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Que faire pour les Algériens ?
Propositions du GISTI
Surtout depuis que les massacres ont pris une ampleur
inégalée au cours du ramadan commencé à la fin de
décembre 1997, l'émotion s'est faite plus vive en France, en
Europe et dans le monde sur la situation des Algériens, sur
l'insécurité qui s'étend en Algérie, sur la
multiplication des victimes. Déjà, le 10 novembre dernier, une
forte mobilisation en France avait montré l'ampleur de l'indignation et
de la solidarité.
Dans ce contexte, l'idée que la communauté internationale
devrait cesser d'assister en spectatrice à ces violences en croissance
constante depuis 1992 et qu'elle devrait se donner les moyens de faire en sorte
que la sécurité soit rétablie en Algérie fait son
chemin dans les opinions publiques, dans la presse internationale et même
au sein des Nations unies. Mais cette intention se heurte à l'opposition
du gouvernement et d'une bonne partie des intellectuels algériens, de
même qu'à une attitude assez velléitaire des gouvernements
de la planète. Dans ces conditions, la communauté internationale
risque de demeurer incapable de contribuer rapidement à une
évolution positive en Algérie, à l'image de la «
troïka » européenne lors de sa visite à Alger le 19
janvier 1998.
Précisément parce qu'il n'y a guère d'espoir
d'amélioration de la situation à court terme en Algérie,
il est indispensable de définir des revendications et des exigences
pratiques et concrètes sur les points suivants :
- Politique des visas des pays d'Europe : le 30 septembre 1997,
Lionel Jospin a annoncé un assouplissement de la politique des visas de
la France à l'égard des Algériens, dont on ne voit pas
l'entrée en vigueur. Par la voix de son ministre des affaires
étrangères, Klaus Kinkel, le gouvernement allemand estime, pour
sa part, que « qui n'exporte pas la stabilité vers
l'Algérie aujourd'hui importera demain l'instabilité sous la
forme de grands mouvements de réfugiés » (Bild,
18 janvier 1998).
Autant d'affirmations qui nous légitiment à exiger que, sauf
pour des raisons de sécurité clairement établies et
explicitement motivées, toutes les demandes de visas formulées
par des Algériens reçoivent désormais des réponses
positives.
Nous pouvons aussi revendiquer la multiplication des délivrances de
visas de circulation (plusieurs séjours de moins de trois mois
autorisés dans l'année), qui assureraient repos et protection
à de nombreux Algériens qui souhaitent vainement
bénéficier de ce type de titre de voyage.
- Gel des refoulements, reconduites à la frontière et
expulsions d'Algériens par les pays d'Europe : dans la situation
actuelle de l'Algérie et tant que l'état de droit n'y aura pas
été établi de manière indiscutable, nous exigeons
que le renvoi, dans leur pays, d'Algériens en situation
irrégulière soit interdit. Il est inadmissible qu'un tiers
environ de 13 000 étrangers reconduits à la frontière par
la France soient des Algériens. A peu près tous les états
européens agissent de même. Nous devons nous opposer à la
fois aux reconduites à la frontière, aux expulsions des
Algériens vivant en Europe, ainsi qu'aux refoulements des
Algériens qui se présentent à ses frontières
terrestres, dans ses ports et dans ses aéroports.
Renoncement de l'Espagne à renvoyer en Algérie 395
Algériens exilés à Ceuta et à Melilla : ces
revendications s'appliquent évidemment à l'Espagne qui
négocient actuellement un accord de réadmission avec
l'Algérie pour 395 exilés algériens présents
à Ceuta et à Melilla.
A noter que l'Espagne vient d'admettre 1.206 ressortissants d'Afrique noire
eux aussi exilés à Melilla et à Ceuta sur son territoire
européen. Pourquoi ceux-là et pas les Algériens ?
