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JURISPRUDENCE

L'ouverture d'un compte bancaire
n'est pas soumise à une condition
de régularité de séjour

[l'analyse de cette décision]

25/04/2005 — Ci-dessous, vous trouverez une reproduction de l'Ordonnance du 16 mars 2005 dans laquelle le TA de Paris rappelle que la Banque de France ne peut pas refuser le droit à l'ouverture d'un compte banquaire aux personnes étrangères en situation irrégulière.


TA de PARIS
050280519

Mme XXX

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Mme Camguilhem
Juge des référés

Le juge des référés statuant en urgence

Ordonnance du 16 mars 2005

Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2005, sous le n° 050280819, la requête présentée par Mme XXX demande au juge des référés

  1. de prononcer, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 7 janvier 2005 par laquelle la Banque de France a rejeté sa demande tendant à bénéficier de la procédure de droit au compte ;

  2. d'enjoindre, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, au directeur de la Banque de France de réexaminer dans les plus brefs délais sa demande de mise en oeuvre de la procédure de droit au compte ;

  3. de condamner la Banque de France au paiement d'une somme de 150 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme XXX soutient que, de nationalité malgache, elle réside en France avec ses trois enfants mineurs et qu'elle est attributaire des prestations familiales ; que la caisse d'allocations familiales conditionne le versement de ces prestations à l'ouverture d'un compte bancaire ou postal ; qu'elle a essuyé un refus de la part de la Poste au motif qu'elle devait présenter au moins une attestation provisoire de séjour ; qu'avec l'appui de l'association Femmes de la terre, elle a sollicité de la Banque de France la mise en ceuvre de la procédure de droit au compte prévue à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier ; que par lettre du 7 janvier 2005, la Banque de France a rejeté cette demande ; que le juge administratif administratif des référés est bien compétent dès lors que la Banque de personne publique est intervenue dans le cadre de sa fonction de rejeté cette demande ; que le juge administratif des référés est compétent dès lors que la Banque de France, personne publique, est intervenue dans le cadre de sa fonction de régulation du système bancaire ; qu'il y a urgence dès lors que Mme XXX ne peut percevoir les prestations familiales et ainsi assurer la charge effective de ses enfants ; que cette situation rend particulièrement difficile voire impossible l'accès aux prestations sociales non conditionnées à la régularité du séjour ou d'effectuer des démarches administratives conditionnées à la présentation d'un RIB ou RlP ; que la requérante n'a aucune autre ressource pour élever ses enfants ; qu'il y a un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'en effet, cette décision ajoute à la loi une condition non prévue, à savoir la production d'un titre de séjour valide, seule la justification de l'identité étant requise, ce qui a été fait ; que le décret n° 2001-45 du 17 janvier 2001 pris pour l'application de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier ne prévoit aucune autre restriction ; qu'il y a atteinte au droit de vivre dans des conditions conformes à la dignité humaine ;

Vu enregistré le 18 février 20005 le mémoire présenté par l'association Femmes de la Terre qui intervient à l'appui de la requête de Mme XXX susvisée ; elle soutient que, compte tenu de son objet, elle est recevable à intervenir et demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux exposés par la requérante ;

Vu le mémoire en défense enregistré au greffe le 3 mars 2005 par lequel la Banque de France s'en remet à la sagesse du tribunal ; qu'elle fait valoir que la requête a été déposée par Mme XXX alors que la décision attaquée a été adressée à l'association Femmes de la Terre ; que cette association n'a produit à l'appui de sa demande aucun document probant permettant de s'assurer du domicile en France de Mme XXX et qu'ainsi la demande ne pouvait pas aboutir ; que les indications fournies sur le domicile sont contradictoires ;

Vu la lettre en date du 8 mars 2005 par laquelle le juge des référés a informé les parties de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu la requête présentée par Mme XXX tendant à l'annulation de la décision dont la suspension d'exécution est demandée, ensemble ladite décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le décret n°2001-45 du 17 janvier 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 7 mars 2005 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a désigné Mme Anne-Marie Camguilhem, pour statuer sur les demandes de référé ;

