[Logo]
[Bienvenue] [Le Gisti ?] [Adresses] [Bienvenue] [Plan du site] [Recherche] [Aide]
[Idées] [Formations] [Pratique] [Le droit] [Publications]
     

Plein Droit n° 53-54, mars 2002
« Immigration : trente ans de combat par le droit »

Les « grands arrêts » du Gisti

Une interprétation (prudente)
de l’accord franco-algérien

CE 29 juin 1990, Gisti

À la suite de l’entrée en vigueur de l’avenant à l’accord franco-algérien du 22 décembre 1985, une circulaire conjointe du ministre de l’intérieur et du ministre des affaires sociales datée du 14 mars 1986 était venue en expliciter les termes. Le Gisti contestait plusieurs dispositions de cette circulaire, estimant qu’elles reposaient sur une interprétation inexacte de l’accord franco-algérien.

La raison pour laquelle l’arrêt rendu dans cette affaire a acquis le statut de « grand arrêt » résulte de ce qu’il a fourni l’occasion d’un revirement important de jurisprudence – mais ceci ne transparaît pas à la simple lecture de l’arrêt. Jusque-là, lorsque la solution d’un litige nécessitait l’interprétation d’une disposition obscure d’une convention, le Conseil d’État, sauf lorsqu’il s’agissait d’une des grandes conventions multilatérales relatives aux droits de l’homme, s’estimait incompétent pour se livrer à ce travail d’interprétation et se retournait vers le ministre des affaires étrangères. Cette jurisprudence suscitait de nombreuses critiques, notamment parce que l’égalité des armes entre les parties n’était pas respectée. Dans l’espèce soumise par le Gisti au Conseil d’État, elle aurait abouti à des conséquences particulièrement choquantes, puisque ce que le Gisti contestait, c’était précisément l’interprétation de l’accord telle qu’elle ressortait de la circulaire attaquée : on aurait en somme demandé au ministre des affaires étrangères de trancher entre la thèse de ses collègues de l’intérieur et des affaires sociales et la thèse du Gisti.
L’occasion était donc particulièrement bien trouvée pour abandonner une jurisprudence contestée de toutes parts, et qui a d’ailleurs été condamnée, peu après, par la Cour européenne des droits de l’homme comme contraire à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et au droit à un procès équitable.

Se reconnaissant ainsi le pouvoir d’interpréter l’avenant à l’accord franco-algérien, le Conseil d’État, comme on pouvait s’y attendre, a fait de ce nouveau pouvoir une utilisation très prudente, qui l’a conduit à entériner sur presque tous les points celle des auteurs de la circulaire. Le seul point sur lequel le Gisti a obtenu satisfaction concerne les étudiants, pour lesquels le Conseil d’État a estimé que les accords d’Evian de 1962 conservaient leur validité et qu’ils pouvaient donc travailler, parallèlement à leurs études, sans avoir à demander d’autorisation de travail.

* Les grands arrêts de jurisprudence administrative. Les conclusions Abraham ont été publiées à l’Actualité juridique-droit administratif, 1990, p. 621.

C.E. Ass. 29 juin 1990, Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés (GISTI), Rec. 171, concl. Abraham.

Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; le code du travail ; la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l’avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ; l’ordonnance n° 57-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des 7e et 10e alinéas du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire du 14 mars 1986 :

Considérant que si l’article 7 de la déclaration de principes relative à la coopération économique et financière entre la France et l’Algérie du 19 mars 1962 reconnaît aux ressortissants algériens résidant en France les même droits qu’aux nationaux français à l’exception des droits politiques, les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants algériens en France sont régies par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les conventions qui l’ont modifié ; qu’aux termes de l’article 7 b) dudit accord dans la rédaction issue de son premier avenant du 22 décembre 1985 : « Les ressortissants algériens désireux d’exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d’usage et sur présentation d’un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l’autorisation de travail exigée par la législation française » ; qu’en précisant que, pour l’application de cette disposition l’autorisation de travail serait délivrée selon les instructions applicables aux étrangers relevant du régime général et en tenant compte notamment, comme le prévoit l’article R. 341-4 du code du travail, de la situation de l’emploi, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les stipulations de l’accord ; que, les dispositions critiquées de la circulaire étant ainsi dépourvues de caractère réglementaire, le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés n’est pas recevable à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du 24e alinéa du paragraphe 2.2.1.2. relatif aux autorisations provisoires de travail accordées aux étudiants algériens :

