L'AME
damnée !
24/02/2004
Nous nous trouvons devant une nouvelle
initiative pour réduire encore une fois l'accès aux soins
des populations les plus précaires vivant en France.
Le système d'Aide Médicale Etat qui a été
réaffirmé par la loi CMU-AME de 1999 permettait une politique
de santé publique s'attachant à l'accès à
la prévention et aux soins des plus démunis.
Les décrets présentés par le gouvernement au Conseil
d'Administration de la CNAM, s'ils sont adoptés, limiteront considérablement
la possibilité d'accéder à cette couverture maladie
et donc à l'accès aux soins.
L'esprit des textes est clair : réduire le nombre de bénéficiaires
en imposant des conditions impossibles à remplir au mépris
des impératifs de santé publique et ce à quelques
mois de la grande frayeur du SRAS et en pleine crise de la grippe aviaire.
La constitution du dossier demandera des mois, ce qui s'ajoute à
la récente suppression de l'immédiateté d'accès
à l'AME.
Rappelons que dans l'attente de l'obtention de l'AME, les intéressés
doivent prendre en charge à 100% leurs dépenses de santé
et celles de leurs enfants, alors même qu'ils vivent bien au-dessous
du seuil de pauvreté.
Qui peut accepter de voir des familles entières sans aucun accès
à la prévention et aux soins ?
Note de l'ODSE
à l'attention des Administrateurs de la CNAM pour l'examen le
24 février 2004 de 2 décrets sur l'AME
Paris, le 20 février 2004
Projet de décret n° relatif à
l'Aide Médicale de l'Etat
Article 41 : forfait logement inclus dans le calcul des ressources
Notre expérience de terrain avec les bénéficiaires
de l'AME nous amène à constater le grand nombre de personnes
vivant dans des logements surpeuplés ou notoirement insalubres
voire dans des caravanes qui ne peuvent pas sérieusement être
considérés comme des « logements ».
Nous demandons à ce que cette mesure d'évaluation
forfaitaire du logement dans les ressources soit supprimée dans
les cas ci-dessus.
Article 41-1 : examen des ressources sur les 12 mois précédent
la demande d'AME
Nous assistons à une non prise en considération des situations
toujours fluctuantes des ressources des personnes en état de
grande précarité. De plus pour les étrangers primo-arrivants,
cela suppose la prise en compte des ressources au pays d'origine voire
dans les pays de transit alors qu'il est évident que la personne
une fois arrivée en France, ne disposera plus des mêmes
ressources et ne pourra donc pas faire face aux frais médicaux.
Nous demandons de reprendre dans cet article 41-1 la partie supprimée
de l'article 41 dans la version précédente du décret
du 2/9/1954 :
« Dans le cas où un changement significatif
est intervenu dans le montant des revenus ou dans la composition du
foyer du demandeur, il peut être tenu compte de la moyenne mensuelle
des ressources perçues au cours des 3 mois précédant
le mois du dépôt de la demande. »
Article 43-1 : domiciliation dans des associations choisies et agréées
La loi (articles 4 et 32 de la loi du 27/7/1999) et la circulaire du
5/7/2000 disposent que « les centres communaux et intercommunaux
d'action sociale (CCAS) sont tenus de recevoir et de traiter les déclarations
d'élection de domicile des personnes sans domicile fixe qui demandent
à bénéficier de la Couverture Maladie Universelle
ou de l'Aide Médicale de l'Etat. Aucun agrément n'est
nécessaire pour les CCAS ».
Nos observations de terrain nous font constater que moins de 3% des
potentiels bénéficiaires de la CMU ou AME obtiennent effectivement
une domiciliation dans les CCAS.
Par ailleurs, nous ne comprenons pas comment une prestation légale
peut être transférée sur le monde associatif, forcément
fluctuant.
Nous demandons donc que l'article 43-1 soit transformé pour
rappeler aux CCAS leur obligation de domiciliation.
Article 45 - 1 : exigence de documents probants - obligation de
signaler tout changement de situation
Nous ne pouvons pas accepter la remise en cause du caractère
déclaratif de l'AME instauré en considération de
la situation particulièrement précaire des bénéficiaires.
Les législateurs avaient rappelé dans l'article 45-1 du
décret 93-648 du 26/3/1999 : « l'admission est
prononcée au vu des déclarations souscrites par le demandeur
et des informations complémentaires recueillies sur sa situation
et ses ressources. ».