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- Reconnaissance du statut de réfugié à tous les
Algériens qui en font la demande : une nouvelle fois le 21 janvier
1998, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés
(HCR) a recommandé aux gouvernements un assouplissement de leur
politique de l'asile à l'égard des Algériens, ainsi que
d'extrêmes précautions en cas de renvois en Algérie. Le HCR
a insisté sur la fermeture de l'Europe en ce domaine, et tout
particulièrement sur celle de la France. Il a notamment rappelé
qu'il n'était pas d'accord avec la jurisprudence française selon
laquelle les risques encourus de la part de groupes non liés aux
pouvoirs publics échappait au champ d'application de la Convention de
Genève.
Nous pouvons exiger que le statut de réfugié soit reconnu aux
Algériens qui en font la demande, que des titres de séjour d'au
moins un an (avec autorisation de travail) soient délivrés
à ceux qui préfèrent cette formule, qu'aucun
Algérien ne soit laissé en situation irrégulière ou
en situation précaire.
- Reconnaissance par le gouvernement français que certaines
dispositions positives de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée par
le projet de loi Chevènement s'appliqueront aux Algériens :
il s'agit, en particulier, des articles 12 bis et 12 ter [1]
qui définissent les conditions de régularisation d'étrangers
en situation irrégulière. Il n'est pas sûr que, compte tenu
de l'existence d'un accord franco-algérien, ces dispositions vont
s'appliquer aux Algériens.
Paris, le 2 février 1998
[1] Les étrangers en situation irrégulière qui pourront
obtenir un titre de séjour renouvelable d'un an, avec autorisation de
travail, en vertu des articles 12 bis et 12 ter de la future loi
Chevènement, qui entrera probablement en vigueur en avril prochain, sont
les suivants, sous réserve de modifications ultérieures :
- enfants légalement arrivés en France dans le cadre du
regroupement familial d'un étranger titulaire d'une carte d'un an
[inchangé depuis longtemps] ;
- étrangers arrivés illégalement en France avant
l'âge de dix ans [inchangé depuis Debré] ;
- étrangers illégalement en France depuis plus de quinze ans
(sauf polygamie) [inchangé depuis Debré] ;
- conjoints de Français en séjour illégal, s'ils ne
sont pas polygames et s'ils sont arrivés avec un visa de court
séjour (visite autorisée, mais pas installation)
[nouveau]. A noter que, selon le projet Chevènement, les
mêmes arrivés avec un visa de long séjour (installation
autorisée) passeraient leurs deux premières années de
mariage avec une carte d'un an avant d'accéder à la carte de dix
ans s'ils venaient de se marier, mais qu'ils accèderaient directement
à la carte de dix ans s'ils avaient plus de deux ans de mariage. A noter
aussi que, grâce à un amendement adopté en commission des
lois, ils pourraient n'attendre qu'une seule année ;
- conjoints des titulaires de la nouvelle carte « scientifique »,
s'ils sont arrivés avec un visa [nouveau] ;
- parents en situation irrégulière, s'ils ne sont pas
polygames, d'enfants français [presque inchangé]. A noter
que les mêmes, s'ils sont en situation régulière, ont droit
à une carte de dix ans ;
- étrangers en situation irrégulière titulaires d'une
rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle avec une
incapacité d'au moins 20% [inchangé depuis Debré] ;
- étrangers reconnus apatrides et, à certaines conditions,
leur conjoint et enfants [inchangé depuis Debré] ;
- malades séjournant illégalement en France qui ne pourraient
être convenablement soignés dans leur pays [partiellement
nouveau par rapport à Debré] ;
- étrangers qui ont obtenu le nouvel « asile territorial » [nouveau] ;
- étrangers en situation irrégulière « dont
les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser
[leur] séjour porterait à [leur] droit au respect
de sa situation personnelle et de [leur] vie familiale une atteinte
disproportionnée » [très nouveau]
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Dernière mise à jour :
8-07-2000 19:49.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/actions/1998/que-faire.html
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