Lettre
ouverte
à M. Jean-Marie SPAETH
Président du Conseil d'Administration
de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
Paris, le 20 juillet 2004
Objet : lettre-réseau
CNAM LR-DMR/71/2004 du 14 mai 2004 relative à l'appréciation
de la condition de résidence pour l'attribution de l'AME.
Monsieur le Président,
Nous avons particulièrement
apprécié la position du Conseil d'Administration de la
CNAM exprimée par son vote à l'unanimité, le 14
février 2004, contre le projet de décret sur la réforme
de l'Aide Médicale Etat.
L'intervention de la Caisse Nationale a été une contribution
importante parmi les voix qui ont dénoncé les modifications
restrictives de la réglementation AME pour tenter d'en limiter
les effets les plus nocifs.
C'est la raison pour laquelle nous nous permettons de vous saisir au
sujet de la lettre de la CNAM en référence, du 14/05/04,
émis par le Directeur des Risques Maladie de la CNAM à
l'attention des directeurs des CPAM, CRAM et CGSS et relatif à
l'appréciation de la condition de résidence pour l'attribution
de l'AME.
Nous prenons acte de la position de la CNAM relative à l'inopposabilité
d'un refus d'ouverture des droits au demandeur ne pouvant pas présenter
un justificatif de résidence pour chacun des trois mois précédant
sa demande.
Nous sommes toutefois en désaccord avec ce courrier demandant
aux organismes de sécurité sociale de faire une application
anticipée de décrets dont la CNAM elle même contestait
la légitimité.
Deux points nous semblent contestables dans la lettre-réseau
:
-
d'une part la diffusion d'instructions, non conformes à
la réglementation, qui remettent en cause la valeur probante
des attestations sur l'honneur du demandeur ou de la personne hébergeante
en tant que justificatif probant de la présence sur le territoire.
-
d'autre part l'utilisation inappropriée des dispositions
légales sanctionnant l'aide apportée aux étrangers
en séjour irrégulier.
Sur les déclarations sur l'honneur, la lettre-réseau
indique « Ainsi qu'il l'avait été précisé
dans le Point CMU spécial AME du 3 février 2004, la déclaration
sur l'honneur du demandeur, n'ayant aucune valeur probante n'est donc
pas recevable ».
Une telle affirmation est erronée au regard de la réglementation
en vigueur à ce jour.
En effet, conformément aux dispositions de l'article 45-1 du
décret du 2 septembre 1954 modifié, toujours applicable,
« La décision d'admission à l'aide médicale,
totale ou partielle, est prononcée au vu des déclarations
souscrites par le demandeur [
] ».
Ce n'est pas parce que des déclarations ont pu ou pourraient
être frauduleuses que la CNAM doit en conclure qu'aucune déclaration
sur l'honneur ne peut désormais être acceptée.
Les déclarations erronées sont passibles de poursuites
pénales, et cela ne peut servir de prétexte aux CPAM pour
décider de refuser toutes les déclarations sur l'honneur.
Par ailleurs le rappel du caractère délictueux de l'aide
au séjour irrégulier tel que posé par l'article
21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers
en France, paraît tout à fait inapproprié.
En effet, la lettre-réseau indique « Outre le fait
que de telles attestations peuvent être de complaisance, il est
préférable de ne pas retenir ce moyen de preuve en raison
du caractère délictueux qu'il peut revêtir ».
Or, l'aide médicale Etat est précisément une prestation
à destination d'étranger en séjour non-régulier
(aux termes même de l'article L251-1 du code de l'action sociale
et des familles). Dès lors, si l'hébergeant pouvait être
mis en cause sur le fondement de l'article 21 de l'ordonnance de 1945,
le risque serait alors partagé pour chacune de nos associations
et chacun des intervenants dans la chaîne de l'accès aux
soins, y compris les agents des caisses recevant les demandeurs d'AME,
ainsi que les Caisses elles mêmes en tant que personnes morales.
Nous pensons qu'à la place de mettre l'accent sur la possibilité
de complaisance ou de risque pénal, il serait utile et urgent
de rappeler que :
-
le principe « déclaratif »
en matière d'aide médicale Etat est toujours en vigueur
;
-
la « présomption d'innocence »
est un principe fondamental de notre droit (Art. 9-1 du code civil
et article préliminaire du code de procédure pénale)
;
-
le personnel des caisses doit impérativement respecter
son obligation du secret professionnel comme toutes les personnes
appelées à intervenir dans l'instruction d'une demande
d'aide sociale (article L133-5 du code de l'action sociale et des
familles).
Nous nous étonnons de la tournure sécuritaire et policière
d'une instruction émanant d'une Caisse nationale de sécurité
sociale dont le rôle doit, selon nous, être orienté
vers l'assistance aux populations les plus démunies par l'application
effective des textes sociaux en vigueur.
C'est persuadés que vous partagez ce point de vue, que nous
souhaitons vous alerter sur cette instruction qui parait en contradiction
avec la position prise par le Conseil d'Administration de la Caisse
le 14 février dernier.
D'avance, nous vous remercions de votre intervention pour que le droit
à l'aide médicale soit respecté.
Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l'assurance
de notre haute considération.
Pour l'ODSE
Didier Maille
Copie :
- Mesdames, Messieurs les Administrateurs CNAM
- Monsieur le Directeur de la CNAM
- Madame Lozahic (CNAM)
- Madame Bouille-Ambrosini (CNAM)
- Monsieur le Directeur de la Sécurité Sociale (Ministère
de la Santé et de la Protection Sociale)
- Monsieur le Directeur Général de l'Action Sociale
(Ministère de l'Emploi, du Travail, et de la Cohésion
sociale)
Voir aussi
Dernière mise à jour :
29-07-2004 13:22
.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2004/odse/lettre3.html
|