Nous demandons de revenir à cette rédaction, seul
compatible avec la situation des intéressés : en effet
il y a une contradiction notoire entre l'exigence de « documents
probants » et la vie des personnes en situation irrégulière.
D'autre part le 2ème alinéa de l'article 45-1 introduit
un contrôle social insupportable dans notre démocratie
: les bénéficiaires de l'AME devraient signaler à
l'administration jusqu'aux ruptures conjugales ! Cette exigence
n'est compréhensible qu'au seul moment du renouvellement.
Seule la modification concernant l'obtention d'un titre de séjour
nous paraît à retenir, permettant ainsi à l'intéressé
d'obtenir la CMU.
Article 45-2 : suppression de la prise en charge des soins à
la date des soins
Cet article restreint fortement la rétro-activité de
la prise en charge des soins passant de 2 mois + 2 mois (article 45-4
du décret du 2/9/1954) à 1 seul mois.
Nous demandons le retour à la rédaction antérieure
sachant que les intéressés n'ont pas de quoi payer ces
frais.
Article 45-3 : fin de la prise en charge à 100 % pour
l'AME
Cet article fait état d'un ticket modérateur à
la charge des bénéficiaires de l'AME. Cet article doit
être supprimé pour éviter toute confusion avec un
éventuel décret fixant le montant du ticket modérateur
qui serait spécifique à l'AME. Sa mise en place serait
de toutes façons un moyen de plus de limiter l'accès aux
soins pour des populations qui n'ont pas de revenus.
Nous demandons sa suppression.
Projet de décret relatif aux modalités d'admission
des demandes d'Aide Médicale de l'Etat
Article 3
Cet article introduit la photographie de chacun des bénéficiaires,
disposition proposée et refusée récemment au Parlement
pour l'assurance maladie.
Article 4
Cet article est absurde pour plusieurs raisons :
-
Il mentionne les conditions légales de résidence
en France, alors même que les intéressés sont
par définition en condition illégale de résidence
en France.
-
Les pièces justificatives de l'identité sont
cumulatives, ce qui rend cette justification totalement impossible.
Nous savons de notre expérience de terrain que la production
même de l'un des documents est difficile pour une bonne partie
des intéressés. C'est du reste pour cette raison que
le système déclaratif avait été instauré,
complété par la possibilité de produire tout
élément prouvant l'identité.
-
Les documents demandés pour la justification du domicile
sont difficiles à produire, d'autant qu'ils doivent dater
de moins de trois mois. Nous demandons à ce que cette
justification puisse être apportée par tout document
produit par l'intéressé (lettres reçues, attestation
d'un service social, inscription à l'école, etc
)
-
Nous demandons à ce que la justification de la présence
ininterrompue depuis trois mois puisse être apportée
par tout document produit par l'intéressé, notamment
des certificats médicaux, des documents établis par
toute administration (demande d'Aide Médicale Etat, documents
préfectoraux relatifs à une demande de titre de séjour
),
inscription à l'école, etc
Nous demandons, comme pour la CMU, qu'au delà des documents
énumérés, il soit prévu que « l'intéressé
pourra prouver sa présence en France par tout moyen ».
Nous notons depuis le 1er janvier des refus de renouvellement d'Aide
Médicale Etat, y compris pour des personnes résidant
depuis près de 10 ans en France
-
Concernant la justification des ressources, il n'y a pas d'autre
moyen, pour une personne en situation irrégulière,
qu'une déclaration sur l'honneur.
ODSE C/o Sida Info Service, 190 Bd de Charonne, 75020 PARIS
http://www.odse.eu.org et e-mail : odse@lalune.org
Sont membres de l'ODSE : ACT UP Paris, AFVS (Association des
familles victimes de saturnisme), AIDES, ARCAT, CATRED (Collectif des
accidentés du travail, handicapés et retraités
pour l'égalité des droits), CIMADE, CNDP (Collectif nationale
contre la double peine), COMEDE (Comité médical pour les
exilés), FTCR, GISTI (Groupe d'information et de soutien des
immigrés), Médecins du Monde, MRAP (Mouvement contre le
racisme et pour l'amitié entre les peuples), PASTT (Prévention
action santé travail pour les transgenres), Sida Info Service,
Solidarité Sida.
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Dernière mise à jour :
1-04-2004 17:01
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