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         Plein Droit 
          n° 53-54, mars 2002 
          « Immigration : trente ans de combat 
          par le droit » La question immigrée  
          après 68 
        Michelle Zancarini-Fournel 
          Professeur d'histoire contemporaine IUFM de Lyon 
        La question de l'immigration, apparue sur la scène publique 
          avec le problème des bidonvilles, est réellement devenue 
          visible à partir de 1968 avec la participation d'ouvriers immigrés 
          à des mouvements de grève dans les usines. Par la suite, 
          la parole publique des immigrés s'est déplacée 
          du terrain économique vers des revendications spécifiques 
          à propos du logement et des papiers. 
        Dans l'histoire des « années 1968 » [1], l'immigration apparaît progressivement 
          comme un « problème politique » et un enjeu. 
          L'activité de groupes d'immigrés, d'associations de solidarité 
          avec les « immigrés » [2], des organisations d'extrême-gauche, après 
          1968, mais aussi de nombreuses études de sciences sociales, contribuent 
          à la visibilité de l'immigration et à la politisation 
          du débat. La question est apparue sur la scène publique 
          en 1964, avec le problème des bidonvilles dénoncé 
          largement dans la presse, ce qui avait provoqué un débat 
          à l'Assemblée nationale et l'adoption d'une loi sur la 
          résorption des bidonvilles. Dans leur approximation, les statistiques 
          comptabilisent alors trois millions environ de personnes de nationalité 
          étrangère, dont près de la moitié sont des 
          actifs. Les origines des « immigrés » se 
          sont diversifiées dans les années 1960. Après les 
          Italiens et les Espagnols, les Portugais sont arrivés à 
          la fin de la décennie, et, après la décolonisation, 
          les « Africains du Nord » (en particulier les Algériens 
          après 1962), puis les habitants des pays de l'Afrique subsaharienne [3]. 
          Entrés souvent comme touristes, les étrangers travaillant 
          en France réussissent, pour la plupart, à régulariser 
          leur situation (avec 82 %, ce taux de régularisation est 
          maximal en 1968 [4]). La grève générale de mai-juin 1968 
          perturbe des existences déjà précaires. 
        
        Pour certains étrangers, le mouvement de mai-juin 1968 a été 
          une période d'insécurité et de désarroi 
          et a pu provoquer une conduite de fuite, de retour au pays [5]. Mais, dans certaines entreprises, ils ont participé 
          activement au mouvement, même s'ils n'apparaissent que fugitivement 
          dans l'histoire de la période. Danièle Kergoat a étudié 
          le cas de la centaine d'ouvriers portugais qui travaillent à 
          l'usine Perrier de la région parisienne : il n'y a pas eu, 
          dans la grève, une conduite uniforme du groupe « des 
          Portugais », mais des prises de position individuelles, en 
          fonction des personnalités et des projets de vie de chacun. La 
          moitié de ces travailleurs retourne au Portugal et ne revient 
          qu'une fois la grève terminée. L'autre partie participe, 
          à des degrés divers, à l'occupation, les plus actifs 
          étant ceux qui souhaitaient rester en France ; mais, à 
          la fin du mouvement, ils se dissocient des ouvriers français, 
          ce qui accélère le processus de reprise [6]. 
         
        Un exemple différent, étudié par Laure Pitti, 
          est celui de Renault-Billancourt où un petit groupe d'ouvriers 
          immigrés transcende la division par nationalités, traditionnelle 
          dans le syndicat CGT de Renault, et élabore, autour du 25-27 
          mai 1968, au nom de l'ensemble des immigrés de l'usine, une « plate-forme 
          de combat des ouvriers immigrés » [7]. Ils avancent des revendications spécifiques, qu'ils 
          souhaitent intégrer aux revendications globales, et se posent 
          en acteurs autonomes, partie prenante à part entière de 
          la grève ouvrière. Cette plate-forme fut diffusée 
          par la CFDT, après le refus de la CGT, dominante à Billancourt, 
          de laisser lire, au meeting quotidien, le texte, parce qu'il avait été 
          élaboré par un groupe de syndiqués et de non-syndiqués [8]. 
         
