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COMMUNIQUÉ

Projet de loi sur la maîtrise de l'immigration :

La pénalisation des salariés étrangers dépourvus d'autorisation de travail

ou la remise en cause des fondements
du droit du travail au nom de la politique migratoire

Le projet
Les dispositions actuelles
Commentaires
En résumé

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Le projet

Dans le projet de loi « relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France » (réformant l'ordonnance du 2 novembre 1945 » relative aux conditions d'entrée et au séjour des étrangers en France »), l'assemblée nationale a adopté en 1ère lecture (amendement n° 390 du 09/07/03, voté sans débat) un article 14 bis (nouveau) proposé par la Commission des lois et accepté par le gouvernement. Cet article introduit une nouveauté : les salariés étrangers qui travaillent sans autorisation de travail (AT) peuvent être poursuivis et sanctionnés pénalement. Il est rédigé ainsi :

« L'article 20 de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rétabli :
« Art. 20 - La méconnaissance des dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail est punie de 3 750 € d'amende.
« Les étrangers coupables de cette infraction encourent également la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans au plus, dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. »

 

Les dispositions actuelles

En vertu de l' article L. 341-4 du code du travail, un étranger a l'obligation de détenir une autorisation de travail (AT) pour exercer une activité salariée.

Jusqu'à présent, le seul fait d'être démuni d'autorisation de travail n'entraîne aucune sanction pénale pour l'étranger ; et sur le plan civil, l'étranger sans AT bénéficie même d'une protection légale .

La protection du salarié étranger dépourvu d'autorisation de travail : la situation actuelle

- « L'étranger employé en violation des dispositions de l'alinéa premier de l'article L. 341-6 est assimilé, à compter de la date de son embauchage, à un travailleur régulièrement engagé en ce qui concerne les obligations de l'employeur relatives à la réglementation du travail définie au livre II du présent code et, pour les professions agricoles, aux articles 992 et suivants du code rural, ainsi qu'à la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise.

En ce qui concerne les avantages pécuniaires, cet étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite :

1º Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci conformément aux dispositions législatives ou réglementaires et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée ;

2º En cas de rupture de la relation de travail, a une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 122-3-4, L. 122-3-8, troisième alinéa, L. 122-8 et L. 122-9 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable ». (article L.341-6-1 du code du travail)

- l'article L. 341-6-2 prévoit la possibilité d'action en substitution, autrement dit la possibilité pour une organisation syndicale d'introduire un contentieux en vue de faire valoir les droits d'un étranger démuni d'AT sans mandat de celui-ci.

- la prise en charge accident du travail -prestations en nature et en espèces- est garantie indépendamment de la régularité de la relation de travail : les prestations versées donnent lieu à un remboursement intégral par l'employeur au titre de l'article L 471-1 du code de la sécurité sociale.

Le législateur (en particulier, la loi nº 81-941 du 17 octobre 1981 art. 1 JO du 20 octobre 1981) considère, en effet, que l'étranger interdit de travail est démuni de toute capacité de résistance face à un employeur tout puissant : le rapport des forces en présence est totalement déséquilibré. Ainsi, selon l'esprit du dispositif actuel, le salarié doit être regardé comme une victime et non un co-auteur de l'infraction (même s'il y a consenti) , tant au regard du droit du travail que du droit pénal.

Conformément tout d'abord au Code du travail, l'employeur (et éventuellement le donneur d'ordres solidairement responsable, en application de l'article L. 341-6-4) doit assumer seul les conséquences pécuniaires de la situation illégale d'emploi (paiement des salaires, indemnités de rupture...).

