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Plein Droit
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Plein Droit
n° 55, décembre 2002 Passage à l'acte
ÉDITO Après avoir été absent des campagnes électorales, le thème de l'immigration et de l'asile a repris une place centrale dans les discours politiques. Et des discours, il y en a eu beaucoup ces derniers temps de la part d'un gouvernement qui se veut le chantre de la communication. Alors que le mouvement des sans-papiers trouvait un nouveau souffle, et que les médias lui donnaient un large écho, le ministère de l'intérieur annonçait immédiatement un réexamen de certains dossiers, dans le cadre d'un traitement humanitaire et social, en se gardant bien d'employer le terme de régularisation. Des instructions étaient prétendument données à cet effet aux préfectures, présentées, au passage, comme les responsables des « dysfonctionnements ». Aucun texte n'a cependant été transmis aux autorités préfectorales, et le constat des associations est que rien n'a changé, y compris pour les catégories d'étrangers que tous s'accordent, dans les discours, à vouloir intégrer, les « non-régularisables, non-expulsables ». Au bout du compte, et à défaut de réelle volonté politique, les pratiques administratives n'ont évidemment pas changé, et les étrangers n'arrivent pas plus aujourd'hui qu'hier à sortir de l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Seuls les ressortissants algériens ont pu profiter, par anticipation, des modifications apportées à l'accord franco-algérien, alignant leur statut sur celui du droit commun. Pointant à son tour le mythe de l'immigration zéro, le ministre de l'intérieur a déclaré dans la presse que la France, à l'instar des autres pays de l'Union ayant à faire face à des pénuries de main-d'uvre dans certains secteurs, devait envisager de faire venir cent mille travailleurs par an. Mais pas n'importe qui et pas n'importe comment, l'objectif n'étant pas de régler le sort de tous ceux qui résident déjà de fait sur le sol national mais de répondre aux besoins économiques de la France. Dans sa volonté de montrer que l'immigration n'est plus un sujet tabou, le ministre de l'intérieur a multiplié les interventions au sujet de la double peine. Point d'orgue de la campagne interassociative contre la double peine, le meeting du 26 octobre dernier au Zénith de Paris a, en effet, été largement couvert par les médias. Il faut indiscutablement s'en réjouir, les étrangers victimes de ce traitement discriminatoire étant devenus, avec le temps, presque invisibles. En réponse aux propos du ministre de l'intérieur annonçant qu'il fallait mettre fin à ces situations inacceptables, nous attendons désormais des actes. Le risque d'un projet de loi au contenu trop restrictif ne protégeant que certaines catégories d'étrangers sans remettre en cause le principe même de la double peine est de toute évidence immense. Pire encore, le gouvernement pourrait se contenter de l'envoi d'une circulaire dont l'expérience montre qu'elle ne changera pas les pratiques judiciaires. Au même moment, le président de la République lançait l'idée d'un contrat d'intégration passé entre l'État et les étrangers. Pendant plusieurs jours, il n'a été question que de cela sans que l'on sache précisément quel était le contenu de ce « contrat » comportant des droits et des obligations. Si l'idée même de contrat n'a juridiquement pas de sens, l'annonce de mesures visant à mieux accueillir, au sens large, ceux qui arrivent en France ou qui y résident déjà ne saurait être rejetée en bloc. Il reste donc au Haut Conseil à l'intégration à donner corps au projet, et au législateur à traduire ces déclarations par des mesures concrètes. Quel avenir pour le droit de vote des étrangers aux élections locales, quels engagements pour lutter réellement contre les discriminations, qu'elles soient le fait des pratiques ou de la loi ? Le chantier est très vaste. Du passage à l'acte, il en a été question à Sangatte. Le centre géré par la Croix-Rouge a été fermé avec quelques jours d'avance sur la date prévue. Une fois de plus depuis la création de ce camp, les principaux concernés venant d'Afghanistan, d'Irak ou d'ailleurs ont été privés de toute information, les seules mesures prises, toutes d'ordre policier, visant à les disperser et à les rendre invisibles. Plutôt que de réfléchir, dans une perspective de règlement à long terme, à la question de l'accueil et de la circulation des demandeurs d'asile sur le sol de l'Union européenne, la France s'entête à désigner les filières et les passeurs comme les seuls responsables de la présence massive de réfugiés dans la région de Calais, et accuse certaines associations, présentes sur le terrain pour soutenir et informer, d'en être les « complices ». La lutte contre les passeurs a vocation à légitimer le déploiement policier et les pratiques administratives illégales au mépris des libertés individuelles et du droit d'asile. Il serait temps que les États de l'Union européenne se montrent responsables et arrêtent de jouer à la balle avec des personnes qui traversent l'Europe pour trouver une terre d'accueil. Le droit au travail des demandeurs d'asile et la possibilité, pour ces derniers, de déposer leur demande dans le pays de leur choix constituent de justes réponses au règlement de la question de Sangatte, et éviteraient qu'à l'avenir d'autres lieux de passage et d'engorgement ne se créent. Sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Dernière mise à jour :
9-12-2002 16:31
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