        Ces deux cas d'entreprises  Perrier et Renault  
          sont très différents dans le déroulement de la 
          grève et dans l'encadrement syndical, mais ils représentent 
          deux positions emblématiques : d'un côté, même 
          si l'ensemble des ouvriers portugais n'ont pas participé de la 
          même façon aux événements de 1968, structuration 
          du groupe national dans l'action (Perrier), de l'autre affirmation d'une 
          identité multinationale d'ouvrier immigré (Renault-Billancourt). 
          Il serait utile de présenter d'autres exemples pour compléter 
          le panorama de l'action des immigrés dans la France gréviste 
          de mai-juin 1968.  
        
        Après ces grèves, c'est sur le problème du logement 
          que la question immigrée revient à l'ordre du jour. Au 
          cours de l'année 1969, les conditions de vie dans les bidonvilles 
          qui ne se résorbent que lentement, provoquent l'intérêt 
          et l'intervention de comités d'action étudiants des facultés 
          de Nanterre et de Marseille. À cela s'ajoute la grève 
          des loyers des travailleurs africains d'Ivry et de Saint-Denis.  
        En février 1971, le préfet de Seine Saint-Denis 
          se dit préoccupé par les grèves des loyers qui 
          se multiplient. Le mouvement s'étend progressivement et devient 
          massif à partir de 1974-1975 : le maximum de grévistes 
          est atteint en 1978 où dans près d'un foyer sur deux les 
          loyers ne sont plus payés. Mais ces grèves de loyers n'ont 
          été connues que tardivement et c'est surtout à 
          propos des conditions de vie et de travail que les mobilisations se 
          sont menées. La mort de cinq Maliens, asphyxiés par un 
          système de chauffage vétuste, dans un foyer d'Aubervilliers 
          la nuit du jour de l'an 1970 a été le point de départ 
          d'actions symboliques de soutien aux ouvriers immigrés.  
        Pendant toute la période que nous considérons, les groupes 
          d'extrême-gauche interviennent aux côtés des immigrés, 
          lors des conflits du travail, au quotidien par des cours d'alphabétisation, 
          lors des luttes dans les bidonvilles ou contre les directions des foyers 
          avec les grèves de loyers. L'administration et le ministère 
          de l'intérieur, refusant de voir la capacité d'organisation 
          autonome des immigrés, ont traduit cette solidarité en 
          termes de manipulation.  
        Pour les « immigrés », catégorie 
          qui s'est imposée dans les discours, prendre la parole, c'est 
          déjà un acte politique dans un pays où ils n'ont 
          pas le droit de participer aux formes conventionnelles de la politique 
           droit de vote, droit de créer une association ou de publier 
          un journal sans autorisation spéciale.  
        Après 1968, une parole publique des « immigrés » 
          s'exprime dans les quartiers, les foyers et les églises où 
          se déroulent les grèves de la faim ; elle est souvent 
          relayée par des intellectuels et des associations, dont un certain 
          nombre sont chrétiennes. Le terrain se déplace des revendications 
          économiques, dans l'entreprise ou à propos du logement, 
          au combat contre les discriminations et pour les droits, valeurs dans 
          lesquelles se reconnaît une partie de la gauche française. 
        
