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Le gouvernement cherche
à revaloriser a minima les pensions
des anciens combattants étrangers
Des associations viennent de lancer
une campagne de recours en justice
Article de Sylvia Zappi publié dans Le Monde
du 10 novembre 2002
La « reconnaissance de la dignité » des
anciens combattants étrangers coûte décidément
trop cher. Le gouvernement s'apprête à proposer un dispositif,
pour le collectif budgétaire 2002, qui n'alignerait pas les pensions
des anciens combattants étrangers sur celles des Français,
comme l'avait pourtant préconisé le Conseil d'État.
Le 30 novembre 2001, la haute juridiction administrative rendait un
arrêt décisif en sanctionnant les autorités françaises
pour leur refus de revaloriser la pension militaire d'un ancien sergent-chef
sénégalais qui avait servi vingt-deux ans dans l'armée
française avant d'être rayé des rangs lors de l'indépendance
du Sénégal.
Depuis la loi du 26 décembre 1959, adoptée sous le gouvernement
du général de Gaulle en pleine décolonisation,
les pensions et retraites des étrangers engagés dans l'armée
française étaient gelées et transformées
en indemnités non indexables sur le coût de la vie. Une
décision passée à la postérité sous
le nom de « cristallisation ».
La loi opérait une distinction entre anciens combattants étrangers
et français : quand un Français reçoit une pension
d'invalidité mensuelle de 690 euros, un Sénégalais
ne perçoit que 230 euros, et un Marocain 61. Ces nouvelles indemnités
n'étaient par ailleurs pas reversées aux veuves et ayants
droit en cas de décès. C'est cette « discrimination »
que le Conseil d'État a sanctionnée en demandant à
l'État l'égalité de traitement.
Obligé d'appliquer cette décision, le gouvernement Jospin
avait chargé l'ancien ministre Anicet Le Pors d'une mission de
réflexion. Or un alignement complet des prestations des étrangers
sur celles des Français coûterait 1,83 milliard d'euros,
car ils sont encore 85 000 de par le monde à pouvoir en
bénéficier. La mission Le Pors avait imaginé une
revalorisation en fonction du coût de la vie dans le pays de résidence.
Bercy déclarait alors vouloir éviter à tout prix
de multiplier par cinq ou six le niveau des pensions existant en expliquant
que cette hausse créerait une « perturbation des économies
locales » (Le Monde du 5 janvier).
« Tergiversations mesquines »
C'est dans cette même logique que le gouvernement Raffarin a
repris le dossier. Le cabinet de la ministre de la défense, Michèle
Alliot-Marie, explique qu'il ne souhaite pas traiter les demandes de
réévaluation dossier par dossier, car « cela
créerait un déséquilibre important par rapport
au salaire moyen des pays concernés ». Le ministère
prévoit la création d'un fonds d'indemnisation qui verserait
à chaque ayant droit une somme calculée en fonction du
revenu moyen national. « Nous cherchons à réaliser
la reconnaissance de la nation envers ces combattants dans des conditions
juridiquement incontestables, socialement équitables et économiquement
réalisables », résume le porte-parole du
ministère, Jean-François Bureau.
Un jugement que ne partagent pas les associations de défense
des étrangers ou les organisations d'anciens combattants. Le
Groupe de défense et de soutien des immigrés (Gisti) vient
de lancer, avec le Collectif des accidentés du travail, handicapés
et retraités pour l'égalité des droits (Catred),
une campagne de recours juridiques. « La décision
du Conseil d'État représentait une vraie reconnaissance
de dignité. Les tergiversations mesquines du gouvernement ne
sont pas admissibles, car, plus on attend, plus ces vieux messieurs
vont mourir ! Nous allons donc inonder les tribunaux jusqu'à
ce que le gouvernement craque », s'indigne Patrick Mony,
permanent du Gisti. L'association a
édité et diffusé gratuitement sur Internet une
brochure détaillant les démarches à suivre
pour saisir la justice française.
Au même moment, une délégation de l'Union nationale
des anciens combattants marocains est arrivée à Nice.
Dix-sept d'entre eux se sont invités aux cérémonies
du 11-Novembre, comme l'explique leur président, Hamid Benrahhalate
: « Ils ont refait le voyage pour dire qu'ils sont à
nouveau prêts à se battre pour leurs droits. »
Le conseil des ministres devrait examiner la question le 20 novembre.
Dernière mise à jour :
16-05-2003 10:53
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Cette page : https://www.gisti.org/
doc/presse/2002/zappi/pensions.html
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