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Plein Droit
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Plein Droit
n° 15-16, novembre 1991 Dans le non-droit des aéroports... la mort d'un Sri-Lankais
L'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) [1] s'est taillé un beau succès médiatique lors de sa conférence de presse de rentrée, le 10 septembre à Paris. Il s'agissait d'y traiter de l'« accueil » aux frontières des demandeurs d'asile et de leur refoulement vers leurs pays d'origine, surtout dans les aéroports, en France mais aussi dans l'ensemble de l'Europe. Dans l'Hexagone, les incidents, voire les bavures, se multiplient avec le renforcement du « contrôle aux frontières » (lire ci-dessous le récit du décès d'un demandeur d'asile sri-lankais refoulé). En Europe, le problème a paru suffisamment grave au Conseil de l'Europe pour que l'une des commissions de son Assemblée parlementaire la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie décide, dès 1988, de mener une enquête sur l'« arrivée des demandeurs d'asile dans les aéroports européens ». Son rapporteur, Lord Mackie of Benshie, a rendu compte de cette investigation pendant la conférence de presse. L'enquête du Conseil de l'Europe, menée à Roissy (Paris), Arlanda (Stockholm), Heathrow (Londres), Barajas (Madrid), Leonardo da Vinci-Fiumicino (Rome) et Frankfürt a donné lieu à un rapport publié le 20 juin 1991. Il fait état, de façon générale, d'une « insuffisance, voire d'une absence de possibilités d'hébergement », de « procédures incohérentes d'octroi de l'asile qui ne sont souvent pas claires pour les demandeurs d'asile, voire pour les fonctionnaires qui examinent leur cas ». Et relève que « les décisions relatives à l'admissibilité (...) et au rapatriement sont, dans de nombreux cas, prises à la hâte et par des fonctionnaires qui ne sont guère ou pas formés ». Mieux, remarque la commission d'enquête : « Dans certains cas, la police des frontières ou l'autorité locale estiment que leur premier devoir est de refouler les réfugiés ». Parmi les principaux points examinés, l'effet des nouvelles pénalités qui frappent les transporteurs de passagers démunis de papiers et de titres de voyage. Dans ce domaine, le rapport indique que « l'introduction d'amendes aux compagnies aériennes a réduit le flux, mais a rendu la situation des véritables demandeurs d'asile encore plus difficile ». L'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, visité le 20 novembre 1989, figure, aux yeux des rapporteurs, parmi les moins bien organisés du continent. Ils y ont notamment observé que les demandeurs d'asile n'y bénéficiaient « ni d'interprètes, ni d'assistance juridique (...) immédiatement après le dépôt de leur demande » et qu'ils étaient « détenus dans une zone dite internationale (...), ce qui signifie, selon eux, qu'ils ne se trouvent pas encore sur le territoire français et, donc, que les autorités françaises ne sont pas légalement tenues d'examiner leur demande » [2]. Au moment de l'enquête, « les demandeurs d'asile n'ont pas la possibilité de rencontrer des travailleurs sociaux, ni en fait de communiquer avec le monde extérieur » (sur ce dernier point, des évolutions positives ont été enregistrées depuis). Enfin, la commission a observé que « les demandeurs d'asile dorment par terre ou sur des chaises en plastique », certains d'entre eux ayant vécu six semaines dans ces conditions. Sur la base de ce rapport, le Conseil de l'Europe a adopté, en septembre, une recommandation qui invite notamment les gouvernements membres à « veiller à ce que la Convention européenne des droits de l'homme et les instruments internationaux qui garantissent la protection des demandeurs d'asile soient respectés dans les centres d'accueil et les zones de transit des aéroports européens ». Selon un rapport présenté par l'ANAFE au cours de sa conférence de presse du 10 septembre, l'été 1991 aura été chaud pour certains demandeurs d'asile sur les aéroports parisiens, en particulier pour les Sri-Lankais [3] : le 25 juin, trente-neuf subissaient des brutalités avant d'être expulsés vers Douala, le jour même de leur arrivée ; le 20 juillet, quatre Sri-Lankaises étaient, à leur tour, renvoyées vers Colombo après de multiples refus d'embarquement de leur part. Enfin, le 25 août, mourait à Aulnay-sous-Bois, un Sri-Lankais qui avait, la veille, fait un accident cardiaque lors de son embarquement musclé. Les circonstances de ce drame, décrites ci-dessous, sont extraites d'un rapport officiel daté du 25 août, rédigé par un commissaire de police principal. Le samedi 24 août à 18H 30, je devais effectuer (...)
l'escorte d'un ressortissant sri-lankais arrivé le 9 août
à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle sur un vol Air-France
en provenance de Dehli. M. Arumum devait mourir le lendemain à l'hôpital Ballanger d'Aulnay-sous-Bois. Sa famille a déposé une plainte avec constitution de partie civile, à laquelle se joint notamment le GISTI (NDLR).
[1] L'ANAFE (c/o CIMADE, 176, rue de Grenelle, 75007 Paris) rassemble Amnesty International, l'Association des juristes pour la reconnaissance des droits fondamentaux des immigrés, la CIMADE, le COMEDE, le CAIF, FTDA, le GAS, le GISTI, la LDH, le MRAP, le Syndicat CFDT des personnels Air-France, le Syndicat CFDT des personnels des aéroports de Paris, le Syndicat des pilotes de l'aviation civile, le Syndicat unitaire des navigants commerciaux et l'Union régionale Ile-de-France CFDT. [2] Voir aussi Plein Droit n° 13, mars 1991. [3] Brochure de l'ANAFE intitulée Refoulements de Sri-Lankais, Roissy, juin-août 1991.
Dernière mise à jour :
27-12-2000 19:47. |