L'interdiction d'employer un salarié étranger dépourvu d'autorisation de travail : la situation actuelle

« Nul ne peut, directement ou par personne interposée, engager, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ». (article L.341-6 du code du travail)

Dans la même logique, le ou les dirigeants de l'entreprise concernée endossent l'entière responsabilité pénale de cette même situation et risquent une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende. De façon plus générale, la jurisprudence a toujours fait peser sur les chefs d'entreprise une responsabilité pénale dite de principe pour l'ensemble des infractions liées aux relations de travail. Pour la première fois, il y est frontalement porté atteinte. Rappelons qu'il est possible de poursuivre en même temps, pour le délit d'emploi d'étrangers non autorisés à travailler en France, les dirigeants, personnes physiques, et les sociétés, personnes morales.

En résumé, l'étranger sans AT n'est certes pas admis à exercer une activité professionnelle salariée mais s'il le fait il n'est pas pour autant passible de la loi pénale. Seul son employeur encourt des sanctions.

Les sanctions encourues par un employeur ayant embauché un salarié étranger dépourvu d'AT :
la situation actuelle

1) pour les personnes physiques

- peine principale

« Toute infraction aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 341-6 est punie de trois ans d'emprisonnement et de 4 500 € d'amende. L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés ». (Article L364-3 du code du travail)

- peines complémentaires

« 1º L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou par personne interposée l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, selon les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal ;
2º L'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
3º La confiscation des objets ayant servi, directement ou indirectement, à commettre l'infraction ou qui ont été utilisés à cette occasion à quelque personne qu'ils appartiennent dès lors que leur propriétaire ne pouvait en ignorer l'utilisation frauduleuse ainsi que des objets qui sont le produit de l'infraction et qui appartiennent au condamné.
4º L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
5º L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de la famille.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues à l'article L. 364-6 encourent en outre la fermeture des locaux ou établissements tenus ou exploités par elles et ayant servi à commettre les faits incriminés.
La peine complémentaire mentionnée au 4º ci-dessus est également encourue par les personnes physiques reconnues coupables de l'infraction prévue à l'article L. 364-4. 
» (Article L364-8 du code du travail).

- ITF pour l'employeur étranger

« L'interdiction du territoire français peut être prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-30 du code pénal, pour une durée de cinq ans au plus à l'encontre de tout étranger coupable des infractions définies aux articles L. 364-3, L. 364-5 et L. 364-6 ». (Article L364-9 du code du travail). Rappelons que l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 prévoit aussi que l'employeur étranger peut se voir retirer son titre de séjour.



2) pour les personnes morales

« 1º L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ; » soit 22 500 € (Article L364-10 du code du travail)
2º L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
3º Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;
4º La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
5º L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;
8º La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ;
9º L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication audiovisuelle
 ». (Articles L364-10 du code du travail et 131-39 du code pénal).

 

3) pour tous les employeurs

sanction administrative

« Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être intentées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6, premier alinéa sera tenu d'acquitter une contribution spéciale au bénéfice de l'office des migrations internationales. Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8 », soit 1.500 €. (article L.341-7 du code du travail)

Le projet de loi renforce les sanctions contre les employeurs mais surtout, voire exclusivement, lorsqu'ils sont étrangers :

1) L'article 19 bis (nouveau) du projet de loi crée un nouvel article 21 quinquies de l'ordonnance de 1945 prévoit que « Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier sera tenu d'acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ». Cette sanction vise les employeurs étrangers comme le montre sa place dans l'ordonnance de 1945 et comme le confirme explicitement le rapport sur le projet de loi du sénateur Courtois du 1er octobre 2003.

2) L'article 34 sexies (nouveau) du projet de loi accroît les peines principales encourues par un employeur ayant embauché un salarié étranger dépourvu d'AT. Les peines prévues par l'article L 364-3 du code du travail passeraient de trois à cinq ans et de 4500 à 10 000 euros. La commission es lois du sénat réunie le 1er octobre a proposé de passer cette amende à 15 000 euros. En cas de commission en bande organisée, les peines s'élèveraient à dix ans et 100 000 euros. L'amende serait appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. Les peines complémentaires sont également modifiées par l'article 34 sexies (nouveau) du projet de loi. Toutefois, c'est surtout lorsque l'employeur est étranger qu'elles seraient aggravées : l'interdiction du territoire français pourrait être de dix ans au plus ou définitive, au lieu de cinq ans au plus et une interdiction de séjour, peine qui n'existait pas auparavant, de cinq ans au plus pourra être prononcée

