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Plein Droit
n° 55, décembre 2002
« Parcours, filières
et trajectoires »
Propos recueillis par Mireille Galano
et Alexis Spire
Sociologues
Bilan de la lutte
/ Chronologie de la lutte
En février 1980, les travailleurs du quartier
du Sentier à Paris, originaires de Turquie, ont mené une
grève de la faim durant vingt-deux jours. Dès le début,
la CFDT sest impliquée dans cette action quelle a
suivie jusquau bout. Ceci demeure un cas unique dans lhistoire
syndicale française. Vingt deux ans après, nous avons
voulu analyser cette action avec Marie-Noëlle Thibault, responsable,
à lépoque, de lUnion départementale
CFDT de Paris.
Marie-Noëlle Thibault La lutte des sans-papiers
du Sentier a posé la question des travailleurs immigrés
dans des termes exceptionnels, qui ne furent malheureusement jamais
repris par les syndicats. En outre, cette lutte a été
victorieuse à 100 %, alors quon était sous
le régime des lois Barre-Bonnet-Stoléru [1].
Après larrêt de limmigration, en 1974, il y
a eu un durcissement très fort de la politique dimmigration
et, en 1980, on assistait à une véritable chasse à
limmigré clandestin [2].
Il y avait en gros deux types de travailleurs clandestins : ceux
qui étaient entrés individuellement pour venir chercher
du travail et le gros du travail clandestin organisé par le patronat.
Dans cette configuration, la répression policière navait
quune fonction : empêcher les gens de revendiquer sans
quil soit question dexpulser les clandestins.
Pour nous, cétait clair : nous avons considéré
les clandestins avec lesquels nous étions en lutte, non comme
des individus mais comme des travailleurs. A partir de là, nous
avons refusé les critères de régularisation proposés
comme la date darrivée en France ou la durée de
présence sur le territoire ; on a posé le travail
comme seul critère, dans lobjectif de faire sortir le travail
de la clandestinité. Mais ça na jamais été
repris par les syndicats
A lépoque, nous savions très bien quil y
avait des clandestins en masse dans la confection, le bâtiment,
les saisonniers
Nous pensions que si on régularisait les individus, sans régulariser
le travail, dans les six mois qui suivaient, de nouveaux clandestins
viendraient remplacer les régularisés. Cest ce qui
sest passé pour le Sentier où, maintenant, ce sont
des Chinois. En 1981, avec larrivée de Mitterrand, on avait
mis la question à lordre du jour mais les socialistes ne
se sont pas donné la peine de consulter les gens qui avaient
été impliqués dans la bagarre du Sentier.
A lépoque, la lutte était très connue, mais
la régularisation générale de 1981-82 na
absolument pas tenu compte de cette analyse. La lutte a changé
beaucoup de choses dans le Sentier où pas mal dateliers
ont été régularisés, mais ça na
pas eu la portée que ça aurait pu avoir : lidée
dune régularisation qui soit fondée sur dautres
critères que la date dentrée na finalement
jamais été retenue.
> Mais les régularisations qui ont eu lieu dans
le Sentier se sont quand même faites sur cette base ?
M-N T Le critère de la date dentrée
a été maintenu par Stoléru jusquau bout mais
il a été fictif. Quand on a négocié avec
Stoléru, nous avons dit : « Le critère
cest le poste de travail ». On nous a répondu :
« Cest impossible, puisque ces postes de travail
sont clandestins ».
Quand ça a démarré, personne ne connaissait le
Sentier, nous pas plus que les Turcs qui ont déclenché
laffaire. Cest un milieu très hiérarchisé,
avec deux mondes radicalement différents y compris au niveau
des communautés « ethniques ». Il y a dabord
ceux quon appelle les fabricants, qui sont en fait des négociants
qui choisissent des modèles, répartissent les commandes
dans les ateliers et qui appartiennent le plus souvent à la communauté
des juifs dAfrique du Nord. Il y a ensuite les ateliers au sein
desquels il y a les chefs datelier et les travailleurs clandestins.
