Communiqué
Le Conseil d'État censure
le ministère de l'Intérieur
sur l'asile territorial
Amnesty International * France
Terre d'Asile * GISTI
Paris, le 27 janvier 2000
Le Conseil d'Etat a donné satisfaction à nos associations
en censurant hier l'interprétation restrictive donnée
par la circulaire
du 25 juin 98 des ministères de l'Intérieur et des
Affaires étrangères à la notion d'« asile
territorial » instauré par la loi Chevènement
[*].
Le Conseil d'Etat a en effet considéré « qu'aucune
disposition [de la loi de 1952 sur l'asile] ne réserve l'octroi
par le ministre de l'intérieur de l'asile territorial aux seuls
étrangers faisant état de menaces ou de risques émanant
de personnes ou de groupes distincts des autorités de leur pays ».
Nos associations estiment que toutes les décisions prises sur
la base de cette interprétation erronée, pendant près
de deux années, devraient être revues. C'est le ministère
de l'intérieur qui doit prendre l'initiative de ce réexamen,
la loi ne prévoyant pas de recours suspensif contre les décisions
non motivées de rejet d'asile territorial.
Nos associations y veilleront.
Nos associations ont également été suivies par
le Conseil d'Etat sur d'autres points de leur recours, notamment :
- le demandeur n'a pas à supporter les frais éventuels
d'interprétariat lors de son audition ;
- l'administration ne peut procéder à son audition sans
lui laisser « un délai suffisant pour [la] préparer » ;
- l'audition du demandeur doit être effectuée par un
agent de la préfecture, et non par un fonctionnaire chargé
de la surveillance d'un centre de rétention.
En revanche, le Conseil n'a pas jugé nécessaire de censurer
l'interprétation extensive donnée par le ministre de l'Intérieur
du caratère « dilatoire » et « abusif »
d'une demande d'asile territorial. Il a estimé que les circonstances
citées par la circulaire comme caractéristiques d'une
telle demande (demande déposée au moment d'une interpellation
après une invitation à quitter le territoire ou un arrêté
de reconduite à la frontière, nouvelle demande présentée
après un rejet récent) n'étaient que des « exemples »
sans portée contraignante. Encore faudrait-il que les préfectures
n'utilisent pas ces dispositions pour multiplier, sous couvert de « demande
abusive », les recours à la procédure d'urgence
qui permet l'instruction sommaire de la demande, et le maintien du demandeur
en rétention.
Les avancées obtenues par cette décision n'auront toutefois
de portée réelle que si le gouvernement entend donner
un véritable contenu à la notion d'asile territorial.
Tel n'a pas été le cas jusqu'à présent,
le ministre de l'Intérieur ayant donné le ton, dès
l'adoption du texte, en précisant qu'il s'agirait d'une « mesure
humanitaire d'urgence », « d'application restreinte »,
« largement discrétionnaire », « pour
des cas exceptionnels », « de portée limitée »
(Assemblée nationale le 15/12/97). De fait, la procédure
a débouché concrètement sur un taux d'acceptation
de 3,6% en 1998 et de moins de 10% en 1999.
[*] La loi du 11 mai
1998 a donné au ministre de l'Intérieur le pouvoir d'accorder
l'asile territorial à l'étranger dont la vie ou la liberté
est menacée dans son pays ou qui y est exposé à
des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne
des droits de l'homme. Pendant la période d'examen qui peut durer
de nombreux mois, le demandeur ne bénéficie d'aucune possibilité
d'hébergement ni d'aide sociale. L'amendement adopté,
à la demande du ministre de l'Intérieur, selon lequel
l'asile ne sera accordé que dans des conditions compatibles avec
les intérêts du pays fait craindre des décisions
prises pour des raisons autres que la seule nécessité
d'apporter une protection à une personne. Cette crainte n'est
pas infondée si l'on sait que Jean-Pierre Chevènement
a une vision très étendue de ces intérêts
qu'il a en effet définis comme politiques, diplomatiques, économiques,
culturels, stratégiques.
Dernière mise à jour :
17-07-2001 22:58.
Cette page : https://www.gisti.org/doc/actions/2000/asile.html
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