        Une des premières paroles publiques qui introduit une forme 
          de politisation non liée aux questions économiques et 
          sociales dans les milieux de l'immigration s'exprime en septembre 1970 
          avec la création, par des étudiants originaires de Tunisie, 
          du Maroc et de Syrie, de Comités de soutien à la révolution 
          palestinienne au moment de l'intervention armée du roi Hussein 
          de Jordanie contre les camps palestiniens. Ce militantisme, au départ 
          extérieur à la politique française, a été 
          le vecteur  par la diffusion intensive de tracts bilingues 
          et de journaux  d'une forme de politisation dans les foyers, 
          les cafés et les quartiers immigrés (la Goutte d'Or et 
          Belleville à Paris, la porte d'Aix à Marseille).  
        Très vite, les Comités Palestine se transforment 
          en organes de lutte contre le racisme en France, soutenus par des militants 
          français et des intellectuels : dans son journal, Claude 
          Mauriac raconte comment, en juin 1971, il a pénétré 
          pour la première fois en compagnie de Michel Foucault, dans le 
          quartier de la Goutte d'Or, dans le 18e arrondissement de Paris, lieu 
          d'accueil et de transit des nouveaux arrivants [9]. 
         
        
        Le lien entre la question du logement et les conditions de travail 
          dans l'entreprise est posé publiquement en 1971 : la presse 
          fait écho à la grève des ouvriers arabes d'Oyonnax, 
          dans l'Ain, en octobre. La ville est le centre de fabrication 
          du plastique avec une multitude de petites et moyennes entreprises employant 
          au total 6500 ouvriers immigrés. Le 8 octobre 1971, 
          quatre cents ouvriers algériens soutenus par la CFDT, entament 
          une grève qui dure quatre jours après que le directeur 
          du foyer ait décidé de doubler le nombre de lits par chambre 
          (de trois à six). Les Français, techniciens ou régleurs, 
          n'ont pas bougé. Ni les OS espagnols et portugais qui, avec leur 
          carte de résident temporaire, se sentent moins protégés 
          que les ouvriers algériens possesseurs d'une carte de « résident 
          privilégié ». À la différence 
          de la Goutte d'Or, ces derniers ont été isolés. 
          Ils obtiennent satisfaction pour le foyer mais huit d'entre eux sont 
          licenciés. Cette division des nationalités inquiète 
          la CFDT qui lance une campagne nationale pour « les mêmes 
          droits pour tous, sans distinction de nationalité » [10]. 
        Le conflit de Pennaroya en mars 1972, mené pendant trente trois 
          jours à Lyon, par cent cinq OS Algériens et Marocains, 
          devient le symbole de l'acuité des problèmes de l'immigration. 
          Une série de rapports de l'inspecteur du travail avait déjà 
          attiré l'attention de la direction de la Société 
          minière et métallurgique de Pennaroya, installée 
          à Gerland à Lyon, sur les dangers du saturnisme et l'état 
          déplorable des baraques dans lesquelles étaient logés 
          les ouvriers immigrés et des installations sanitaires : 
          pas de portes aux WC, douches sales, en nombre insuffisant et différemment 
          réparties selon l'origine de ces ouvriers « européens » 
          ou « immigrés » [11]. 
        L'absence de réaction de la direction avait conduit l'Inspection 
          du travail à plusieurs mises en demeure de respecter la législation 
          sur l'hygiène et la sécurité. À la suite 
          d'un accident mortel du travail, survenu le 19 décembre 
          1971, à cause d'un appareillage défectueux, signalé 
          précédemment dans des rapports, les ouvriers immigrés 
          déposent un cahier de revendications, le 27 décembre, 
          puis un second, le 25 janvier 1972.  
        Avant même le début de la grève, se constitue un 
          comité de soutien, auquel participent médecins et juristes. 
          Par ailleurs, avec l'aide du journal militant Les Cahiers 
          de Mai, les grévistes envoient aux autres usines de Pennaroya 
          lettres ouvertes et cassettes où sont exposées leurs revendications. 
          À Pennaroya-Lyon, le deuxième jour de la grève, 
          des paysans du CNJA Rhône-Alpes viennent apporter du ravitaillement. 
         
        Une section CFDT est créée qui accepte les pratiques 
          collectives mises en place par les OS : décisions en assemblée 
          générale, élection des délégués 
          atelier par atelier. Des collectes sont réalisées un peu 
          partout en France. À la fin de la grève, presque toutes 
          les revendications sont satisfaites, sauf celles de l'augmentation des 
          salaires égale pour tous dans les usines du groupe. Le conflit, 
          connu par un film tourné sur le mouvement et largement diffusé 
          dans les entreprises, devient emblématique dans le paysage social 
          des « années 68 ». 
        