Les chefs dateliers ont généralement été
eux-mêmes travailleurs clandestins, avant dêtre régularisés.
A lépoque où jétais permanente syndicale,
les chefs dateliers étaient souvent Yougoslaves, cest-à-dire
de la génération dimmigrés arrivés
avant les Turcs, et maintenant, les chefs dateliers sont Turcs...
Un jour, à lautomne 79, on voit débarquer à
lUD [3] de Paris trois
Turcs dont un seul parlait bien le français et qui nous disent :
« On représente les travailleurs turcs clandestins
du Sentier, on va déclencher une grève de la faim. Est-ce
que vous nous soutenez ? » Cétait une
aventure énorme. On a commencé par poser des questions :
« Qui êtes vous ? Doù venez-vous ? »
Cétait des Turcs qui nétaient pas ouvriers
dans le Sentier, qui étaient plus ou moins étudiants,
qui avaient émigré en France à cause de la répression
politique en Turquie et qui vivotaient en France en faisant des tas
de petits métiers. Cétait donc des militants politiques
turcs dun groupe qui sappelait « Dev Yol ».
Ils se déclaraient proches du MIR (mouvement de la gauche révolutionnaire
chilienne) qui, à lépoque, nexistait plus.
Ils se disaient marxistes mais pas communistes orthodoxes et ils nétaient
par sur une ligne terroriste, ce qui était important pour nous.
On a donc accepté de discuter.
> Avez-vous informé la confédération ?
M-N T Non, jétais secrétaire de lUD
de Paris et on avait une grande tradition dautonomie, qui est
bien morte depuis
A lépoque, la CFDT était
une drôle de chose. Elle ne ressemblait pas du tout à la
CFDT daujourdhui, elle nétait pas normalisée.
Il me paraissait plus logique quils aillent voir la CGT :
il y avait un permanent turc à la CGT et la centrale syndicale
turque, DISK, avait des liens très étroits avec la CGT.
Mais la réponse de lUD CGT a été claire :
« Nous ne syndiquons pas les sans-papiers ».
Ils viennent donc à la CFDT. Et là, on leur demande :
« Quest-ce que vous voulez faire ? Combien
de travailleurs sont-ils ? » Ils disent : « Entre
20 et 40000 ». En réalité, ils étaient
10-11000, maximum. Eux ne travaillaient pas dans le Sentier, mais ils
y avaient des relations, des cousins
Ils nous ont expliqué
quils avaient pris contact avec Michel Honorin, documentariste
à la télévision, et lui avaient proposé
de le piloter dans les ateliers du Sentier. Honorin a réalisé
« French confection » et eux avaient prévu
de déclencher une grève de la faim dès la sortie
de ce documentaire. Ils étaient entre 20 et 30 à vouloir
la faire, avec le slogan « Carte de séjour, carte
de travail ». Larticulation avec la projection du documentaire
« French confection » nous semblait une
bonne idée, mais la grève de la faim, franchement, on
nétait pas favorables, mais on navait pas de contre-proposition
à faire. On a négocié avec eux et on leur a dit :
« Grève de la faim, daccord, mais on essaye
den faire un mouvement collectif. Dès quon sent quun
mouvement de masse démarre, la grève de la faim sarrête ».
Ils se sont engagés là-dessus. Ils étaient gonflés
parce quils ne contrôlaient rien du tout, et nous non plus.
De plus, ils étaient très peu à parler français.
On navait quun seul interprète, un étudiant.
Une sacrée aventure ! Quand la grève de la faim a
commencé, les Turcs du Sentier sont venus en masse pour nous
soutenir. « French confection » a eu beaucoup
dimpact ; ça a sidéré les gens de voir
les conditions de travail dans le Sentier. Toute la presse en a parlé...