Considérant que Mme XXX de nationalité malgache s'est vu refuser l'ouverture d'un compte par La Poste au motif qu'elle devait présenter au moins une autorisation provisoire de séjour; qu'elle a alors saisi la Banque de France d'une demande de mise en oeuvre de la procédure de droit au compte prévue par les dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier demande cosignée par l'association Femmes de la T'erre ; que, par décision en date du 7 janvier 2005 adressée à l'association Femmes de la Terre, la Banque de France a opposé un refus à cette demande au motif que Mme ne disposait pas d'un titre de séjour en cours de validité ;

- Sur la recevabilité de la demande de Mme XXX

Considérant que la demande de mise en oeuvre de la procédure de droit au compte adressée à la Banque de France a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cosignée par Mme XXX et l'association Femmes de la Terre ; que si la Banque de France n' a répondu expressément qu'à l'association Femmes de la Terre, il est constant qu'à la date de la présente ordonnance, une décision implicite de rejet de la demande de Mme XXX est née ; qu'ainsi, à supposer que la Banque de France oppose une fin de non-recevoir à la requête de Mme XXX cette fin de non recevoir ne peut qu'être rejetée ;

- Sur la recevabilité de l'intervention de l'association Femmes de la Terre

Considérant qu'en raison tant de son objet social qui vise à « créer et animer une permanence d'aide, d'information et de soutien aux femmes, en majorité étrangères, rencontrant des difficultés dans leur insertion socio-économique », que de son implication dans la démarche de la requérante, l'association Femmes de la Terre a intérêt à intervenir à l'appui de la requête de Mme qu'il y a lieu d'admettre son intervention ;

- Au fond

Considérant en premier lieu que Mme XXX soutient sans être contredite que l'absence de compte de dépôt la prive de la possibilité de percevoir les prestations familiales dont elle est allocataire en raison de la présence à son foyer de trois enfants mineurs, et qu'elle ne dispose pas d'autres ressources ; que ces circonstances caractérisent une situation d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier ne prévoient pas que la désignation d'un établissement bancaire soit subordonnée à la régularité du séjour du demandeur ; qu'ainsi la Banque de France qui a fondé son refus sur une condition non prévue par le texte législatif applicable, a entaché sa décision d'erreur de droit ;

Considérant que, dans son mémoire en défense, la Banque de France soutient que la décision est également justifiée par l'absence de domicile établi de la requérante, cette dernière ayant indiqué trois adresses différentes ; que si l'administration peut faire valoir devant le juge des référés que la décision dont il lui est demandé de suspendre l'exécution sur le fondement de l'article L. 5214 du code de justice administrative, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, il appartient au juge des référés, après avoir mis l'auteur de la demande, dans des conditions adaptées à l'urgence qui caractérise la procédure de référé, de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher s'il ressort à l'évidence des données de l'affaire, en l'état de l'instruction que ce motif est susceptible de fonder légalement la décision ; que si, pour bénéficier de la mise en œuvre de la procédure de droit au compte, le demandeur doit justifier de son domicile en France, le représentant de l'association Femmes de la Terre a, à l'audience, ainsi qu'il est dit ci-dessus, indiqué que l' adresse rue ................. est celle donnée en début de procédure, que l'adresse au foyer correspond à l'adresse administrative où Mme XXX reçoit son courrier mais qu'elle réside actuellement à l'hôtel ;

qu'ainsi, compte tenu des explications apportées, le bien-fondé de ce motif de refus n'est pas établi en l'état du dossier ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du refus opposé à Mme XXX est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision attaquée, et d'enjoindre à la Banque de France de réexaminer la situation de Mme XXX dans les dix jours suivant la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la Banque de France à payer à Mme une somme de 150 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens

ORDONNE :

Article 1er : L'intervention de l'association Femmes de la Terre est admise.

Article 2 : L'exécution de la décision de la Banque de France en date du 7 janvier 2005 est suspendue.

Article 3 : il est enjoint à la Banque de France de la situation de XXX dans les dix jours suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : La Banque de France versera à Mme XXX la somme de 150 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme XXX à la Banque de France et à l'association Femmes de la Terre.

Fait à Paris, le 16 mars 2005

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Dernière mise à jour : 18-05-2005 11:22 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2005/bnf/arret.html


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