Avis du Conseil d’État sur la justification de l’état civil à l’appui d’une demande de titre de séjour
L’ADDE, le SAF, le Gisti et InfoMIE ont déposé des observations sur une demande d’avis adressée au Conseil d’État par le tribunal administratif de Rouen dans le cadre d’un litige portant sur le refus de délivrance d’un titre de séjour motivé par le fait que les éléments produits relatifs à l’état civil n’étaient pas probants et que l’identité du requérant ne pouvait être regardée comme établie. Or l’intéressé, ancien mineur isolé pris en charge par l’ASE, pouvait faire état de liens personnels et familiaux très forts en France et remplissait donc toutes les conditions de fond pour obtenir un titre de séjour.
Le tribunal administratif a donc posé au Conseil d’État une double question : 1/ dans le cas où les documents produits ne sont pas probants, les moyens de la requête tendant à l’annulation du refus de titre de séjour autres que ceux tenant à la justification de l’état civil sont-ils opérants ? 2/ en cas de réponse positive à la première question et dans le cas où un moyen de légalité interne [tiré du droit au respect de la vie privée et familiale ou de l’intérêt supérieur de l’enfant], est fondé, le tribunal peut-il enjoindre à l’administration de délivrer un titre de séjour au requérant ?
Le mémoire déposé par les organisations intervenantes rappelait en premier lieu que le Conseil d’État avait lui-même retenu une conception souple de la justification de l’état civil et jugé qu’en cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartenait au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Sur le second point, compte tenu des atteintes graves à des droits fondamentaux qui peuvent résulter d’un refus de délivrance de titre de séjour qui serait motivé exclusivement par le caractère insuffisamment probant des documents produits, les organisations intervenantes relevaient que la production de justificatif de l’état civil, prévue par des dispositions réglementaires du Ceseda, ne constituait pas une condition de fond de délivrance d’un titre de séjour et qu’il revenait donc au juge d’examiner si les conditions de fond de la délivrance du titre de séjour en cause sont réunies. Elles ajoutaient qu’au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la violation de l’article 8 serait certainement sanctionnée dans le cas où de simples raisons formelles feraient obstacles à la reconnaissance d’un droit au séjour. Elles relevaient enfin que la solution radicale proposée confinerait au rétablissement de la mort civile du requérant, condamné à ne plus avoir d’existence juridique du seul fait de la production d’actes d’état civil au sens strict jugés non probants.
Le Conseil d’État a rendu son avis le 12 juin 2025. Il n’a pas suivi son rapporteur public qui, pour sa part, faisait valoir qu’il ne ressortait pas clairement des textes que la preuve de l’identité certaine d’une personne soit une condition de délivrance du titre de séjour ; dès lors, la circonstance que les documents produits par le demandeur ne seraient pas suffisamment probants à cet égard ne pouvait, à elle seule, fonder un refus de lui délivrer ce titre. Le Conseil d’État estime au contraire qu’une demande de titre de séjour peut être rejetée au motif que l’identité d’une personne ne peut pas être établie et que si tel est le cas tous les moyens de légalité interne qui ne portent pas sur la question de l’identité sont inopérants. Il rappelle, en revanche, que les préfectures et le juge ne peuvent pas déduire automatiquement de l’absence du caractère probant des pièces justifiant de l’état civil que l’identité d’une personne n’est pas établie et il maintient donc son acception très souple des pièces qui peuvent justifier l’état civil d’une personne.
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