On a mis immédiatement dans le coup le syndicat Hacuitex [4].
Les deux structures qui ont porté laffaire ont donc été
lUD de Paris et le syndicat Hacuitex. Notre objectif nétait
pas la régularisation des vingt-trois grévistes de la
faim mais la régularisation de tous les Turcs du Sentier.
> Le problème des autres nationalités nétait
pas posé ?
M-N T Ça sest posé après. Nous
on ne savait même pas quil y avait dautres travailleurs
que les Turcs. Cest Stoléru qui nous a dit : « Si
je régularise les Turcs, il faut que je régularise les
autres ! » (Rires).
On a progressé dans la connaissance du milieu de la confection.
On sest aperçu que le Sentier ne fonctionnait pas comme
on croyait. Cétait la fabrique éclatée de
Marx, cest-à-dire quil y avait une très grande
quantité dateliers ; chaque atelier, pris séparément,
est extrêmement fragile ça ouvre, ça ferme,
ça bouge tout le temps mais la branche prise dans son ensemble,
est très concentrée sur le plan géographique, et
ce sont les mêmes travailleurs qui passent dun atelier à
lautre. Doù la nécessité absolue de
raisonner, sur le plan de la structure syndicale, par branches et non
par ateliers, car ça change tout le temps. On avait donc mis
en place des formes dorganisation syndicale sur la base de la
rue, avec des délégués de rue, ce qui était
déjà une forme plus stable.
Il faut savoir aussi que les salaires nétaient pas bas.
Cétait très irrégulier mais les salaires
étaient même très élevés. A lépoque,
en pleine saison, les gars gagnaient plus dune brique. Mais, du
jour au lendemain, ça ferme et on na plus rien. Ils dormaient
sur place, pour ne pas perdre de temps à se déplacer,
parce quils étaient tous payés à la pièce.
Une fois quon a bien compris le mécanisme, on sest
dit, il y a deux clés : la première, cest dessayer
de négocier une stabilisation des salaires, ce qui ne correspond
pas nécessairement à la stabilisation du travail, dans
la mesure où la branche est extraordinairement flexible. La confection
dépend des salons. Il y a des pointes de très forte activité
et des mortes saisons. Notre politique a été de dire :
« On ne cherche pas à modifier ça, on accepte
les nécessités de la branche mais on ne veut pas que ce
soient les travailleurs qui en fassent les frais. Donc, on veut négocier
des garanties sur lannée sans empêcher la flexibilité
de la branche ».
Notre deuxième objectif était dentraîner
les donneurs dordre dans la négociation. Dans le Sentier,
il ny avait pas que la robe à trois sous. Il y avait de
très beaux vêtements de cuir, des produits de très
haute qualité. Il est bien évident que le type qui fait
le manteau prêt-à-porter Saint-Laurent ne gagne pas trois
francs six sous. La différence entre le salaire et la vente du
produit était toujours aussi forte, mais les gars étaient
payés correctement.
> Avez-vous pensé à mobiliser les inspecteurs
du travail ?
M-N T On a beaucoup discuté avec les inspecteurs
du travail, mais ils savaient que sils mettaient le nez dans un
atelier, immédiatement latelier serait fermé. Aucune
des conditions de travail nétait respectée et ils
étaient très conscients de la situation.
On a donc senti quil se passait quelque chose et on a commencé
à syndiquer immédiatement les gens qui passaient. On leur
a dit : « La CFDT ne soutient pas quelque chose dextérieur ;
vous entrez dans la CFDT et cest notre lutte mais vous avez votre
structure à vous ». On a ouvert une permanence
qui a fonctionné tous les jours. Stoléru venait de lancer
une campagne sur la revalorisation du travail manuel. Les grandes journées
de cette campagne avaient lieu pendant notre bagarre. Il est arrivé
un dimanche matin en voulant faire le malin avec des radios, pour un
entretien avec les grévistes de la faim. Il a dit quil
était prêt à négocier. Le secrétaire
général de lUnion régionale parisienne a
alors dit, devant les radios : « Je suis de
la CFDT et nous négocions avec vous quand vous voulez ».
