Les violations du droit d'asile se multiplient à différents
niveaux.
On ne peut respecter le droit d'asile en empêchant la fuite des
victimes de la répression. Or, les États occidentaux s'efforcent
de multiplier les obstacles à leur départ à l'aide
de politiques restrictives, de visas et de « responsabilisation
des transporteurs » qui transforment des sociétés
commerciales en auxiliaires de police. De plus en plus de candidats
à l'asile sont empêchés d'embarquer dans les avions
ou les bateaux des grandes sociétés internationales de
transport. De ce point de vue, l'Europe et, en son sein, la France adoptent
une politique scandaleuse sous couvert d'harmonisation.
Le
« droit d'ingérence » sert également,
de plus en plus souvent, à intervenir sur place pour endiguer
les flux de demandeurs d'asile : aujourd'hui, les États-Unis
arraisonnent quasi-militairement les boat-people haïtiens qui cherchent
à fuir la dictature militaire. Or, à une époque
marquée par la liberté de circulation, le droit de quitter
son pays est garanti par la Déclaration universelle des droits
de l'homme et le protocole n° 4 de la Convention européenne
des droits de l'homme.
Les rescapés de ce premier empêchement à demander
l'asile se heurtent ensuite à un barrage policier aux frontières
des pays d'accueil. Là encore, des milliers de « candidats
à l'asile » sont séquestrés et refoulés
avant d'avoir pu expliquer les raisons de leur fuite. L'État
de droit s'effondre sous les coups de la raison d'État, et la
police se substitue à la justice.
Aux frontières de l'Europe et de la France, la séquestration
arbitraire et les refoulements s'imposent progressivement comme un système
automatique et arbitraire d'élimination des demandeurs d'asile.
Ceux qui parviennent malgré tout à formuler leur demande
d'asile et à la faire prendre en compte par les autorités
compétentes se heurtent aujourd'hui à une suspicion incompatible
avec un examen équitable.
En France, l'OFPRA (Office de protection des réfugiés
et apatrides) et la Commission des recours des réfugiés
ne bénéficient pas de l'indépendance nécessaire.
Sous la pression des intérêts conjoncturels de l'appareil
d'État, ils passent du statut d'institutions chargées
de la protection des réfugiés à celui d'institutions
vouées à la protection de l'État contre les réfugiés.
Les rejets expéditifs des demandes d'asile conduisent, partout,
à la fabrication à la chaîne de dizaines de milliers
de « déboutés », condamnés
à la clandestinité et menacés de reconduite dans
leur pays d'origine sans plus d'égard pour les dangers qui les
y attendent.
En France, plus de cinquante grèves de la faim de déboutés
en une année n'ont débouché sur aucune solution
satisfaisante. Des objectifs sécuritaires se sont substitués
aux intentions humanitaires. La circulaire du 23 juillet 1991 laisse
60 000 à 100 000 déboutés en situation
de marginalisation absolue.
Jugés à la légère, soumis à tous
les arbitraires, les déboutés n'ont, pour la plupart,
aucune liberté de choisir un pays d'accueil. Ils sont alors,
de force, reconduits dans leur pays d'origine où les agents des
transporteurs sont obligés de les livrer à la police sur
consigne de pays comme la France, qui se définissent cependant
comme protecteurs des libertés.
Ce constat, dressé par les participants aux
auditions publiques« Droit d'asile :
appel à témoins »,
organisées du 11 au 13 juin 1992 à Paris par trente-huit
associations avec le concours de nombreuses personnalités, a
donné lieu à la définition d'un certain nombre
d'exigences nécessaires au respect du droit d'asile par les États
occidentaux, qu'il s'agisse de la France, des pays européens
ou des États-Unis.
Ces exigences sont contenues dans le texte de la pétition
nationale ci-jointe. Elle sera remise au président de la République
et aux diverses autorités, françaises et européennes,
responsables des politiques du droit d'asile.
Les participants aux auditions publiques « Droit
d'asile : Appel à témoins », organisées
du 11 au 13 juin à Paris par trente-huit associations avec
le concours de nombreuses personnalités, ont adopté des
revendications relatives au droit d'asile, dont je demande l'application
urgente.
En France, en Europe et en Occident en général, les politiques
du droit d'asile et de nombreuses mesures destinées à
endiguer les flux migratoires s'opposent à l'exercice effectif
du droit d'asile par les victimes de la répression dans le monde.
Le droit d'asile apparaît comme l'un des baromètres essentiels
de la qualité démocratique dans les sociétés
occidentales. La violation de ce droit international, enraciné
dans d'anciennes traditions d'accueil, ébranle l'ensemble des
libertés individuelles et collectives sur lesquelles reposent
nos démocraties.
L'appareil d'État ne peut être le garant des libertés
fondamentales que dans la mesure où il protège l'indépendance
de pouvoirs délégués. La société
civile doit obtenir un droit de regard et de contrôle effectif
sur les instances chargées d'appliquer le droit d'asile. L'OFPRA
(Office français de protection des réfugiés et
apatrides), notamment, ne peut plus continuer à fonctionner comme
une machine administrative obéissant aux critères communs
de limitation des flux migratoires.
-
Que les États occidentaux, en particulier la France et
l'Europe, renoncent à toute mesure empêchant les demandeurs
d'asile de fuir leur pays. La privatisation du droit d'asile provoquée
par la « responsabilisation des transporteurs »
doit être immédiatement abandonnée.
-
Qu'aux frontières des pays d'accueil, tout candidat au
statut de réfugié soit admis sur le territoire et
ait accès à une procédure approfondie de sa
demande d'asile. Ce droit implique que soit annulée la loi
sur « la zone d'attente » dans les aéroports,
adoptée en juin 1992 par le Parlement français,
car elle empêche cet accès des demandeurs d'asile sur
le territoire et autorise leur refoulement avant toute instruction
approfondie de leur requête.
-
Que les instances chargées de l'instruction de ces demandes
en France, l'OFPRA et la Commission des recours soient
dotées d'un statut garantissant leur indépendance
totale et que les forces vives compétentes de la société
civile participent à la protection de cette indépendance.
-
Que ces procédures comprennent obligatoirement un entretien
contradictoire de chaque demandeur d'asile avec le concours d'experts,
interprètes et défenseurs de son choix, indispensables
à un jugement équitable.
-
Que tout demandeur d'asile bénéficie d'une présomption
de bonne foi, à charge pour l'autorité compétente
de démontrer que les allégations du requérant
sont infondées.
-
Que le droit au travail , à la protection sociale (dont
l'accès aux soins) et à l'assistance judiciaire gratuite
soit garanti en application de la Convention de Genève.
-
Que les dizaines de milliers de déboutés, victimes
d'une procédure expéditive de leur demande d'asile
au cours des dernières années, bénéficient
enfin d'un réexamen de leur demande d'asile dans les conditions
équitables décrites ci-dessus. Si tel n'était
pas le cas, une mesure générale et exceptionnelle
leur permettant de sortir de la clandestinité s'imposerait.
- Que les déboutés actuels et futurs ne soient plus
reconduits contre leur gré dans leur pays d'origine mais qu'ils
puissent choisir un pays d'accueil dans lequel leur sécurité
et leur liberté soient garanties.
Dernière mise à jour :
24-03-2001 16:50.
Cette page : https://www.gisti.org/
doc/plein-droit/18-19/petition.html
|