        Ces grèves d'ouvriers immigrés ont été 
          popularisées par des collectifs militants et la CFDT. Elles ont 
          contribué, avec les grèves de la faim pour les cartes 
          de travail, à poser devant l'opinion publique la question de 
          l'immigration avant que la crise économique ne devienne perceptible. 
          Par ailleurs, elles ont conduit à interroger les choix économiques 
          et sociaux faits pendant la période dite des Trente Glorieuses, 
          notamment sur les conséquences de l'emploi d'une main-d'uvre 
          abondante et mal payée, dans le bâtiment et les branches 
          taylorisées de l'industrie. La multiplication des conflits des 
          OS a provoqué une réflexion sur l'organisation et la recomposition 
          du travail et sur le devenir du fordisme.  
        La crise économique rend perceptible aux yeux du plus grand 
          nombre le statut et la condition des ouvriers immigrés, attirés 
          en France par les entreprises dans une période de croissance 
          économique et de déficit de la population active. Ces 
          conditions de vie sont durcies par les circulaires Marcellin-Fontanet, 
          appliquées à partir de septembre 1972 (mais qui ne 
          s'appliquent pas aux Portugais bénéficiant d'un statut 
          spécial). Ces circulaires, qui soumettent la délivrance 
          de cartes de séjour à la possession d'un contrat de travail 
          d'un an et d'un logement « décent », provoquent 
          une série de conflits : des grèves de la faim « pour 
          les papiers », un peu partout en France et des recours en 
          justice devant le conseil d'État. 
        
        La résistance aux premières mesures d'expulsion prises 
          à l'automne 1972 avec l'application de la circulaire Marcellin-Fontanet, 
          s'amplifie en 1973 en un mouvement pour l'obtention de la carte de travail. 
          Les grèves de la faim se multiplient alors et ont un retentissement 
          important. La première menée par des étrangers 
          est le fait, en avril 1971, de deux cents étudiants sénégalais 
          qui protestent contre la répression sanglante dans leur pays ; 
          à Valence, à l'automne 1972, un jeûne est entrepris 
          contre l'expulsion d'un Tunisien pour « atteinte à 
          la neutralité politique » ; en octobre 1972, deux 
          militants actifs des Comités Palestine, en instance d'expulsion, 
          font également une grève de la faim dont la répercussion 
          est assurée par un comité de soutien regroupant entre 
          autres les intellectuels qui intervenaient à leurs côtés 
          à la Goutte d'Or. Leur comité de soutien prend le nom 
          de Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs 
          immigrés.  
        Ce mode d'action  les grèves de la faim qui se déroulent 
          souvent dans les églises ou les locaux paroissiaux  
          se répand ensuite pour revendiquer la carte de travail. En mars 
          1973, des dizaines d'immigrés protestent, par leur jeûne, 
          contre les circulaires à Lille, Montpellier, Marseille, Nîmes, 
          Perpignan, Toulouse, Nice, Lyon, Toulon.  
        Le mouvement s'élargit le 16 mai 1973 avec la participation 
          à la grève de la faim de vingt-huit Français. Ils 
          sont soutenus par la CFDT qui rappelle, avec le mot d'ordre « Travailleurs 
          français et immigrés, même patron, même combat », 
          l'universalisme de la condition ouvrière. Les résultats 
          de ces grèves de la faim sont très variables selon les 
          départements  de la délivrance des cartes de 
          séjour au refus de négocier  en fonction de 
          l'attitude des préfets et de l'importance du soutien local. 
        À la même époque (1972), le Mouvement des travailleurs 
          arabes (MTA) est créé par des intellectuels et 
          ouvriers des ex-Comités Palestine à Marseille et à 
          Paris ; il revendique un « rôle d'orientation, 
          de direction et d'unification » pour la formation « d'une 
          conscience nationale arabe » ; mais à côté 
          de ces positions au fond différentialistes, les militants du 
          MTA interviennent dans les luttes pour la carte de travail, qui ne concernent 
          pas seulement les travailleurs arabes, et mènent une campagne 
          contre le racisme qui suscite un écho y compris dans les centrales 
          syndicales.  
        Le MTA se manifeste publiquement le 3 septembre 1973, en région marseillaise, 
          par une « journée de deuil » : à 
          la suite du meurtre, le 25 août, d'un conducteur d'autobus marseillais 
          par un Algérien, reconnu comme déséquilibré, 
          quatre immigrés avaient été tués lors d'expéditions 
          visant à « venger » le chauffeur de bus. 
          Le 14 septembre 1973, après une série de meurtres 
          (sept dans la région parisienne et un en Corse) dénoncés 
          comme « crimes racistes », le MTA déclenche 
          une grève des travailleurs arabes de la région parisienne 
          largement suivie.  
        