Ils ont pris rendez-vous et la négociation a commencé
comme ça avec un représentant des Turcs et trois représentants
de la CFDT, dix à quinze jours après le début de
la grève de la faim.
On avait des réunions très régulières,
tous les soirs, avec les Turcs qui ont lancé laffaire.
Au bout dune semaine, la salle où ils étaient ne
désemplissait pas. Il y avait de lanimation : le film
dHonorin en permanence, des expositions de robes avec les prix
de revient et les prix de vente
On a alors organisé un
meeting à la Bourse du travail appelé conjointement par
la CFDT et les grévistes de la faim. Il y avait un tract en français
dun côté et en turc de lautre et linformation
circulait à toute vitesse.
Je me souviens très bien dêtre descendue de lUD
à la Bourse du travail en me préparant mentalement à
un échec. On rentre dans la salle : elle était comble !
ça a été un choc incroyable !
Jai le souvenir dune assemblée très masculine.
A un moment donné, tous se lèvent et commencent à
crier quelque chose. On se dit : ça y est, on va se faire
lyncher ! En fait, ils criaient : « Ci, If,
Di, Ti ». A la sortie : un millier dadhérents !
Nous étions sidérés ! A partir de ce moment-là,
la rumeur a commencé à circuler dans le Sentier que la
carte syndicale équivalait à une carte didentité,
ce qui nétait absolument pas vrai, si ce nest quà
partir du moment où les négociations ont commencé,
des gars ont passé des barrages de police avec leur carte syndicale.
Cétait leur premier « papier didentité
français » !
Stoléru, assez vite, en voyant la mobilisation, a accepté
de négocier sur les critères de régularisation.
Il nous donnait comme critère lentrée en 1976. On
était à ce moment-là en mars 80. On aurait pu se
mettre à négocier sur ce critère de date. Mais
on a dit : « Ce quon veut cest sortir
le travail de la clandestinité, quils soient régularisés
sur la base de leur présence à un poste de travail. »
Stoléru objectait : « Aucun patron ne va leur
faire de contrat de travail puisquon na pas le droit de
faire de contrat de travail à des clandestins ».
On a proposé de régulariser sur la base de promesses
dembauche signées par un patron qui donnait ladresse
de latelier et la description du poste de travail. Stoléru,
dans un premier temps, a refusé et il a ouvert un bureau de régularisation
à lONI [5], sur
ses critères à lui : la date darrivée
en France. Nous avons lancé un boycott du bureau et personne
ne sest présenté ! Un vrai succès !
Alors, Stoléru a craqué et la négociation a commencé
sur nos bases. On a dit à Stoléru : « Vous
allez ouvrir un bureau de régularisation, cest normal que
ce soit ladministration qui le fasse, mais on va ouvrir, à
côté de votre bureau, cest-à-dire dans les
mêmes locaux, un bureau syndical pour contrôler ».
Là, il a refusé : « Cest contraire
à la tradition française », ce qui est vrai.
Alors on a dit : « On ouvre un bureau syndical et on
fait passer le mot dordre dans le Sentier ». A
lépoque, on avait 10 000 syndiqués et, à
mon avis, il devait y avoir environ 11 000 personnes dans la confection.
On gérait tous les conflits du travail, dès quil
y avait un conflit entre un employeur et un gars, ils venaient nous
voir. Tous les Turcs du Sentier étaient syndiqués à
la CFDT. Comme ladministration ne voulait pas quon soit
présent, on a dit aux gars : « Ny allez
pas sans garantie ». Il y avait des conditions très
précises pour que le dossier soit accepté : il fallait
que la promesse dembauche soit faite dans les normes, que linspection
du travail ait validé latelier et que la DASS ait validé
le logement. On a fait une pression folle sur les représentants
de la DASS et sur les inspecteurs du travail. Il ny avait pas
de visite de logement sans nous. Une fois la promesse dembauche
validée par ces deux administrations, la régularisation
était acquise. Nous, on a dit aux gars : « Vous
passez dabord par le bureau syndical, rue de Dunkerque ».
