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Directive européenne
relative au regroupement familial :

Chronologie

1ère étape - décembre 1999

Présentation par la Commission européenne de la première version de la directive européenne relative au regroupement familial (qui organise l'admission sur le territoire des Etats membres des membres de famille d'un étranger déjà installé). C'est la première « loi » européenne dans le domaine de la politique d'immigration depuis qu'avec le traité d'Amsterdam (signé 97, entré en vigueur 99) les Quinze ont décidé de « communutariser » les domaines asile et immigration, c'est à dire d'avoir, à l'échéance 2004, des normes communes qui devront s'appliquer à tous (y compris les 10 nouveaux adhérents de l'UE). l'enjeu est important puisque l'immigration familiale est une des seules façons d'immigrer légalement en Europe (à part le droit d'asile, qui subit de telles restrictions que ce ne sera bientôt plus vrai).

[Rappel : processus d'élaboration de ces normes : la Commission européenne fait une proposition, le Parlement européen est consulté et donne un avis, le Conseil (= les chefs d'Etat et de gouvernements) adopte à l'unanimité (ce qui favorise les blocages)]

Le programme de travail en matière d'immigration a été défini au sommet européen de Tampere (octobre 1999) où les Quinze ont affirmé leur volonté de « mettre en place une approche commune pour assurer l'intégration dans nos sociétés de ressortissants de pays tiers résidant légalement dans l'Union » par l'octroi de « droits aussi proches que possible que ceux dont jouissent les ressortissants de l'Union ». Le fait que la proposition de directive soit présentée dans la foulée de Tampere est le signe de l'importance donnée par la Commission à cet outil qu'elle présentait comme « essentiel pour l'intégration des immigrés ». Ce premier texte est à l'image de l'objectif : il établissait un droit au regroupement familial pour les ressortissants d'Etats tiers. En se référant de façon appuyée aux conventions internationales, l'exposé des motifs justifiait que la réglementation du regroupement familial échappât partiellement aux législations nationales : d'où une acception relativement libérale de la notion de famille, intégrant notamment les partenaires non mariés y compris de même sexe, n'excluant ni les ascendants ni les enfants majeurs. La directive version 1999 ne posait pas comme condition incontournable les conditions de ressources et de logement, mais prévoyait que les Etats « pouvaient » opposer ces conditions sous réserve qu'il n'y ait pas violation de la Convention des droits de l'homme.

Cette première proposition, retravaillée notamment en fonction d'amendements proposés par le Parlement européen qui l'a globalement approuvée dans un avis du 6 septembre 2000, a été suivie d'une seconde version qui s'inscrivait dans la même logique. C'est pourquoi elle a été soutenue par la plupart des ONG impliquées dans ce domaine [1].

2ème étape - décembre 2001

Conseil de Laeken, opposition des Etats membres.
Lors de ce sommet européen qui a clos la présidence belge de l'Union, alors qu'on aurait pu logiquement s'attendre à une adoption de la directive puisque le processus d'élaboration (Commission/discussion en Conseil/avis du Parlement) avait été suivi, les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze font au contraire état des nombreux obstacles qui les empêchent de parvenir à un accord, et ils demandent à la Commission de revoir sa copie. S'ensuit une période de négociations et de marchandages de plusieurs mois, où chaque délégation vient plaider pour ses spécificités et traditions nationales. Elle débouche sur une troisième version de la directive.

 

3ème étape - 2 mai 2002

« Nouvelle proposition modifiée » de la directive RF.
Le virage est spectaculaire. Cette nouvelle version n'a plus rien à voir avec le texte initial, et consiste en une superposition des compromis qu'a dû y intégrer la Commission pour éviter que les Etats ne bloquent complètement l'avancée des travaux. L'exposé des motifs traduit un véritable recul non seulement par rapport aux versions antérieures, mais aussi par rapport aux principes affichés depuis le traité d'Amsterdam, notamment au sommet de Tampere. Quelques exemples des modifications apportées, et surtout les commentaires de ces modifications par la Commission montrent à quel point celle-ci a vraiment dû « manger son chapeau » :

  • alors que la proposition initiale voulait instaurer un « droit au RF », la version de mai 2002 ne parle plus que de « fixer les conditions dans lesquelles est exercé le droit au RF »

  • seuls le conjoint et les enfants mineurs sont admissibles dans le cadre du RF ; il n'est plus envisagé qu'à titre facultatif pour les autres membres de la famille, conjoints non mariés, ascendants, descendants majeurs. Lorsqu'on se souvient de l'interprétation ouverte de la notion de famille de la version initiale, il est éclairant de relever que la Commission considère désormais que : « compte tenu de la diversité des législations nationales concernant les bénéficiaires du droit au RF, il ne semble pas possible à ce stade d'étendre l'obligation d'autoriser l'entrée et le séjour au-delà du conjoint et des enfants mineurs ».

