DOUBLE PEINE
Lettre à la CIMADE sur la campagne
contre la double peine
28/09/2001 La CIMADE a pris l'initiative
d'une « campagne nationale contre la double peine » et a invité
les associations à y participer. Le Gisti qui a toujours été sensible
à cette question s'est rendu aux premières réunions et a pris connaissance
des revendications de la campagne ainsi initiée. Toutefois, celles-ci
ne sauraient emporter notre adhésion dans la mesure où le principe même
de la double peine n'est pas remis en cause. Il est demandé principalement
que les catégories dites protégées - « dont l'essentiel de
la vie est en France » - ne puissent plus faire l'objet d'un
éloignement forcé. Cette approche minimaliste de la question de la double
peine ne pouvant être renégociée, le Gisti a pris la décision de ne
pas s'associer à la campagne. Par lettre datée du 19 juillet 2001,
il en explique les raisons à la CIMADE.
Monsieur Jean Marc DUPEUX
CIMADE
176 rue de GRENELLE
75007 PARIS
Paris, le jeudi 19 juillet 2001
Campagne double peine
Chers amis,
Le Gisti a toujours été sensible à la question
de la double peine, dénonçant le phénomène
notamment à travers ses différentes publications (v. la
revue Plein
droit). Aussi nous ne pouvons que nous réjouir de l'initiative
prise par la CIMADE sur le sujet.
La question est de savoir si les revendications base de
la campagne initiée peuvent être partagées
par notre association.
Dans le document de travail, nous demandons donc :
-
la modification de l'article 24 de l'ordonnance du 2 novembre
1945, en ce que l'avis de la COMEX devrait lier le Ministère
de l'Intérieur ou la Préfecture (ce qui n'est pas
le cas actuellement ) ;
-
la modification de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre
1945, en ce qu'il serait impossible pour le Ministre de l'Intérieur
ou le Préfet de prononcer l'expulsion contre trois catégories
d'étrangers (les mineurs, les étrangers arrivés
avant l'âge de 10 ans et les malades atteints d'une pathologie
grave), actuellement seuls sont protégés de l'expulsion
prévue à l'article 26 nécessité
impérieuse pour la sécurité publique ou la
sûreté de l'État les mineurs ;
- la modification de l'article 131-10 du Code pénal par
un retour aux catégories protégées (aujourd'hui
il est possible de prononcer une interdiction du territoire français
contre ces catégories par décision spécialement
motivée).
Le Gisti ne peut en l'état de ces revendications s'associer
à la campagne. En le faisant, il agirait en contradiction avec
des positions déjà prises antérieurement. Il a
en effet clairement montré son opposition radicale à la
double peine.
En effet, concernant l'interdiction du territoire français (ITF),
le Gisti estime que le juge pénal ne doit pas avoir la possibilité
de prononcer à l'égard de l'étranger qui a commis
une infraction de droit commun ou non une ITF.
Étrangers et Français doivent strictement encourir les
mêmes peines complémentaires, sous peine de rompre le principe
d'égalité devant gouverner le traitement pénal
de la délinquance.
Il y aurait par ailleurs beaucoup à dire sur cette ITF, peine
faussement qualifiée de complémentaire. Elle doit tout
simplement disparaître du Code pénal car elle conduit le
juge répressif à des facilités, des excès,
des incohérences et des traitements inhumains, et à intervenir
indûment dans le jeu de la politique migratoire.
Le Code pénal une fois purgé de cette ITF, il reste toujours
la possibilité aux pouvoirs publics d'expulser du territoire
ceux qui menacent l'ordre public. Une seule mesure au service de la
même menace...
Concernant l'expulsion, nous pensons qu'effectivement l'expulsion doit
être précédée d'une procédure respectueuse
des droits de la défense et en redonnant à la COMEX un
rôle majeur cela constitue une juste revendication.
Mais nous savons aussi que dans la
pratique, les
arrêtés d'expulsion
(en quasi-totalité)
sont fondés sur les
faits ayant conduit
tel ou tel
étranger à
être pénalement
condamnée.
La commission Chanet
relève d'ailleurs dans
son rapport qu '« il est
fort fréquent
que l'administration
s'appuie principalement
sur les condamnations
pénales dont
il a fait
l' objet »
(page 13).
Ainsi, l'expulsion,
originellement mesure
de prévention à une menace plus
ou moins grave à l'ordre public, est détournée
de son objet
et est devenue
une véritable
sanction administrative.
Or, l'expulsion ne devrait pouvoir être prononcée que dans
de rares exceptions et l'existence de catégories d'étrangers
protégés doit retrouver toute sa vigueur.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons nous associer à la
campagne, sauf évidemment à revoir les revendications
qu'elle est censée porter.
Sincèrement.
Stéphane MAUGENDRE
Pour Nathalie FERRÉ
Présidente
Dernière mise à jour :
2-10-2001 11:01.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/2001/double-peine/index.html
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