La finalité d'un tel dispositif est double : d'une part, il vise à garantir l'application de normes sociales minimales (ordre public social) et d'autre part, il a vocation à inciter à la dénonciation de la situation illégale d'emploi par le salarié (ou ex-salarié). C'est le même esprit qui anime le législateur lorsqu'il accorde aux salariés - Français et étrangers - employés illégalement (ex : non-délivrance de bulletins de salaire) ou participant à des activités non déclarées par l'employeur, une indemnité de rupture équivalant à au moins six mois de salaire.

Ce second objectif est toutefois contrarié par le fait qu'un étranger démuni d'autorisation de travail est parfois également démuni d'autorisation de séjour. Et, dans ce cas (et seulement dans ce cas), si l'absence de la première n'occasionne pas de sanction à son encontre, il en va différemment de la seconde. Concrètement donc, certains étrangers démunis d'AT hésiteront à faire valoir leurs droits devant le conseil de prud'hommes, sauf dans de rares occasions et s'ils sont suffisamment épaulés pour le faire, après un grave accident du travail ou après éloignement ou régularisation. Soulignons toutefois que le projet de loi vise l'ensemble des étrangers non autorisés à travailler, et pas seulement les sans-papiers.

Les sanctions encourues par un étranger non autorisé à séjourner en France

« I. - L'étranger qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles 5 et 6 ou qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée autorisée par son visa sera puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros (Article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945).

La juridiction pourra en outre interdire au condamné, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans, de pénétrer ou de séjourner sur le territoire français. L'interdiction du territoire emporte de plein droit reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement. (…) »

 

Commentaires

- La négation du rapport de forces défavorable au salarié

Le renvoi au seul article L. 341-4 (obligation d'AT pour un étranger) et non aux dispositions de l'article L. 341-6 (obligation d'embauche d'étranger avec AT) traduit clairement l'intention du législateur de s'émanciper de la logique « employeur-seul responsable ». L'article 14 bis vise en effet le seul salarié et pas du tout le chef d'entreprise ni ses éventuels donneurs d'ordre. Et si l'on en doutait encore, il suffit de se reporter aux propos du rapporteur Thierry Mariani qui donne pour raison d'être à son amendement la nécessité de punir le salarié qui, pense-t-il, tire également bénéfice d'une situation de d'emploi illégale. C'est toute la logique sur laquelle repose le code du travail qui se voit mise en cause ; c'est le rapport de domination inhérent à la relation de travail qui se voit nié ; c'est la réalité concrète du monde du travail qui est ignorée ; c'est l'obsession d'« équilibre » imprégnant l'exposé des motifs et les débats de ce projet de loi qui s'exprime : « il convient d'agir tant du côté des employés que du côté des employeurs ». Cette négation de ce qui est au fondement du droit du travail porte en germe de futures remises en cause du droit du travail, au delà des seuls étrangers.

- Une sanction contre tous les étrangers dépourvus d'AT et pas seulement les sans papiers

Le nouveau délit ne concerne pas seulement les sans-papiers, dépourvus d'autorisation de travail et de séjour, mais aussi d'autres catégories d'étrangers autorisés à séjourner mais non à exercer une activité salariée : les demandeurs d'asile, qui ne sont plus autorisés à travailler depuis 1991, les étudiants non autorisés à travailler au delà d'un certain contingent d'heures, les étrangers titulaires d'un titre de séjour avec la mention « commerçant » qui ne peuvent exercer une activité salariée, les titulaires d'une APS (autorisation provisoire de séjour), etc. Il est à craindre, entre autres, que pratiquement cette mesure se traduise par une nouvelle manière de retirer aux réfugiés la possibilité d'exercer leur droit d'asile. Que deviendra en effet la demande d'asile en cours d'instruction si le travailleur est interdit du territoire ? Quant aux autres - étudiants, commerçants...-, ils perdront automatiquement leur statut, sans disposer d'aucun recours effectif.