Cons. que le protocole annexé au premier avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comporte, en ce qui concerne les ressortissants algériens admis à séjourner en France comme étudiants, aucune stipulation qui, lorsqu’ils entendent exercer une activité salariée à titre accessoire, en même temps qu’ils poursuivent leur études, subordonne l’exercice de cette activité à l’autorisation de travail exigée par la législation française ; qu’en prévoyant que les étudiants algériens voulant travailler seraient soumis à un régime comportant des autorisations provisoires de travail délivrées dans les conditions fixées par les circulaires des 24 février 1976 et 1er août 1985, lesquelles disposent qu’il sera tenu compte notamment de la situation de l’emploi, et en abrogeant sur ce point la circulaire du 12 mars 1979 qui constatait qu’ils étaient dispensés d’une telle autorisation par l’article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962, la circulaire a édicté une règle contraire aux conventions internationales applicables aux intéressés ; que le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés est, par suite, recevable et fondé à en demander l’annulation sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des dispositions du premier alinéa du paragraphe 3.1.1. en tant qu’elles incluent, parmi les membres de la famille susceptibles de bénéficier du regroupement familial, les « enfants mineurs de dix-huit ans » :

Cons. qu’aux termes du premier alinéa de l’article 4 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans la rédaction résultant du premier avenant audit accord : « Les membres de la famille qui s’établissent en France sont en possession d’un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu’ils rejoignent » ; qu’aux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé audit avenant : « Les membres de la famille s’entendent du conjoint d’un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d’une décision de l’autorité judiciaire algérienne » ; qu’il ressort des pièces du dossier que les auteurs dudit avenant et du protocole annexé n’ont pas entendu modifier les stipulations antérieurement en vigueur de l’accord du 27 décembre 1968 qui s’appliquaient au conjoint et aux enfants mineurs de moins de dix-huit ans ; que, par suite, en indiquant qu’il fallait entendre par enfants mineurs les enfants mineurs de 18 ans, et non ceux de 19 et 21 ans conformément au droit algérien, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les termes de la convention franco-algérienne ; que la circulaire est donc sur ce point dépourvue de caractère réglementaire ; que le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés n’est, par suite, pas recevable à en demander l’annulation ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2.2.1.1. et de l’avant-dernier alinéa du paragraphe 2.2.4. de la circulaire attaquée relatives au refus de délivrance d’un certificat de résidence d’un an ou un certificat de résidence de 10 ans si la présence en France de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public :

Cons. qu’aucune disposition de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par le premier avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ne prive l’administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l’admission au séjour d’un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public ; qu’ainsi, et alors même que l’accord susmentionné ne prévoyait pas une telle possibilité, les auteurs de la circulaire attaquée n’ont édicté sur ce point aucune règle nouvelle dont le Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés serait recevable à contester la légalité ;

Sur les autres dispositions de la circulaire attaquée :

Cons. que si l’association requérante soutient que l’ensemble de la circulaire devrait être annulé en raison de l’incompétence des ministres signataires, elle ne précise pas les dispositions de ladite circulaire, autres que celles précédemment analysées, qui auraient un caractère réglementaire ; qu’elle n’est, par suite, pas recevable à demander cette annulation ; … (annulation du 24e alinéa du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire ; rejet du surplus des conclusions de la requête).

En haut

Dernière mise à jour : 27-10-2003 15:46 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/53-54/j7.html


Bienvenue  | Le Gisti ?  | Adresses  | Idées  | Formations  | Pratique  | Le droit  | Publications
Page d'accueil  | Recherche  | Plan du site  | Aider le Gisti  | Autres sites

Comment contacter le Gisti