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Plein Droit
n° 55, décembre 2002
« Parcours, filières
et trajectoires » Pour un accès permanent
en zone dattente
A la suite de discussions menées, à partir
de lautomne 2001, entre le ministère de lintérieur
et lAnafé [1], une
expérience a été réalisée en mai
2002 dans le cadre de laquelle des associations habilitées [2]
à accéder en zone dattente [3]
ont pu se rendre, à raison de deux visiteurs par jour dans celle
de laéroport Roissy-CDG. Le texte qui suit est extrait
de lintroduction dun document que lAnafé va
publier à la fin de lannée 2002 [4]
et qui présentera, avec le protocole qui a servi de cadre à
lexpérience, la synthèse des observations recensées
lors de cette « campagne de visites ». De cette
expérience, lAnafé attend des suites concrètes.
Lannée 2000 a marqué le début dune
nette dégradation des relations entre lAnafé et
les pouvoirs publics. Le silence indifférent proche parfois
du mépris opposé par les autorités aux signalements
de certains graves dysfonctionnements, la mise en doute régulière
des témoignages des visiteurs ou des propos recueillis par le
biais de la permanence téléphonique de lAnafé
dès lors que des fonctionnaires étaient mis en cause,
les restrictions progressivement introduites à la liberté
de circuler en zone dattente des visiteurs agréés
ont amené lassociation à organiser des campagnes
publiques pour dénoncer ce qui se passait dans la zone dattente
de Roissy.
Deux conférences de presse, suivies à lautomne
2001 par un colloque rassemblant plus de 250 participants [5]
ont probablement contribué à la reprise, à cette
époque, dun dialogue complètement interrompu pendant
plusieurs mois, entre le ministère de lintérieur
et lAnafé. Un certain nombre de propositions de lAnafé
ont été discutées au cours des rencontres régulières
organisées à partir de la fin 2001 : mise en place
de réunions trimestrielles plutôt que dune
réunion annuelle comme le limite le décret du 2 mai 1995
entre les ministères concernés, la police aux frontières
(PAF), lOMI et les associations habilitées à visiter
les zones dattente rédaction dun document
dinformation traduit dans plusieurs langues pour les personnes
maintenues, amélioration des conditions daccès aux
soins ; mais surtout, lAnafé a rappelé sa revendication
principale, qui est laccès permanent en zone dattente
pour les associations [6]. Le
contexte préélectoral ne se prêtant pas à
une modification de la réglementation en la matière, et
les représentants du ministère de lintérieur
restant par ailleurs très dubitatifs quant à lintérêt
dune telle modification, les partenaires se sont mis daccord
sur une expérience dun mois. Un document cadre, définissant
les conditions dans lesquelles les associations participantes pourraient,
pendant une période limitée à un mois, bénéficier
dun accès quotidien à la zone dattente de
Roissy, a été négocié. Il a été
convenu que les visites seffectueraient hors du quota prévu
par la réglementation, cest-à-dire des huit visites
annuelles de chacune des associations habilitées.
Les associations sont, par ailleurs, conscientes que la situation en
zone dattente nest quune des conséquences de
la politique de maîtrise des flux migratoires pratiquée
par la France comme par ses partenaires de lUnion européenne.
Aujourdhui, de plus en plus, des mesures visant à lutter
contre les arrivées illégales détrangers
sont décidées tant au niveau national que dans le cadre
du rapprochement des politiques dasile et dimmigration entre
les États membres de lUnion européenne, qui impliquent
aussi, de fait, les pays de départ. Les associations sinquiètent
de ce que certaines de ces dispositions peuvent avoir pour conséquence
dentraver laccès aux procédures dasile
détrangers fuyant leur pays et recherchant une protection
internationale. Des sanctions ont été instaurées
pour inciter les compagnies de transport à renforcer les contrôles
des documents de voyage, des « fonctionnaires de liaison »
européens sont chargés de former à la détection
des faux documents ou de participer aux contrôles proprement dits,
dans les pays dorigine et de transit. Aux frontières européennes,
deux opérations RIO, pour Risk Immigration Opération,
ont été menées en 2002, dans seize puis vingt-quatre
aéroports des États membres et des pays candidats. Pour
RIO II, 4 597 immigrants irréguliers ont été
repérés. Paris est cité parmi les grands aéroports
de destination et de transit. En France, quatre noms ont été
ajoutés en mars 2002 à la liste des dix-sept pays pour
lesquels les ressortissants doivent arriver munis dun VTA ou visa
« de transit aéroportuaire » (Guinée,
Inde, Soudan, Syrie) [7]. Les
réfugiés palestiniens avaient été ajoutés
fin 1999. Des VTA instaurés à chaque arrivée dun
nouveau groupe de demandeurs dasile. Enfin, les contrôles
« passerelles » sont de plus en plus systématiques
en sortie immédiate de lavion afin didentifier le
passager, le pays où il a embarqué et la compagnie sur
laquelle il a voyagé. De même, la scannerisation des documents
de voyage au départ et la transmission de leur copie par les
compagnies aériennes à la police aux frontières,
qui permet ainsi didentifier avec une plus grande facilité
les personnes qui auraient détruit leur document en cours de
vol, semble également généralisée, à
tout le moins pour les vols en provenance du continent africain.