On faisait un double et quand le dossier était complet, on donnait
le feu vert. Deux fois ladministration a perdu le dossier, heureusement
quon avait un double !
Quand on a obtenu la proposition de Stoléru sur nos bases, à
partir du boycott de lONI, on na pas pris seuls la décision,
on a fait une AG au siège des fédérations CFDT,
avec tous les délégués de rue. Cest lAG
qui a voté lacceptation. Ensuite, la régularisation
a pris plusieurs mois
Une note de lONI établit le nombre de régularisations
de travailleurs de la confection à 9 322 à
la date du 30 mai 1980. Auraient été concernés
2 991 Turcs, 2 125 Yougoslaves, 1 181 Mauriciens
(cette note mentionne 34 nationalités mais les Algériens
étaient exclus en vertu des accords franco-algériens).
Peu à peu la mémoire collective a accrédité
le nombre de 40 000 régularisés suite à la
grève de la faim
En fait, on na jamais su exactement combien de travailleurs
du Sentier avaient été régularisés
suite à la grève de la faim
mais ce ne fut
pas simple. Le 8 septembre, la CFDT appelait à un rassemblement
au métro Sentier pour :
-
« Faire accélérer la procédure.
-
Diminuer les difficultés faites par ladministration.
-
Obtenir que les camarades qui ont des papiers provisoires
reçoivent systématiquement la convocation pour
la visite médicale.
-
Obtenir la régularisation de tous les travailleurs
qui ont déposé un dossier à lONI ».
Pour les « régularisés provisoires »
de mai, dès la mi-août les difficultés sont
apparues avec la fin des autorisations provisoires de travail
de trois mois et les premières lettres de licenciement
accompagnées de lannonce de la fermeture des ateliers
concernés
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11 février 5 mars 1980
Vendredi 8 février 1980 : 20h30, FR3 présente :
« French confection ou une nouvelle forme desclavage
moderne » documentaire réalisé par
Michel Honorin. Le reportage révèle les conditions
de vie et de travail des sans-papiers de la confection à
Paris [a].
11 février : 17 ouvriers (dont une femme)
tous de Turquie et sans papiers travaillant dans la confection
entament une grève de la faim à la « Maison
Verte du 18ème », un centre protestant, rue
Marcadet. Mettant à profit leffet médiatique
produit par le film auquel ils ont participé, les militants
de lAssociation des étudiants turcs (également
militants de Dev Yol) ont organisé cette grève de
la faim. Un collectif de soutien (MTI, GISTI, Groupe de femmes
algériennes, LCF, OCT, FASTI, PS, PSU
) appelle à
une solidarité active.
17 février : M. Lionel Stoléru,
secrétaire dEtat aux travailleurs immigrés,
rend visite aux grévistes puis déclare « Leur
régularisation est malheureusement impossible
Paris
ne doit pas devenir Hong-Kong sur Seine ».
18 février : la Maison Verte devant accueillir
des cours dalphabétisation pour des femmes immigrées,
les grévistes de la faim, avec le soutien de la CFDT, sinstallent
dans une salle prêtée par léglise Saint-Bruno
(18e).
20 février : 1000 personnes au meeting à
la Bourse du travail organisé par les sans-papiers du Sentier
en présence des grévistes.
21 février : M. Stoléru annonce la
venue devant la 31e chambre correctionnelle de Paris du procès
de plusieurs trafiquants de main-duvre : le 25
février un seul inculpé se présente, un couturier
yougoslave.
les grévistes de la faim obtiennent la création
dun groupe de travail pour étudier leur situation.
