ACTIONS COLLECTIVES
Contre la délocalisation des audiences
et contre une justice d´exception
pour les étrangers
13/06/2005 La loi Sarkozy du 26 novembre 2003 érige en principe la délocalisation des audiences concernant les étrangers dans les zones aéroportuaires, portuaires et dans les centres de rétention. Ainsi, les audiences relatives aux étrangers maintenus en zone d´attente en raison d´une demande d´asile à la frontière ou d´une non-admissison à la frontière ou encore faisant l´objet d´une mesure d´éloignement du territoire français vont se dérouler dans des salles d´audience coupées de la cité judiciaire et excentrées.
Ces nouvelles dispositions sont caractéristiques du traitement discriminatoire dont sont victimes les étrangers, stigmatisés par le gouvernement et le discours politique dominant comme des fraudeurs potentiels. En effet, cette réforme ouvre la porte à des dérives généralisées aux principes fondamentaux régissant les audiences judiciaires. Les salles d´audience de Coquelles et Roissy sont les deux lieux d´expérimentation de cette justice d´exception et les Juges des Libertés et de la Détention (JLD) des tribunaux de grande instance de Boulogne et de Bobigny les juges « cobayes ».
Cette délocalisation dans des zones « ad hoc » porte atteinte aux exigences du procès équitable, au sens de l´article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l´Homme et des Libertés Fondamentales. Le principe de la publicité des débats constitue l´une des garanties essentielles du procès équitable : il protège le justiciable d´une justice secrète échappant au contrôle du public. Les difficultés d´accès aux audiences délocalisées de Coquelles et Roissy, l´isolement de ces salles, enclavées dans des lieux clos sous haute surveillance policière témoignent du non-respect de la publicité effective de telles audiences.
Comment affirmer, dans de telles conditions, que le principe conventionnel de l´égalité des armes entre les parties est respecté ? L´accès, pour l´étranger cloîtré en zone d´attente ou en centre de rétention, à l´avocat de son choix ou choisi par ses proches, la traduction des actes, l´assistance constante d´un interprète, le temps de préparation de la défense seront gravement compromis dans ces lieux de réclusion.
Comment soutenir que l´impartialité et l´indépendance des juges ayant à siéger entre un stand de tir de la police, les chiens de la brigade canine et le poste de la Direction de la Sécurité du Territoire, comme au centre de rétention de Coquelles, ou dans une zone sous contrôle étroit de la Police Aux Frontières, comme à Roissy seront sauvegardées?
Les organisations signataires du présent appel s´opposent au principe et à la mise en oeuvre de la délocalisation des audiences concernant les étrangers, au nom des garanties essentielles du procès équitable. Cette justice d´exception instrumentalisée par le ministère de l´intérieur et expérimentée sur des justiciables isolés et vulnérables est contraire aux droits fondamentaux de la personne humaine.
Cette justice discriminatoire ne doit pas passer !
Paris, le 10 juin 2005
Signataires :
Association Nationale d´Assistance aux Frontières pour les Etrangers (ANAFE), Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers (ADDE), CIMADE, ELENA (les avocats pour le droit d´asile), Groupe d´information et de soutien des Immigrés (GISTI), Ligue des Droits de l´Homme (LDH), Syndicat des Avocats de France (SAF), Syndicat de la Magistrature (SM).
Voir aussi
Pour une analyse de ce dispositif d'exception au regard des textes fondamentaux qui régissent le procès judiciaire, vous pouvez télécharger le texte « La délocalisation des audiences concernant les étrangers ».
Dernière mise à jour :
13-06-2005 18:17
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2005/delocalisation/index.html
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