Plus davantages que dinconvénients
Pour lAnafé, lobjet de cette expérience était
moins de vérifier que la présence régulière
de leurs représentants dans les zones dattente est une
nécessité on la dit, il sagit de lune
de ses principales revendications que de démontrer que
cette présence ne constitue pas un obstacle au fonctionnement
du service dont a la charge la police aux frontières (PAF) ou,
tout du moins, pas suffisamment pour lécarter. Certes,
la présence des représentants associatifs a pu, notamment
pendant cette expérimentation, perturber lactivité
quotidienne de certains fonctionnaires. Ceci est principalement dû
au fait que la PAF a cru bon de faire systématiquement accompagner
par des policiers ayant le grade de commandant les visiteurs qui se
rendaient dans les lieux autres que les zapi (zones dattente pour
les personnes en instance) 2 et 3. Cet accompagnement, jugé indispensable
par les autorités, ne lest pas du point de vue des associations.
Il sagit dailleurs dune pratique récente, puisque
les visiteurs ont pu, pendant des années, se rendre seuls dans
les terminaux de laérogare de Roissy CDG. De façon
plus générale, les associations estiment que les quelques
inconvénients éventuellement provoqués par leurs
visiteurs en zone dattente doivent être évalués
au regard de laide apportée aux personnes rencontrées
et de la « plus-value » quest susceptible
de représenter un regard extérieur sur un lieu comme la
zone dattente, notamment en terme de respect des droits de la
personne.
Des dysfonctionnements récurrents
Certaines améliorations ont été introduites au
cours des dernières années dans le dispositif daccueil
des étrangers non admis à la frontière (ouverture
de Zapi 3, renforcement du personnel OMI chargé des questions
humanitaires sur place) ; dautres étaient prévues
pour lannée 2002, comme lextension de la présence
du service de santé à Zapi 3. Toutefois, ce dispositif
laisse encore dans une large mesure à désirer. Même
si les conclusions contenues dans les différents rapports de
lAnafé sur les conditions de maintien des étrangers
dans les zones dattente ne sont en général pas partagées
par ladministration, la récurrence de certains dysfonctionnements
rapportés non seulement par les associations [8],
mais aussi par des parlementaires dans le cadre de lexercice de
leur droit daccès [9],
ainsi que par des personnels travaillant à un titre ou à
un autre sur le site de laérogare CDG [10]
démontre limportance des lacunes de ce dispositif et rend
légitime la revendication dun accès permanent en
zone dattente. Cette conviction a encore été confortée
lors des visites effectuées dans le cadre de cette campagne.
Notes
[1] LAnafé (Association
nationale dassistance aux frontières pour les étrangers)
regroupe dix-huit associations de défense des droits des étrangers
et dorganisations syndicales.
[2] Amnesty international (section
française), Anafé, Cimade, Croix-Rouge, Forum réfugiés,
France terre dasile, Médecins sans frontières, Mouvement
contre le racisme et pour lamitié entre les peuples,
[3] Cette « campagne »
de visites a impliqué six organisations. Se sont associés
à lAnafé, qui en a assuré la coordination :
Amnesty International (section française), la Cimade, la Croix-Rouge
Française, Médecins sans Frontières et le Mrap.
[4] Rapport
de visites : « Zones dattente : dix ans après,
les difficultés persistent », mai 2002.
[5] « Frontières
et zones dattente, une liberté de circulation sous contrôle »,
19 et 20 octobre 2001, Paris.
[6] Lettre ouverte au
Premier ministre sur les droits des étrangers dans les centres
de rétention et les zones dattente, 17 octobre 2001.
[7] Arrêté
du 1er mars 2002, JO du 17 mars 2002.
[8] « Pour
un accès permanent des associations et des avocats dans les zones
dattente », Anafé, décembre 2001.
[9] « Les
Geôles de la République », Louis Mermaz,
édition Stock, 2001.
[10] On peut lire des
témoignages dans Le Monde du 11 décembre 2001 et dans
Libération du 22 octobre 2002 ; voir aussi C. Rodier,
« Zone dattente de Roissy, à la frontière
de lEtat de droit », Hommes et Migrations, n°
1238, juillet-août 2002 .
Dernière mise à jour :
6-05-2003 17:02
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