- Un dispositif inefficace pour lutter contre le travail

On peut supposer que des poursuites contre un salarié étranger sur la base de ce nouvel article 20 de l'ordonnance de 1945 devraient entraîner des poursuites automatiques de l'employeur (et des autres acteurs impliqués directement ou non). Or nul ne saurait contester qu'il est plus aisé d'identifier un salarié qu'un employeur, eu égard notamment aux pratiques de sous-traitance en cascade nourrissant l'opacité des responsabilités et à la complaisance dont jouit l'emploi illégal. Quelle sera alors l'efficacité de la lutte contre le travail illégal si elle ne s'exprime qu'à travers des condamnations de salariés ?

- Une discrimination flagrante

Comme l'avoue clairement la rédaction du second alinéa (« Les étrangers passibles de cette infraction… »), ce n'est pas l'emploi illégal qui est visé comme tel, mais les étrangers qui s'y prêtent, et seulement ceux-là. Il s'agit donc d'une peine discriminatoire parce que spécifique aux étrangers, seuls concernés par le système de l'AT. Même si un jour la loi pénalisait à leur tour les salariés français non déclarés, pour autant ceux-ci ne seraient pas passibles d'une interdiction de territoire. Curieusement, cette nouvelle et grave discrimination est d'ailleurs introduite dans la loi au moment où le gouvernement tente de faire croire qu'il remet en cause le principe des peines de bannissement du territoire.

- L'ère du tout répressif… mais seulement pour les faibles

A l'instar des dispositions de la loi sur la sécurité intérieure (LSI) mettant en avant le « racolage passif » de la prostituée, le législateur de 2003 transforme une victime en auteur d'infraction. Plutôt que de chercher à repérer et à résoudre cette forme illégale d'emploi, le législateur punit, précarise, et s'en prend à la partie la plus faible.

Par ailleurs, on ne peut passer sous silence le fait que la pénalisation des salariés étrangers pourrait permettre d'améliorer les statistiques policières. En effet, un contrôle ne donnerait plus lieu à l'établissement d'une seule infraction - celle commise par le chef d'entreprise, jusqu'alors unique délinquant - mais à autant d'infractions qu'il y a de salariés sans autorisation de travail.

- Une difficile compatibilité avec les dispositions protectrices en vigueur

Certes les recours contre les employeurs sur la base des articles L. 341-6 et suivants du Code du travail effectivement initiés par des étrangers démunis d'AT (ou organisations syndicales ou associations) sont rares, malgré l'existence d'un dispositif qui se veut incitatif et protecteur pour ces étrangers… mais qui ne l'est sans aucun doute pas assez et qui reste méconnu des intéressés. Mais plutôt que d'améliorer le dispositif actuellement insuffisant, le projet effectue un véritable recul. On voit d'ailleurs mal comment l'un et l'autre vont coexister. Comment en effet concevoir que l'étranger sans AT soit d'un côté condamné à une amende et à une ITF et, d'un autre côté, pour un même fait générateur, bénéficiaire d'indemnités compensatoires et réparatrices ? Les deux logiques sont contradictoires. Il va de soi que la création d'une telle peine à l'encontre du salarié sans AT emportera son renoncement à se retourner contre son employeur et à réclamer ses droits sociaux (protection en cas d'accident du travail, indemnités forfaitaires de licenciement, etc.).

