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Rapport du HCR
sur la politique française
en matière d'asile
Ce document a pour objet de présenter les principales préoccupations
du HCR concernant l'accès à la procédure de détermination
du statut de réfugié ainsi que la procédure elle-même.
Il répertorie de façon non exhaustive
les aspects de la procédure qui pourraient faire l'objet de modifications
et d'améliorations. Il ne s'attachera donc pas à la description
des avantages et garanties offerts par la procédure française.
Le départ du pays d'origine et l'accès au territoire
du pays d'asile constituent une préoccupation majeure et croissante
du HCR. Les réfugiés sont désormais souvent contraints
d'utiliser des filières.
- Les sanctions contre les transporteurs accroissent les difficultés
d'accès au territoire. Leur renforcement est actuellement envisagé.
L'exonération prévue lorsque la demande n'est pas manifestement
infondée ne suffit pas à sauvegarder l'intérêt
des réfugiés.
- Développer les visas au titre de l'asile pourrait permettre
de répondre en partie à cette préoccupation et
d'affaiblir l'emprise des filières.
L'accès au territoire est également limité
par la possibilité de détenir les demandeurs d'asile en
zone d'attente. Ceux dont la demande n'est pas manifestement infondée
pourront entrer sur le territoire. Le HCR s'inquiète du manque
de garanties légales offertes et des pratiques qui s'y développent.
- Les difficultés et les refus d'enregistrement des demandes
d'asile à la frontière sont de plus en plus fréquemment
constatés par le HCR. Ces pratiques semblent même actuellement
souvent précédées d'une tentative de réacheminement.
Or, la garantie du principe du non-refoulement en zone d'attente est
primordiale
- La notion de demande manifestement infondée fait l'objet
d'interprétations divergentes. Les autorités chargées
de l'appliquer en viennent éventuellement à faire de
la prédétermination du statut de réfugié
et à se substituer ainsi à l'OFPRA.
- Les demandeurs d'asile manquent d'informations sur la procédure
dont ils font l'objet et les droits dont ils bénéficient.
Les efforts déjà effectués dans ce domaine (affichage
d'un règlement intérieur, etc.) doivent être renforcés.
Une notice d'information expliquant en termes simples la procédure
pourrait contribuer à l'amélioration nécessaire.
Elle devrait pour cela être remise individuellement aux demandeurs
et traduite dans une langue qu'ils comprennent.
- Les demandeurs d'asile ne disposent pas d'un conseil juridique
leur permettant l'exercice effectif de tous leurs droits. Telle qu'organisée
actuellement, l'aide juridictionnelle ne remplit pas cette fonction.
- La qualité du service d'interprétariat offert aux
demandeurs d'asile est très inégale. La formation et
la neutralité des interprètes doivent être renforcées.
- Les demandeurs d'asile n'ont pas accès à leur dossier
de demande d'asile à la frontière. Il s'agit d'une garantie
essentielle du droit de la défense. L'avis du ministère
des Affaires étrangères ne leur est, par exemple, pas
communiqué. Dans de nombreux cas, même la décision
motivée du ministère de l'Intérieur ne leur est
pas non plus remise. L'une des conséquences est alors l'ineffectivité
du recours possible devant le tribunal administratif contre la décision
de refus d'entrée.
- Le recours contre la décision déclarant une demande
d'asile manifestement infondée n'est pas suspensif. Il s'agit
pourtant d'une garantie procédurale essentielle. Les conséquences
directes de ladite décision ainsi que la tendance déjà
mentionnée à prédéterminer le statut de
réfugié rendent encore plus impérative cette
nécessité.
- Le droit des demandeurs d'asile à débarquer des navires
sur lesquels ils sont consignés pour être maintenus
en zone d'attente doit être systématiquement reconnu.
- La présence permanente d'une ONG en zone d'attente se révèle
une nécessité au vu, notamment, des considérations
qui précèdent.
Les préfectures aiguillent les demandeurs d'asile entre les
différentes procédures (statut de réfugié,
statut d'apatride, asile territorial, régularisation...) et décident
du caractère (ordinaire ou prioritaire) de celles-ci. Elles jouent
donc un rôle déterminant. La multiplication des difficultés
constatées à ce stade préoccupe le HCR.
- Les préfectures tendent à développer leurs
propres pratiques sans toujours tenir compte des spécificités
du domaine de l'asile ainsi que des exigences légales et réglementaires.
Il en résulte, en outre, une inégalité de traitement
des demandeurs d'asile d'un département à l'autre. L'uniformisation
dans le respect du droit d'asile des pratiques
préfectorales est essentielle.