        Après 1976, avec l'effacement des organisations d'extrême-gauche 
          et la répression mise en uvre par le ministre de l'intérieur 
          sous la forme d'expulsions, l'intervention des militants immigrés 
          contre le racisme et les discours xénophobes glisse du social 
          et du politique au culturel. Certains responsables de l'ex-MTA créent 
          l'association El Assifa qui s'adonne au théâtre 
          de rue. D'autres s'orientent vers la presse et fondent le journal Sans 
          Frontière dont le premier numéro sort en avril 1979 ; 
          abandonnant leurs positions de départ en partie différentialistes 
          (l'avant-garde arabe), ils affirment être les représentants 
          de l'ensemble de l'immigration. Ces « professionnels du militantisme 
          immigré » [12] 
          passent ainsi de la revendication politique à la promotion de 
          la culture immigrée. 
        Mais la précarité créée par les mesures 
          administratives tend à gommer la limite entre immigration légale 
          et immigration irrégulière : tout résident 
          privilégié au chômage depuis plus de six mois peut 
          se voir retirer sa carte de séjour [13]. 
          Le débat public et les réactions de l'opinion ont contribué 
          à construire une nouvelle figure de l'immigré. Seule la 
          grève des travailleurs turcs du Sentier, en 1980, opère 
          un déplacement par rapport à cet imaginaire social du 
          « travailleur au noir et du clandestin », avec l'obtention 
          d'une carte de séjour à tout travailleur « clandestin » 
          possédant un contrat de travail délivré par les 
          patrons du Sentier.  
        Lors de l'alternance politique de 1981, la régularisation  temporaire 
          mais sans condition  de tous les clandestins, remet en question 
          ce déplacement. Désormais, l'immigration et la figure 
          du « clandestin, travailleur au noir »  devenu 
          le « sans-papier » en 1996  ne quitte 
          guère la centralité du débat politique.  
          
        
           
             
              1971 : laffaire Djellali 
              « Je revois ces maisons sordides, gardées par 
                des concierges-flics ou des flics-concierges... » (Claude 
                Mauriac). 
              Le mercredi 27 octobre 1971, Ben Ali Djellali, quinze ans et 
                demi, dorigine algérienne, est abattu dune 
                balle dans la nuque, à la suite dune altercation, 
                par le concierge de son immeuble, rue de la Goutte dOr. 
                Ce fait divers déclenche dans les semaines qui suivent 
                une mobilisation inédite sur la situation des travailleurs 
                immigrés. Plusieurs manifestations sont organisées 
                pour dénoncer « le crime raciste » 
                dont le jeune homme a été victime. Lorganisation 
                maoïste, le Secours Rouge du 18e arrondissement, décide 
                de mener une enquête sur cet événement qui 
                a eu lieu dans le plus grand quartier immigré parisien 
                de lépoque. Lagence de presse Libération, 
                dirigée par Maurice Clavel, rend compte, début novembre, 
                de cette contre-enquête qui met en évidence que ce 
                crime est luvre de la campagne d« intoxication 
                raciste lancée par des forces politiques. » [a]. 
                Michel Foucault décide, de son côté, de créer 
                une commission denquête sur les conditions de vie 
                dans le quartier. La Goutte dOr devient, en quelques semaines, 
                un nouveau lieu de luttes. Le philosophe Gilles Deleuze, les écrivains 
                Jean Genet et Claude Mauriac participent notamment à ce 
                comité Djellali qui tient des permanences dans la salle 
                de patronage de léglise Saint-Bruno [b]. 
                Jean-Paul Sartre se joint au groupe. Le but de la permanence est 
                doffrir une assistance juridique aux personnes et de les 
                aider à remplir les différents formulaires administratifs. 
                Cette mobilisation inédite dure plusieurs mois et rassemble 
                les principaux intellectuels de laprès-68 ; elle 
                donne naissance au Comité de défense de la vie et 
                des droits des travailleurs immigrés (CDVDTI), qui sera 
                à linitiative des grandes manifestations contre la 
                circulaire Fontanet au printemps 1973.  
               
