier en dehors de programmes de bourses sont bien trop souvent livrés à eux-mêmes et laissés
à l’abandon. Plus d’une demi-douzaine de rapports publics d’institutions les plus diverses ont dressé ces dernières années ce même constat. Avec la mise en place des Centres pour les études en France (CEF), qui pourraient devenir de véritables préfectures délocalisées destinées à externaliser la police des étrangers, c’est un accueil à deux vitesses des étudiants étrangers qui est en train d’être institutionnalisé. Tapis rouge pour ces (rares et chères) élites. Galère pour les autres. Délivrance automatique de cartes de séjour pluri-annuelles pour les uns avec accueil à la carte et logement sans difficulté ; contrôles accrus et discriminations pour les autres.

Toutes les étapes pour venir en France constituent pour l’étudiant lambda un véritable parcours d’obstacles : sélection par les CEF (qui filtreront près de 70 % des flux d’étudiants à terme), obtention de la pré-inscription par l’université, passage du test de français, obtention du visa de long séjour. Et même une fois arrivés en France, les étudiants sont confrontés à de multiples contrôles des préfectures (contrôle de la progression des études, des ressources, du logement, du respect des 964 heures de temps de travail annuel – au risque du retrait de titre). Après les CEF et les services, les préfectures s’érigent en censeurs de la possibilité, pour un étudiant, d’étudier en France, et ce, sans prendre en compte les contraintes inhérentes à l’adaptation au système éducatif français. Cette situation ne cesse de s’aggraver depuis des décennies. Elle a eu pour effet de multiplier les cas d’étudiants sans-papiers.

ON y retrouve soit de jeunes « déboutés » du regroupement familial ou venus isolés en France lors de leur minorité et qui, après avoir été scolarisés en France, rencontrent les pires difficultés à régulariser leurs papiers ; soit des étudiants étrangers, acceptés par une université, mais qui ne réussissent pas à obtenir le visa approprié ou à remplir les conditions draconiennes pour avoir droit à une carte de séjour. À tel point que la Halde a reconnu, dans une recommandation, le caractère discriminatoire d’un refus d’admission provisoire opposé par une université à une étudiante étrangère installée en France.

La situation est d’autant plus difficile que, depuis 1997, les étudiants ont été systématiquement exclus des procédures de régularisation et que la disposition de la loi « Sarkozy » de novembre 2003 visant à favoriser la régularisation de ceux entrés sans visa de long séjour – mesure prise suite à des grèves de la faim à Nanterre et Saint-Denis – n’a été qu’une mesure d’affichage.

C’EST pour répondre à ces situations et pour préserver une université ouverte à tous que des organisations de défense des étrangers et des syndicats enseignants et étudiants ont réuni leurs forces au sein d’un Réseau universités sans frontières (RUSF). Le but de ce réseau est d’apporter son soutien à tous les étudiants étrangers et de s’opposer à la philosophie des législations qui, sans cesse depuis une décennie, favorisent une vision utilitariste des migrations. Le RUSF qui s’inscrit dans la même dynamique que le Réseau éducation sans frontières (RESF) avec une organisation informelle reposant sur des collectifs locaux a vocation à fédérer les actions pour s’opposer aux éloignements d’étudiants sans papiers, s’assurer de leur inscription, obtenir leur régularisation, combattre les discriminations et défendre l’égalité des droits en matière d’aide sociale et d’accès au travail, etc.

L’éloignement, le 7 décembre 2006, après deux tentatives avortées, d’un syndicaliste étudiant de l’université de Toulouse-le-Mirail montre que si la mobilisation peut retarder des expulsions, les méthodes policières sont de plus en plus sophistiquées et efficaces : dissuasion des gestes de solidarité par la diffusion de tracts menaçants, poursuite systématique de ceux qui s’opposent à la mesure d’éloignement. Face à cette intensification de la répression, il est plus que jamais nécessaire de développer une résistance active.

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Dernière mise à jour : 9-01-2007 17:34 .
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