- Le manque de moyens de certaines préfectures est patent.
Il en résulte un allongement conséquent de la durée
des procédures. Il faut, par exemple, et indépendamment
de la procédure « Dublin » de détermination
de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, près
de six mois dans certains départements pour obtenir la première
autorisation provisoire de séjour permettant de saisir l'OFPRA.
- Les demandeurs d'asile manquent d'informations à ce stade.
Des erreurs d'orientation importantes en découlent (par exemple
entre le statut de réfugié et l'asile territorial) ainsi
que des difficultés à faire valoir leurs droits.
- Pour demander la reconnaissance du statut de réfugié,
les demandeurs doivent posséder une domiciliation. Ce service
n'est pas assuré par l'État et laissé à
la diligence des ONG. Les possibilités offertes aux demandeurs
varient ainsi d'un département à l'autre. Dans certains
d'entre-eux, les préfectures ne reconnaissent que les domiciliations
de certaines ONG. Enfin, le manque de moyens entraîne des délais
d'attente qui allongent encore la durée de la procédure.
En application de la Convention de Dublin, les demandeurs d'asile
ne peuvent saisir l'OFPRA que si leur demande relève de la responsabilité
de l'État français et non d'un autre pays de l'Union européenne.
La procédure de détermination de l'État responsable
peut durer jusqu'à neuf mois. La durée de la procédure
d'asile s'en trouve d'autant rallongée.
- Les personnes dans l'attente d'une décision sur l'État
responsable ne disposent d'aucun statut légal. Elles rencontrent
de ce fait et en outre des problèmes d'hébergement et
de subsistance extrêmement préoccupants.
- Le recours contre la décision de détermination de
l'État responsable n'est pas suspensif. Cette garantie serait
d'autant plus nécessaire qu'il peut en découler par
application successive de certains accords bilatéraux de réadmission
conclus par des États parties à la Convention de Dublin
des refoulements indirects.
Les procédures prioritaires sont appliquées aux demandeurs
qui constituent une menace grave pour l'ordre public ou pour lesquels
le caractère non fondé de la demande est présumé.
Les personnes concernées sont privées de certains droits
dont celui au séjour et garanties procédurales.
- Sont notamment placés en procédure prioritaire les
ressortissants d'un pays auquel a été appliquée
la clause de cessation de l'article 1C5 de la Convention de Genève.
Cette clause n'a pourtant vocation à s'appliquer qu'aux réfugiés
reconnus et non aux demandeurs d'asile. En outre, le principe de non-discrimination
énoncé à l'article 3 de la Convention de
Genève doit régir la procédure d'asile.
- Sont également susceptibles de faire l'objet de ces procédures
ceux dont la demande est considérée comme frauduleuse,
abusive ou dilatoire. L'interprétation trop extensive de ces
notions par certaines préfectures préoccupe le HCR.
- Les demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire
ne disposent pas d'un recours suspensif contre les décisions
de rejet de l'OFPRA. L'instauration d'un tel recours dans
le cadre d'une procédure accélérée
permettrait d'éviter les risques de détournement de
procédures tout en préservant les garanties fondamentales,
dont le principe de non-refoulement.
La procédure de reconnaissance du statut de réfugié
souffre de l'absence de certaines garanties procédurales. Le
manque de moyens a été souvent invoqué pour justifier
ces insuffisances. Les crédits supplémentaires récemment
alloués à l'OFPRA permettent donc d'espérer une
amélioration de la situation mais ne pourront pallier à
certaines lacunes.
- Seuls 37 % des demandeurs ont bénéficié
en 1999 d'un entretien. Il s'agit pourtant d'un droit essentiel dont
ils devraient tous jouir. En outre, la qualité des décisions
rendues par l'OFPRA en dépend.
- Le compte-rendu d'entretien est dressé unilatéralement
par l'OFPRA. Il devrait pouvoir être lu et modifié par
le demandeur. À cette fin, il devrait être traduit dans
une langue comprise par ce dernier.
- Les demandeurs devraient avoir la possibilité d'être
assistés par une personne de leur choix pendant l'entretien,
dont un avocat.
- Les frais de transport pour se rendre aux convocations de l'OFPRA
sont à la charge des demandeurs. Pour cette raison, certains
d'entre eux ne peuvent répondre aux convocations de l'Office.
- Les motivations des décisions de l'OFPRA devraient faire
apparaître de façon plus explicite et personnalisée
les raisons qui ont conduit à rejeter la demande.
