A propos de la circulaire de
l'intérieur
du 11 octobre 1999
Etrange !
4 novembre 1999
Dans son numéro
du 27 octobre 1999, Libération a révélé
l'existence d'une circulaire de Jean-Pierre Chevènement aux préfets.
Ce texte est daté du 11 octobre 1999.
Les circonstances de l'irruption de ce document dans les médias
(toute la presse a repris l'information dès le lendemain), son
contenu et les différentes formes sous lesquelles il circule
doivent nous pousser à un peu de prudence et à quelques
interrogations.
Des versions multiples
A notre connaissance, la circulaire circule sous différentes
versions. Toutes tournent autour d'une lettre
de 4 pages aux préfets, qui est parfois immatriculée
(NOR/INT/D99/00207/C), parfois pas. Elle est parfois précédée
d'une brève lettre
d'accompagnement elle aussi datée du 11 octobre 1999,
parfois pas. Elle est encore parfois accompagnée de 4 fiches
techniques Interpellation
sur le territoire (2 pages), L'identification
des étrangers (2 pages), La
rétention et le transfert des étrangers à éloigner
(1 page), L'exécution
des mesures d'éloignement (2 pages) ,
parfois pas.
Ces fiches non datées et non immatriculées pourraient
parfaitement être indépendantes de la circulaire proprement
dite, d'autant que la circulaire ne comporte aucune liste de pièces
jointes, ce qui peut paraître curieux.
Une distillation sélective
dans la presse
La presse a beaucoup interpellé le Gisti à la suite
de l'article de Libération. Ses questions ont permis de
comprendre que le ministère de l'intérieur avait donné
un texte (lequel ?) à certains journaux, qu'il l'avait refusé
à d'autres.
La rétention de cette information a beaucoup stimulé
les journaux qui n'étaient pas en possession du document. Comme
s'ils estimaient qu'il leur fallait d'autant plus en parler que l'« affaire »
leur paraissait confidentielle.
S'agit-il, de la part du ministère de l'intérieur, d'une
vraie stratégie de communication ou du fruit d'une inorganisation ?
Aucune nouveauté,
sauf le ton
A lire la circulaire et ses annexes réelles ou supposées,
on s'aperçoit que, sur le plan de la réglementation, il
n'y a rien de nouveau. On note que beaucoup des consignes et explications
données aux préfets sont de l'ordre du « b-a-ba ».
Que, de ce fait, ils pourraient n'être que les destinataires factices
d'une circulaire rédigée à d'autres fins que de
les réorienter dans leur travail ordinaire.
On note également que la circulaire contient une sorte d'accusation
de laxisme à l'égard de la ministre de la justice. La
circulaire aux préfets pourrait n'être qu'une nouvelle
occasion, pour le ministre de l'intérieur, d'agresser la ministre
de la justice, dont beaucoup de projets ne plaisent pas au Mouvement
des citoyens.
On note également que la « révélation »
de la circulaire intervient à un moment où
- le ministre de l'intérieur doit défendre son budget
devant le Parlement,
- doit faire, en novembre, le bilan de sa politique migratoire devant
les députés.
Or, en ces deux circonstances, il se sait d'avance interpellable par l'opposition
sur la baisse du nombre de mesures d'éloignement décidées
et exécutées. Il se peut donc que, d'un air de ne pas y
toucher, M. Chevènement ait simplement voulu répondre
ainsi à ses détracteurs de demain.
On note enfin que cette circulaire fait un bruit d'enfer au moment
où le premier ministre se félicite que sa politique soit
parvenue à éteindre tout débat sur les étrangers
en France.
Pincettes
Ces observations font qu'il vaut mieux prendre avec des précautions
et des pincettes une circulaire dont l'irruption dans l'actualité
présente des bizarreries de fond et de forme. On peut se demander
sans pouvoir décider s'il ne s'agit pas
d'une manipulation de l'opinion.
Reste que ce texte est condamnable. Il incite notamment la police
à des contrôles d'identité au faciès. Et
il fait peur aux étrangers. Ne serait-ce d'ailleurs pas le but
ou l'un des buts de la manoeuvre ? On se souvient que la réforme
de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la « loi Chevènement »
du 11 mai 1998 institue un article 12 bis qui correspond
à un dispositif permanent de régularisation dans 11 situations.
Or, les étrangers en situation irrégulière font
amplement usage de cet article aux guichets des préfectures.
Après la circulaire du 11 octobre 1999 et le bruit qu'elle
a fait dans les médias, oseront-ils encore se rendre aussi nombreux
dans les préfectures ? Rien n'est moins sûr.
Si tel était l'objectif de M. Chevènement,
- il violerait une fois de plus l'esprit de sa propre loi,
- il endosserait plus que jamais une politique réfléchie
de multiplication des sans-papiers.
Dernière mise à jour :
8-07-2000 19:54.
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