ACTIONS COLLECTIVES
ODSE (Observatoire
du Droit à la Santé des Étrangers)
Il faut préserver la santé
des plus précaires en France
Lettre ouverte aux Parlementaires
Madame, Monsieur le Parlementaire,
Le Parlement a voté en décembre 2002, dans la loi de
finances rectificative 2002, les premiers éléments du
démembrement de l'accès aux soins des plus précaires
en France, les bénéficiaires de l'Aide Médicale
État. Il n'y a pas eu d'effet négatif pour l'instant car
la très forte mobilisation des acteurs de soins et des associations
a permis le blocage des mesures qui devaient être déclinées
par un décret.
Aujourd'hui, nous lisons dans le projet de loi de finances 2004, la
reprise annoncée par le gouvernement de ces mesures et l'ajout
d'autres restrictions.
Il s'agit :
-
de concrétiser la mise en place du ticket modérateur,
véritable ticket d'exclusion quand on doit compter chaque
euro pour survivre au quotidien
-
de ne plus prendre en compte que certains soins « médicalement
indispensables » : y aurait-il plusieurs catégories
d'êtres humains ? ceux pour qui un problème dermatologique
est médicalement indispensable (tout le monde) et les autres
(les sans papiers ) ?
Nous vous demandons instamment de lire ci-dessous pourquoi il ne faut
pas continuer dans cette voie.
1. De qui parle-t-on ?
Selon les chiffres publiés par l'IGAS : entre 153 000 et 170
000 personnes soit 0,26 % à 0.29 % de la population
vivant en France.
Ces personnes n'ont pas de papiers, pas droit au travail, pas de ressources
financières (en tout état de cause, moins de 566 euros
mensuels).
Elles ne demandent l'AME que lorsqu'elles ont besoin de soins, le plus
souvent très tard, parfois trop tard pour qu'on puisse les sauver.
C'est la raison pour laquelle, on ne peut comparer leur consommation
moyenne de soins avec d'autres assurés sociaux pas même
les bénéficiaires de la CMU qui ont plus souvent une couverture
même en absence de nécessité de soins.
2. De quels coûts parle-t-on ?
Selon le gouvernement début octobre 2003 : 600 millions d'euros
annuels ; selon Monsieur Fillon mi-octobre, 700 millions.
D'où viennent ces chiffres ? Les experts des ministères
avouent qu'ils ne savent pas trop. Les chiffres établis par l'Igas
sont de leur aveu même peu fiables. Les inspecteurs ont donc dû
procéder à des projections basées sur des courbes
d'évolution sans posséder de bases précises et
récentes de recueil des coûts. En tout état de cause,
le chiffre de 600 millions comporte en année pleine près
de 50 % de dépenses effectuées les années
précédentes.
D'autres éléments viennent s'ajouter dans ces 600 millions
qui ne concernent pas les personnes qui relèvent normalement
de l'AME :
-
Les demandeurs d'asile sont bien souvent renvoyés vers
l'AME au lieu de la CMU : cela ne change rien au coût de la
prise en charge de leurs soins pour les comptes de la Nation puisque
les 2 dispositifs sont financés à 100 % ;
-
Les interruptions de grossesse anonymes et les naissances sous
X seraient aussi imputées en AME puisque c'est le seul moyen
pour les hôpitaux d'obtenir le remboursement ;
-
Les personnalités étrangères accueillies
par le corps diplomatique français et soignées en
France bénéficient de l'aide médicale humanitaire,
payée elle aussi par le dispositif AME.
3. De quel dérapage parle-t-on ?
Rappelons que fin 2002, les parlementaires s'indignaient à raison
que les gouvernements précédents aient minimisé
le coût de l'AME en ne prévoyant que 40 millions d'euros,
ce qui a conduit à la nécessité de rattraper les
budgets antérieurs.
Les bénéficiaires de l'AME ne sont pour rien dans la timidité
gouvernementale. Rappelons que l'AME est une couverture à 100 %
et qu'on ne peut donc pas sérieusement comparer les dépenses
avec un autre système qui prend en charge environ 65 % des
coûts (le régime général) ou la CMU dont
les dépenses sont comptabilisées le plus souvent sous
la seule partie complémentaire soit 35 % des coûts.
L'Igas toujours prévoie une stabilisation du nombre de bénéficiaires
pour 2003.
Par ailleurs, on a constaté qu'il n'y avait aucun dérapage
pour la CMU : bien au contraire, il manque environ 1,5 millions de bénéficiaires
potentiels qui ne l'ont toujours pas. Qui cela inquiète t'il
? N'est-ce pas là le vrai dérapage quand une protection
maladie n'est pas même sollicitée par ceux qui y ont droit
!
Peut-on vraiment parler de dérapages pour des dépenses
qui seraient de toutes façons prises en charge par la collectivité,
mais via les « impayés » hospitaliers au
lieu de la presque transparence de l'AME : en effet, aucun soignant
ne pourrait accepter de laisser un patient non soigné sous prétexte
de sa couverture maladie.
D'autant plus qu'il est connu et prouvé que le retard dans la
prise en charge des soins est générateur de surcoûts
importants financiers (hospitalisation au lieu de traitements ambulatoires,
plus longues durées d'hospitalisation, traitements plus importants)
mais aussi humains puisqu'il faut supporter la douleur.
Tant que les coûts réels de l'AME ne seront pas connus,
parler de dérapage relève de l'illusionnisme politicien.
4. Trois raisons fondamentales pour renforcer l'accès aux soins
des sans papiers
a) pour faire des économies réelles :
Nous l'avons vu plus haut : renforcer l'accès à la prévention
et aux soins précoces permet de véritables économies
au bout du compte. Les études actuelles sur la CMU le prouvent.
b) pour des raisons de santé publique
Améliorer et faciliter la prise en charge sanitaire des plus
précaires est une nécessité de santé publique
puisque toutes les études (Haut Conseil de Santé Publique,
Inserm, Credes) prouvent que les inégalités de santé
reflètent avant tout des inégalités sociales (différence
d'espérance de vie de 9 ans). Que se passerait-il si une épidémie
type SRAS se répandait et que les plus précaires ne puissent
avoir accès aux structures de dépistage, de prévention
et de prise en charge sanitaire ?
C'est aussi le sens du serment d'Hypocrate et l'ensemble des professionnels
de santé le défend. Une fois de plus, aucun médecin
ne voudra refuser de soigner un patient sous prétexte de son
dossier administratif.
c) pour des raisons de droits fondamentaux des êtres humains
En pénalisant les plus fragiles, ces mesures tendent à
les écarter un peu plus de notre système de santé,
à repousser en dehors de la société des femmes,
des hommes et des enfants qui ne demandent qu'à vivre dignement.
En s'attaquant aux pauvres et non à la pauvreté, l'État
les pénalise pour une carence qui est d'abord la sienne.
Améliorez, facilitez l'accès à la couverture maladie
des plus précaires en fondant l'AME dans la CMU. Voici une décision
politiquement responsable.
Mercredi 5 novembre 2003
Associations signataires : Act Up-Paris,
AFVS, Aides, Arcat, Cimade, Comede, Gisti, Catred, Médecins du
Monde, Mrap, Solidarité Sida.
Site web de l'ODSE
Dernière mise à jour :
7-11-2003 10:46
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Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2003/ame/odse.html
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