Action collective
Dans une circulaire adressée aux préfets en octobre, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, rappelait que « l’éloignement des étrangers en fin d’une peine d’emprisonnement doit être une priorité ». Il faut dire que l’action de l’administration ne manque pas d’efficacité en ce domaine. Un rapport parlementaire rappelait en effet en 2015 que la police aux frontières était parvenue à éloigner 78% des sortants de prison l’année précédente [1].
Un tel « rendement » s’explique en partie par le fait que la contestation en justice des OQTF notifiées en prison est en pratique très difficile en raison de procéduresexpéditives. Les ressortissants étrangers détenus ne disposent en effet que d’un délai de 48 heures pour contester la mesure d’éloignement [2]. Et le tribunal, s’il est saisi, doit seprononcer dans les 72 heures.
Or, la brièveté de ces délais de recours est souvent insurmontable pour des personnes étrangères placées - rappelons-le - sous l’entière dépendance de l’administration pénitentiaire. Les nombreux obstacles qu’elles rencontrent sont liés tant aux conditions de la notification de la décision en prison (notification en fin de semaine, absence d’interprète ou de traduction écrite, etc.) qu’au délai de recours (privation de moyens de libre communication, accès au droit limité, isolement carcéral, etc.) ou à la défense de leurs intérêts (constitution de dossier empêchée, accès aux documents personnels difficile, rencontre avec l’avocat et extraction pour l’audience incertaine, etc.)
L’enquête réalisée par l’OIP - avec le soutien de La Cimade et du GISTI - auprès d’avocats, de points d’accès au droit et d’associations intervenant en détention et en rétention confirme que, sous couvert d’efficacité, la loi impose une véritable « défense impossible » aux étrangers détenus. Beaucoup d’entre eux n’arrivent tout simplement pas à former un recours contre la mesure d’éloignement. Et l’analyse d’un corpus d’une centaine de décisions de tribunaux administratifs montre que près de 45 % des requêtes adressées aux juridictions ont été jugées irrecevables au motif qu’elles ont été formées après l’expiration du délai de recours. Un taux qui n’a d’équivalent dans aucune autre branche du contentieux administratif !
Dépourvus des garanties minimales en termes d’exercice des droits et de recours effectif, les personnes étrangères détenues sont finalement les sujets sans droits d’une politique ministérielle d’éloignement avide du chiffre. Elles courent le risque d’être éloignés sans qu’on tienne compte de leur situation personnelle et des attaches qu’ellespeuvent avoir en France.
Soucieux de la protection de leurs droits, l’OIP, La Cimade et le GISTI saisissent donc ce jour le Conseil d’Etat d’une demande de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant les dispositions législatives relatives au délai de recours contre les OQTF notifiées en détention. Cette procédure viendra en renfort d’une QPC transmise très récemment parla Cour administrative d’appel de Douai sur le même sujet [3]. Elle invite la Haute Juridiction à rappeler que rien ne saurait justifier que l’on abandonne délibérément les étrangers dans des zones de non-droit.
>> Consulter le rapport sur les obstacles à la contestation des OQTF notifiées en détention.
>> Consulter l’ensemble des pièces du dossier ici
Organisations signataires :
[1] Rapport n° 716 (2014-2015) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015, p. 138.
[3] CAA Douai, 14 déc. 2017, n°17DA00603
Envoi par le Groupe d'information et de soutien des immigré·es www.gisti.org |
Sur le Web : www.gisti.org/article5819 |
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