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COMMUNIQUÉ
Danger, réfugiés !
Comment l'Europe se sanctuarise
en créant des camps
hors de ses frontières
04/06/2003 Le
Parlement s'apprête à voter une réforme de l'asile
qui inaugurerait la notion d'« asile interne »
- c'est-à-dire la possibilité de refuser d'accueillir
un demandeur d'asile si dans le pays qu'il fuit, même loin de
chez lui, se trouve une zone où il pourrait être à
l'abri. Cette introduction de la notion d'asile interne n'est en fait
que la partie (française) émergée, d'un iceberg
européen, qui vise à remettre fondamentalement en cause
la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés.
Les quinze États membres de l'Union européenne envisagent
en effet de mettre en place un programme d'« externalisation »
de l'asile, qui pourrait être discuté au Conseil européen
de Thessalonique à la fin du mois de juin 2003. Le principe,
conçu pour « mieux gérer le dispositif d'asile
en Europe » (comprenez : pour éviter d'avoir à
accueillir trop de demandeurs d'asile), est simple et comprend deux
volets :
- instauration de « zones de protection régionale »
(par exemple l'Iran, la Somalie, les États des Balkans ou la
Turquie
), qui se trouveraient au plus près des pays de
départ des populations contraintes à l'exil - parmi
lesquelles d'éventuels candidats à l'asile. L'idée
est de les empêcher de poursuivre leur route jusqu'à
l'intérieur de l'Union, en leur assurant une « sécurité »
sur place.
L'histoire, avec Srebrenica par exemple, nous a appris ce qu'il en
était parfois de ces garanties internationales de protection
- création, dans ces zones ou dans d'autres pays non membres
de l'Union européenne (on a parlé de l'Albanie, de l'Ukraine,
du Maroc
), de « centres de transit » où
seraient déportés et maintenus, le temps d'instruire
leur requête, les étrangers qui, ayant pénétré
dans l'un des pays de l'Union, demandent l'asile. Ces centres pourraient
être gérés par des organisations internationales,
sous le contrôle du Haut Commissariat des Nations unies pour
les réfugiés (HCR). C'est seulement dans le cas où
ils seraient reconnus réfugiés qu'ils pourraient revenir
en Europe.
Selon Tony Blair, initiateur du projet, ce système permettra
de répartir plus équitablement la « charge »
que représentent les demandeurs d'asile dans les pays susceptibles
de leur offrir une protection, et de dissuader « les faux
demandeurs d'asile » en les empêchant de rester en
Europe. Nicolas Sarkozy a récemment fait connaître son
intérêt pour cette perspective. L'Espagne et l'Italie sont
enthousiasmés par cette nouvelle façon d'envisager l'asile.
Le HCR, lui aussi, s'est dit favorable à la mise en place de
solutions permettant une « meilleure répartition
des responsabilités et de la "charge" que représentent
les demandeurs d'asile » entre les pays de l'Union européenne,
et approuve la création de camps fermés pour placer, hors
d'Europe, les personnes qui utilisent « manifestement »
la procédure d'asile pour contourner les lois sur l'immigration.
Tout pourrait dès lors aller très vite : une phase d'expérimentation,
pour le démarrage de projets pilotes avant la fin de l'année
2003, risque d'être lancée au mois de juin. Jusqu'à
ce que la Commission européenne rende, le 3 juin, un rapport
dans lequel elle exprime des réserves par rapport à la
proposition britannique, aucune communication officielle sur la délocalisation
de l'asile que l'Union est en train de décider n'était
disponible. Ni le Parlement européen, ni les parlements nationaux
n'ont été appelés à se prononcer sur ces
projets de création de camps pour demandeurs d'asile. En France,
au moment même où l'Assemblée nationale débat
du projet de réforme de la loi sur l'asile, le gouvernement mène
des discussions avec ses partenaires européens sans aucune information
du public ni des associations concernées. La presse n'en a pas
fait état.
Or la sanctuarisation de l'Union européenne qui se dessine ainsi
a pour objet et aura pour effet de neutraliser l'application de la Convention
de Genève. Car si celle-ci ne fait pas obligation aux États
d'accueillir les demandeurs d'asile, elle n'en pose pas moins un principe
de non-refoulement. Et un système qui consiste à éloigner
d'emblée les réfugiés du pays où ils ont
présenté leur requête, et à les enfermer
dans un centre de transit à des milliers de kilomètres
est, à l'évidence, en totale contradiction avec l'esprit
de Genève !
Pourquoi ne pas imaginer ensuite que l'Union charge, moyennant finances,
des États tiers de garder chez eux ceux à qui elle aurait
finalement reconnu le statut de réfugié, et ne les fasse
entrer qu'en fonction de ses besoins de main d'uvre ?
Petit à petit, dans le cadre d'une confidentialité aussi
peu démocratique que possible, l'Europe place des persécutés
en quarantaine exactement comme s'il s'agissait de pestiférés.
Paris, le 4 juin 2003
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Dernière mise à jour :
4-06-2003 22:19
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Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2003/asile/danger.html
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