  • les enfants mineurs sont admissibles par RF. Mais par dérogation à ce principe, un Etat peut si l'enfant a plus de 12 ans subordonner son admission à un critère d'intégration. (condition posée par l'Allemagne). La commission, qui rappelle que « la limite de l'âge auquel les enfants sont autorisés à rejoindre leurs parents a été une des questions majeures des négociations sur le RF ». Elle ajoute laconiquement « il apparaît opportun de laisser aux Etats membres une certaine marge de manoeuvre pour examiner si l'enfant remplit des conditions d'intégration au-delà d'un certain âge ».

  • le délai d'attente avant de pouvoir demander le droit à se faire rejoindre par sa famille d'abord fixé à un an « pour ne pas réduire à néant l'exercice du RF » disait la Commission en 1999, est porté à deux ans. Sans crainte de se contredire, elle considère désormais que « le compromis sur cette flexibilité constitue encore une base suffisante en vue du rapprochement des législations ». Au point d'admettre un allongement du délai jusqu'à trois ans si la législation des Etats tient compte « de sa capacité d'accueil » pour admettre des étrangers au titre du RF. Autrement dit si, comme en Autriche, le RF n'est pas du tout un droit, mais un des flux pris en compte dans les quotas annuels que fixe annuellement ce pays pour admettre des travailleurs étrangers…

On voit qu'avec ces reculades, la Commission a renoncé à son projet ambitieux et novateur qui voulait assurer aux ressortissants des pays tiers « indépendamment des raisons pour lesquelles ils ont choisi de séjourner sur le territoire des Etats membres » la possibilité de mener une vie familiale normale. Au contraire elle s'est pliée aux diktats des pays de l'UE en s'alignant sur les standards minimaux, réservant au domaine du facultatif les quelques ouvertures qu'elle prévoit [2]. Au-delà du seul champ qu'elle couvre, l'affaire de la directive RF est aussi le signe de l'échec de la communautarisation de la politique d'immigration puisqu'elle laisse au nom de la « diversité des législations nationales » toute faculté aux Etats membres - actuels et futurs - pour maintenir les dispositifs dérogatoires aux principes qu'elle définit. Au point que le commissaire Vitorino, chargé des questions de Justice et Affaires intérieurs à la Commission, a cru devoir préciser que « la directive n'oblige pas les pays les plus généreux à abaisser leur protection »…

Mais ils sont toutefois tenus de transposer la directive dans leur loi nationale dans un délai de deux ans. Et en France par exemple, on voit déjà l'effet « alignement par le bas » de la directive. Avant même son adoption, le projet de loi Sarkozy (immigration) prévoyait que, alors que depuis 1984 les membres de famille admis au titre du RF recevaient une carte de résident de 10 ans, ils ne recevront plus désormais qu'une carte d'un an, comme le veut la directive… la loi a été aussi utilisée par la France dans l'autre sens : pour permettre au gouvernement de légitimer devant le parlement l'arrivée d'une condition d'intégration dans la loi française, les négociateurs français à Bruxelles ont insisté pour que l'intégration soit prévue dans la directive…

4ème étape - février 2003

Coup de force institutionnel du Conseil.
Vu les très importantes modifications apportées à la proposition de directive, le Parlement européen est à nouveau saisi pour donner un avis sur la mouture de mai 2002 de la directive RF. Mais avant même qu'il se soit prononcé, le Conseil de l'UE réuni en février 2003 rend public un « accord politique » sur la directive. Il ne s'agit pas formellement d'une adoption, mais ça y ressemble fort. L'AFP titre : « le Conseil de l'Union adopte une directive a minima ». Du coup, l'avis rendu par le Parlement le 9 avril 2003 est d'avance désavoué : il est positif, mais avec beaucoup de réserves substantielles, sous forme de suggestions d'amendements : ceux-ci ne seront pas examinés puisque l'accord a été pris avant…

 

5ème étape

Offensive des associations.
Dès la sortie de la version de 2002 de la directive, les ONG nationales et européennes spécialisées dans la défense de la famille et des droits des étrangers s'étaient mobilisées pour en dénoncer les dispositions les plus graves. Les six principaux réseaux chrétiens d'associations oeuvrant dans ces domaines au niveau de l'UE formulent de très vives critiques [3]. Le HCR exprime « son mécontentement » face aux dispositions réservées aux familles des étrangers bénéficiaires d'une protection internationale (communiqué 23/09/03). Quand à la Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille, elle dénonce « une directive contre le droit de vivre en famille » (communiqué du 9 mars 2003).

Fin septembre, juste après l'adoption officielle de la directive, cette Coordination lance une campagne auprès des parlementaires européens pour qu'ils demandent l'annulation de la directive devant la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Cette procédure, qui n'a pas encore été utilisée, est possible en application d'une disposition récente du traité de Nice (2000), qui prévoit que le Parlement européen peut former, à l'initiative de son Président, un recours auprès de la Cour de Justice des Communautés européennes en vue de l'annulation d'un acte du droit dérivé lorsqu'il y a « incompétence, violation des formes substantielles, violation du présent traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir formés par un Etat membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission » [4].