- La durée de la procédure au stade de l'OFPRA est
préoccupante dans de nombreux cas (en raison des fortes disparités
entre les nationalités, la moyenne statistique de traitement
n'est pas révélatrice).
- L'allocation d'insertion est accordée pour une période
maximale d'un an. Lorsque la durée de la procédure excède
ce délai, une solution devrait être offerte aux demandeurs
pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins, soit par la
prolongation de l'allocation, soit par un accès effectif au
marché du travail.
Il s'agit de la phase juridictionnelle de la procédure. Celle-ci
est contradictoire et publique. Tous les demandeurs peuvent être
entendus. Des améliorations restent possibles.
- La CRR, suivant en cela le Conseil d'État, interprète
l'article 1er de la Convention de Genève comme ne s'appliquant
qu'aux persécutions émanant des autorités publiques
ou tolérées volontairement par elles. Ces dernières
années, la CRR a interprété de manière
toujours plus large la notion de tolérance volontaire. Ces
évolutions doivent être encouragées et poursuivies
afin que le critère de l'absence de protection nationale contre
la persécution se substitue à celui de l'agent de persécution.
- La très grande majorité des demandeurs d'asile ne
peut bénéficier de l'aide juridictionnelle devant la
CRR en raison de leur entrée irrégulière. Cette
condition est inadaptée au contentieux en cause.
- Les demandeurs sont peu, voire mal, informés de la procédure
et de leurs droits (par exemple de la possibilité de demander
le huis clos de l'audience) et obligations.
- Comme pour les convocations de l'OFPRA, les fais de transport pour
se rendre aux audiences de la CRR sont à la charge des demandeurs.
Certains d'entre eux ne peuvent, pour cette raison, se rendre à
l'audience de la CRR.
- Le système d'interprétariat et de traduction
nécessite encore des améliorations (par exemple concernant
la prise en charge des frais de traduction des documents, la traduction
au demandeur du rapport lu à l'audience sur son cas, etc.).
Un nombre croissant de demandeurs d'asile sollicite la protection
de la France dans les DOM/TOM. Notamment du fait de l'éloignement,
ils rencontrent des difficultés spécifiques supplémentaires
par comparaison avec la métropole.
- Les demandeurs d'asile doivent pouvoir bénéficier
des mêmes garanties qu'en métropole. Il est essentiel
qu'ils puissent être entendus par les organes chargés
de la détermination de leur statut. Des modalités doivent
être mises en place à cette fin.
- Il apparaît que la procédure prioritaire est utilisée
dans certains cas pour éviter que les demandeurs d'asile ne
se rendent en métropole.
La législation et la réglementation françaises
ne tiennent pas suffisamment compte de la spécificité
des mineurs isolés demandeurs d'asile. Leur nombre est croissant
et une amélioration substantielle de la situation laquelle
nécessite une approche globale s'impose.
- Les mineurs demandeurs d'asile ne devraient pas faire l'objet d'une
détention en zone d'attente. Ils devraient avoir un accès
systématique au territoire, à la procédure et
à des structures d'accueil spécifiques.
- Un représentant légal, compétent en matière
d'asile et veillant à l'intérêt supérieur
du mineur, devrait être systématiquement désigné
dès l'arrivée de ce dernier sur le territoire.
- Les personnes susceptibles de prendre des décisions concernant
des mineurs isolés demandeurs d'asile (représentant
légal compris) doivent bénéficier d'une formation
spécifique.
- La demande de reconnaissance de la qualité de réfugié
des mineurs isolés devrait être traitée dans des
délais raisonnables par l'OFPRA, compte tenu notamment de leur
particulière vulnérabilité.
- Les critères de détermination de l'âge ne devraient
plus reposer sur des fondements scientifiquement contestés,
lesquels sont en outre et en tout état de cause incomplets.
Par ailleurs, une contre-expertise devrait être possible à
la demande du représentant légal ou de l'intéressé
lui-même.
- La famille du mineur isolé devrait être recherchée
sur une base systématique et dans les meilleurs délais.
- Lorsque le retour dans le pays d'origine apparaît comme étant
dans l'intérêt supérieur du mineur, il doit être
envisagé dans le cadre d'un programme de retour permettant
de garantir sa sécurité.
- Il apparaît nécessaire d'établir un fichier
centralisé des mineurs isolés permettant leur enregistrement
et leur identification (notamment pour faciliter la lutte contre certains
trafics).
UNHCR Paris
19/12/2000
Dernière mise à jour :
18-03-2001 12:22.
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