                [a] Bulletin 
                APL Spécial n° 68 bis, jeudi 4 novembre 1971. 
              [b] Claude 
                Mauriac relate dans son journal les détails de laction 
                de ce comité (Cf. Et comme lespérance est 
                violente. Le Temps immobile 3, Paris, Grasset, 1973). 
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 Notes
        [1] Sur l'utilisation de 
          cette expression pour caractériser la séquence historique, 
          voir l'introduction in G. Dreyfus-Armand, R. Frank, M.F. Lévy, 
          M Zancarini-Fournel (dir.), Les années 68, Le temps de 
          la contestation, Complexe, 2000. 
        [2] La FASTI, Fédération 
          des associations de soutien aux travailleurs immigrés, créée 
          en 1966, regroupe 156 associations : Patrick Weil, La France 
          et ses étrangers, Gallimard Folio, 1995, (1ère édition 
          1991), p. 507, note 62. 
        [3] Les Algériens 
          représentent, en 1972, la première nationalité 
          avec 720 000 personnes, suivis de près par les 660 000 
          Portugais. 
        [4] Tapinos George, L'immigration 
          étrangère en France, 1946-1973, Cahier INED, n° 71, 
          PUF, 1975. 
        [5] Le Monde,15 juin 
          1968, p. 6. « Des milliers de travailleurs étrangers 
          ont fui "les bidonvilles" pour rentrer dans leur pays ». 
        [6] Kergoat Danièle, 
          Bulledor ou l'histoire d'une mobilisation ouvrière, Le 
          Seuil, 1973, en particulier chapitre 6. 
        [7] Extraits dans Action 
          n° 12,18 juin 1968. 
        [8] L'ensemble est étudié 
          par Laure Pitti, Les ouvriers algériens à Renault-Billancourt, 
          de 1954 à 1973, DEA Université de Paris 8, 1994, pp. 32-43. 
        [9] Mauriac Claude, Le 
          temps immobile, tome 3, Grasset, 1976. 
        [10] Union régionale 
          de la région parisienne CFDT, janvier 1972, Paris syndical 
          n° 123. 
        [11] À l'atelier 
          Aluminium 2 douches pour 30 immigrés, 3 pour 6 Européens ; 
          à l'atelier Plomb, 12 pour 45 immigrés, 2 pour 6 Européens ; 
          à l'atelier Bronze, 3 pour 27 immigrés, 2 pour 6 Européens : 
          les chiffres et les catégories sont de la direction de l'entreprise 
          qui justifie, par le nombre total de douches, son respect des règlements 
          mais la répartition est indicative. 
        [12] Polac Catherine « Quand 
          les immigrés prennent la parole », in L'engagement 
          politique, déclin ou mutation, FNSP, 1994, p. 361 
          et p. 367. 
        [13] Ibid., p. 192. 
         
           
          
           
            Dernière mise à jour : 
             
            27-10-2003  16:23
            .   
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