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Le statut des étudiants étrangers

Entre maîtrise des flux migratoires et logique de marché

Communiqué

Paris, le 4 avril 2000

Les événements récents survenus à l'Université de Paris VIII-Saint-Denis, venant après ceux qui ont agité Paris X-Nanterre quelques mois auparavant, ont pris l'aspect d'un affrontement entre les étudiants étrangers et les autorités universitaires qui a débouché sur le recours à la force pour faire évacuer les locaux occupés par les étudiants sans-papiers.

La tournure prise par ces événements est d'autant plus regrettable que les universités ne sont pas responsables de la situation des étudiants étrangers, victimes avant tout des méfaits d'une politique de maîtrise des flux migratoires à courte vue. Les universités de Paris VIII et de Paris X sont au demeurant parmi celles qui accueillent le plus largement des étudiants étrangers.

Ce qu'il faut dénoncer, ce sont les incohérences du statut auquel ces étudiants sont soumis : un statut fait d'un amoncellement de textes qui multiplient les chausse-trappes et les formalités impossibles, ne laissant d'autre choix à beaucoup d'entre eux que de venir en France en dehors des procédures officielles, avec la précarité qui en résulte par la suite, même lorsqu'ils réussissent à s'inscrire dans un établissement universitaire.

Depuis 1977, date du premier durcissement des formalités pour accéder à l'enseignement supérieur en France, la situation n'a fait qu'empirer sur tous les fronts.

  • La procédure de préinscription en premier cycle à partir du pays d'origine, présentée comme devant simplement permettre une répartition équitable des étudiants étrangers entres les différentes universités et d'éviter notamment l'engorgement des universités de la région parisienne, est utilisée dans les faits par les consulats et les universités comme un moyen de limiter le nombre des étudiants étrangers admis à venir étudier en France.
  • Le contrôle du niveau de français des étudiants étrangers non soumis à la procédure de préinscription, organisée par chaque université, se fait selon des modalités différentes d'une université à l'autre, ce qui constitue une source d'arbitraire.
  • La plus grande confusion règne en matière d'équivalence entre les diplômes français et étrangers, ne permettant pas aux étudiants étrangers de connaître à l'avance leurs chances d'être admis et favorisant là aussi l'arbitraire.
  • La procédure de délivrance des visas est utilisée pour limiter l'entrée des étrangers qui souhaitent venir étudier en France. Tous les motifs sont bons pour refuser un visa « étudiant » : « le manque de cohérence du cursus universitaire du candidat », « l'existence de la formation demandée dans le pays d'origine » ou, plus clairement encore, « le risque migratoire »...
  • Une fois arrivés en France, les étudiants étrangers se trouvent placés dans la situation absurde, digne de Kafka, où, pour obtenir un titre de séjour, ils doivent être affiliés à la sécurité sociale et présenter une inscription dans un établissement, alors qu'on ne peut être affilié à la sécurité sociale que si l'on est déjà titulaire d'un titre de séjour et que l'inscription suppose elle-même que l'on dispose d'une couverture sociale.
  • Certaines universités, sur le fondement d'instructions ministérielles illégales, parfois interprétées de surcroît de façon extensive, n'acceptent d'inscrire les étudiants que sur présentation d'un récépissé attestant qu'ils ont déposé un dossier à la préfecture, voire même d'un titre de séjour. D'autres universités procèdent à l'inscription mais retiennent la carte d'étudiant jusqu'à la présentation de ce titre, de sorte que les étudiants qui n'obtiennent pas de titre de séjour ne peuvent entrer en possession de leur carte d'étudiant ni bénéficier des droits qui y sont attachés. Il faut ici réaffirmer avec force qu'en acceptant d'inscrire des étudiants dépourvus de titre de séjour, le président de l'université de Paris VIII, n'a en rien violé la loi : il a agi dans le cadre de ses prérogatives et assuré la mission normale de l'université qui n'a pas à contrôler la régularité du séjour de ses usagers.
  • La suspicion croissante à l'égard des étudiants étrangers a conduit les services préfectoraux à s'arroger un véritable droit de regard sur le déroulement de leurs études. Au nom de « l'absence du sérieux et de la réalité des études », le renouvellement du titre de séjour est refusé au motif d'échecs répétés ou de changement d'orientation.

Les étudiants qui ont été victimes de ces dérives doivent obtenir la régularisation de leur situation.

Pour éviter que ces dérives ne se perpétuent, il faut réaffirmer un certain nombre de principes fondamentaux et veiller au respect de procédures transparentes et équitables. En particulier :

  • la procédure de préinscription, si elle reste en vigueur, doit être organisée de façon à donner la garantie d'une véritable égalité de traitement ;
  • les tests de connaissance de langue doivent être harmonisés sur l'ensemble du territoire et pour toutes les universités ;
  • les conditions d'obtention des équivalences de diplômes doivent être elles aussi harmonisées et portées à la connaissance de tous ;
  • tout étudiant inscrit ou préinscrit dans un établissement d'enseignement doit bénéficier d'un visa pour venir poursuivre ses études en France ;
  • l'appréciation pédagogique doit rester de la seule compétence des autorités universitaires ;
  • inversement, les autorités universitaires doivent refuser de céder aux injonctions des préfectures de contrôler la régularité du séjour de leurs étudiants et de subordonner leur inscription à cette régularité.

Il est d'autant plus nécessaire de réaffirmer ces principes que désormais l'accueil des étudiants étrangers est devenu un marché que se disputent les pays riches et sur lequel la France tente elle aussi de se positionner — notamment par le biais du dispositif Edufrance du ministère de l'Éducation nationale. Face à cet enjeu, les étudiants originaires des pays du Sud ne représentent pas une clientèle intéressante. Déjà soupçonnés de vouloir venir en France pour y travailler, ils risquent d'être les premières victimes de cette logique de marché.

Le Gisti ne partage évidemment pas cette vision égoïste et mercantile. Fidèle à ses engagement en faveur de la liberté de circulation et de l'égalité des droits, il souhaite que l'université reste un vecteur de promotion sociale et culturelle pour tous et qu'elle n'oublie pas sa raison d'être : l'universalité.

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Dernière mise à jour : 8-07-2000 20:05.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2000/etudiants.html


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