- L'inspection du travail, nouvelle police de l'immigration

La pénalisation des salariés étrangers rompt avec la logique de protection des salariés qui caractérise le droit du travail. Mais une entorse supplémentaire est apportée à l'esprit du Code du travail par la dénaturation des missions des services de contrôle du travail (art. 34, septies, octies, nonies du projet de loi). L'inspection du travail se voit en effet dotée de pouvoirs jusqu'alors réservés aux forces de l'ordre. Les inspecteurs du travail pourront désormais contrôler l'identité et le titre de séjour des étrangers (Art. 34 nonies du projet de loi modifiant l'article L. 611-8 du Code du travail). Ils devront également constater l'infraction commise par le salarié étranger démuni d'autorisation de travail. L'extension de leurs attributions ne s'arrête pas là : les inspecteurs seront en charge également de relever les infractions liés au séjour irrégulier et à l'entrée irrégulière, sans qu'un lien quelconque avec le travail soit nécessaire (Art. 34 septies du projet de loi modifiant l'article L. 611-1 du Code du travail). Un tel dispositif vient donc ébranler les bases d'une des pièces maîtresses du contrôle des employeurs - l'inspection du travail.

- Les formes illégales d'emploi ont de beaux jours devant elles…

Une telle mesure a inévitablement pour effet, sinon pour but, de renforcer la position de l'employeur qui a recours à une forme illégale d'emploi, dont l'emploi d'étranger non autorisé à travailler en France constitue seulement une facette. Elle supprime les maigres possibilités de résistance et de défense de l'étranger et l'enferme dans l'illégalité. La soumission du salarié étranger sans AT à l'égard de son employeur en ressort accentuée. Et plutôt que de contribuer à juguler l'embauche d'étrangers sans AT, l'article 14 bis renforcera plutôt son développement !

- Poussée jusqu'au bout, cette logique (policière) menace tous les salariés

Selon le rapporteur Thierry Mariani, « cette proposition permettra de renforcer la lutte contre le travail dissimulé alimenté par l'immigration clandestine qui constitue un véritable fléau ». Soit il pratique l'amalgame emploi dissimulé/ emploi d'étrangers sans AT, soit il entend lutter contre l'emploi illégal dans toutes ses formes et dans toute son ampleur. Or on sait, d'après les procès verbaux d'infractions constatées, que, même compte tenu de l'imperfection de telles statistiques, les formes illégales d'emploi et les trafics de main-d'œuvre concernent majoritairement des Français. Donc, s'il veut être cohérent , le législateur devra prévoir la condamnation de tous les salariés impliqués dans l'une de ces situations interdites qui, outre qu'ils seront privés, au minimum, de leurs droits en matière de maladie, de vieillesse et de chômage, devront s'acquitter d'amendes substantielles pour avoir contribué à l'économie illégale « au même titre » que leur employeur.

Mais, en réalité, le projet de loi se désintéresse de la relation de travail et n'entend pas lutter contre les formes illégales d'emploi. Il traite la question des travailleurs étrangers non autorisés à exercer une activité salariée en France comme un élément de la politique migratoire. Preuve en est : l'article prévoyant la pénalisation s'inscrit dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, et non dans le Code du travail, censé rassembler toutes les règles et les interdictions en matière salariale.

 

En résumé

Par cette nouvelle mesure, on cherche simultanément :

  • à mettre en cause l'esprit du code du travail, conçu pour protéger le salarié qui serait mis au service de la politique migratoire ;

  • selon un amalgame devenu classique, à attirer l'attention de l'opinion sur la responsabilité qu'auraient les étrangers dans le développement de l'emploi dissimulé ;

  • à pénaliser les victimes de ce système ;

  • à inciter les inspections du travail à accomplir des tâches répressives éloignées de leurs missions naturelles ;

  • et enfin à fragiliser encore un peu plus les travailleurs étrangers présents sur notre territoire, en faisant planer une épée de Damoclès sur tous ceux (y compris les étudiants, les demandeurs d'asile, etc.) qui chercheraient à travailler pour subvenir à leurs besoins.

Paris, le 6 octobre 2003

 


 

Vous pouvez téléchargez cet exposé dans une version adaptée à l'impression (4 pages / A4, format pdf, 146 ko)

 

Dans la presse :

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Dernière mise à jour : 13-10-2003 15:52 .
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/actions/2003/regroupement/index.html


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