Ce groupe est composé de M. Stoléru, de représentants
de lAmbassade de Turquie, de responsables de lUnion
des industries de lhabillement, de membres de la CFDT et
de délégués des grévistes de la faim.
Résultat de la première réunion tenue le
22 février : M.Stoléru est disposé à
examiner chaque dossier « individuellement ».
Une nouvelle réunion est prévue pour le 4 mars.
23 février : le plus âgé des
grévistes de la faim est hospitalisé.
25 février : Ali Alkan, le « patron »
turc et sans papier dun petit atelier de confection illicite
est arrêté et retenu toute la nuit dans les locaux
de la police. Des séquences du film présenté
le 8 février avaient été tournées
chez lui, et son atelier avait accueilli une conférence
de presse des grévistes. Une convocation pour le 5 mars
lui servira de titre de séjour jusquà cette
date
29 février : le meeting de solidarité
à la Mutualité rassemble 3000 personne, les grévistes
de la faim y sont présents.
3 mars : manifestation de sans-papiers à Paris.
Six travailleurs sont licenciés par de petits patrons du
Sentier pour avoir débrayé à lappel
de la CFDT.
4 mars : M. Stoléru lance la campagne en faveur
de la « Semaine du dialogue français-immigrés »
Deuxième rencontre du groupe de travail, les représentants
des grévistes posent leurs revendications :
- la régularisation doit être collective,
- le ministre de lintérieur doit suspendre les
procédures de refoulement,
- aucune sanction ni discrimination ne doivent frapper les
grévistes.
5 mars : fin de la grève de la faim. Les négociations
se poursuivront par lentremise de la CFDT et des représentants
des grévistes.
12 mars : réunion du groupe de travail: le
gouvernement est disposé à accorder la régularisation
aux sans-papiers de Turquie de la confection arrivés en
France avant le 1/7/1976 et ayant une offre demploi « assurant
des conditions dhygiène, de logement et de rémunération
dignes et conformes à la réglementation en vigueur ».
Pour ceux qui ne peuvent pas présenter de contrat de travail,
une autorisation provisoire de séjour de trois mois sera
délivrée. Ceux entrés en France après
1976 devront justifier dun travail. La CFDT dément
avoir donné son accord et qualifie ces propositions d« unilatérales
et inacceptables ».
18 mars : LUD-CGT appelle à un meeting
pour protester contre son absence aux négociations et pour
dénoncer larbitraire des conditions de régularisation.
19 mars : 1500 travailleurs manifestent dans le Sentier.
Après avoir boycotté pendant trois jours le bureau
de régularisation, estimant les propositions et surtout
les garanties insuffisantes, les sans-papiers commencent à
retirer les dossiers à lOffice national dimmigration
(ONI) qui leur permettront dobtenir des titres de séjour
et de travail. (Alors que les grévistes prônaient
le boycott, le journal turc Hurryiet donnait ladresse de
lONI invitant les sans-papiers à sy présenter
).
Au 25 mars, 1500 à 2000 travailleurs de Turquie de la
confection avaient fait cette démarche, estimant peu probable
que des propositions plus avantageuses leur soient faites.
M.G.
[a] Michel
Honorin obtiendra de nombreux prix pour ce reportage dont le prix
Albert Londres audiovisuel.
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Notes
[1] Lionel
Stoléru, secrétaire dEtat chargé des immigrés
et Christian Bonnet, ministre de lintérieur dans le gouvernement
de Raymond Barre, ont mené, à partir de 1980, une politique
dextrême rigueur à légard des immigrés.
[2] A cette époque,
le terme « clandestin » était communément
employé malgré sa connotation considérée
désormais come péjorative.
[3] Union départementale.
[4] Branche Habillement,
cuir, textile de la CFDT.
[5] Office national
dimmigration devenu Office des migrations internationales.
Dernière mise à jour :
3-11-2003 20:53
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