C'est donc au président du Parlement de prendre une telle initiative La Commission des libertés et la Commission juridique du Parlement vont être auparavant amenées à donner leur avis.

L'argumentaire est double :

  • Sur la forme : parce que le rôle du Parlement a été bafoué

  • Sur le fond : parce que plusieurs dispositions de la directive RF violent les principes de la convention des droits de l'homme, ou de la convention des droits de l'enfant

Voir l'argumentaire juridique fondant la demande d'annulation de la directive (allemand, anglais, français, italien, portugais)

 

6ème étape - 21 octobre 2003

La Commission des Libertés du Parlement européen se prononce pour la demande d'annulation de la directive.

7ème étape - 2 décembre 2003

La Commission Juridique du Parlement se prononce à son tour pour la demande d'annulation.

BRUXELLES, 2 déc (AFP) - Le PE va attaquer le Conseil devant la Cour sur le regroupement familial

Le Parlement européen va attaquer le Conseil des ministres de l'UE devant la cour européenne de Justice de Luxembourg sur la directive sur le regroupement familial, qui lie l'admission d'un enfant de plus de 12 ans à la réussite de tests d'intégration, a-t-on appris mardi auprès du PE.

Les Quinze avaient adopté fin février un texte minimal définissant le droit au regroupement familial, qui constituait la première directive sur l'immigration légale depuis que ce sujet fait partie des compétences européennes.

Le Parlement, qui n'avait eu qu'un avis consultatif, veut exclure un article qui permet à un pays de subordonner l'admission d'un enfant de plus de 12 ans rejoignant sa famille à la satisfaction de tests d'intégration comme c'est le cas actuellement en Allemagne.

« Cette clause est contraire à la Convention européenne sur les droits de l'Homme et c'est pour cette raison que le Parlement demande à la Cour de l'annuler », juge la Commission des affaires juridiques qui a voté mardi à l'unanimité cette proposition des écologistes.

Pour l'eurodéputée verte néerlandaise Kathalijne Buitenweg, « un test d'intégration pour un enfant de douze ans est inconcevable.
Comment un enfant qui a grandi dans un village turc peut-il connaître la société européenne ? ».

La plainte doit être maintenant déposée devant la Cour par le président du Parlement européen Pat Cox.

Réaction d'Adeline Hazan, élue au Parlement européen sur la liste PS, rapporteure sur la directive à la Commission des Libertés :

Communiqué de presse, Bruxelles, 2 décembre 2003
Regroupement familial, : le PE impose sa voix au Conseil

Adeline Hazan « se félicite » de la décision de la commission juridique du Parlement d'effectuer un recours auprès de la CJCE sur la directive relative au regroupement familial, adoptée par le Conseil en violation flagrante du droit à vivre en famille. En effet tant la procédure d'adoption que le fond de la directive paraissent contraires au droit communautaire et aux engagements internationaux de l'Union. (…) L'Eurodéputée souhaite que « la réaction du parlement serve de leçon à un Conseil qui fait souvent peu de cas de l'avis du Parlement (…) ».

Pour la Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille :

« Le Parlement s'honorerait de faire usage de son droit de saisir la CJCE : la directive relative au regroupement familial est le premier outil adopté dans le domaine de l'intégration des étrangers et non de la surveillance des frontières ou de la répression du séjour irrégulier, depuis que les États membres ont décidé, avec le traité d'Amsterdam, d'avoir une politique commune en matière d'immigration. Il serait grave que cette nouvelle étape soit inaugurée par un dispositif qui, en posant des obstacles à la venue des familles des étrangers installés en Europe, est source de discrimination et va à l'encontre de l'objectif affiché d'intégration ». (communiqué du 21 novembre 2003)

 

8ème étape - 16 décembre 2003

Le présidence du Parlement européen saisit officiellement la CJCE

Gisti, 16 décembre 2003

 


Notes

[1] Ainsi la Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille, qui avait organisé une campagne de soutien à la proposition de directive.

[2] dans son avis du 20 novembre 2002, le Comité des régions de l'Union européenne relève qu'elle s'écarte « de l'approche du regroupement familial basée sur des droits pour se tourner vers une approche procédurale » et regrette que du « droit au regroupement familial » on soit passé à « la simple définition d'une base commune minimale de conditions dans lesquelles est exercé le droit au regroupement familial » (200 3/C 73/05), JOUE, 26 mars 2003, C/73/16).

[3] The EU Directive on family reunification : right for families ti live together or right for member States to derogate from human rights ? communiqué de presse de caritas, Comece, CCME, ICMS, JRS, Quaker Council, 4 mars 2003.

[4] Voir la lettre de la Coordination européenne pour le droit des étrangers à vivre en famille au président du Parlement européen.

 


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Dernière mise à jour : 6-02-2004 13:58 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2004/regroupement/index.html


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