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Plein Droit n° 14, juillet 1991
« Quel droit à la santé pour les immigrés ? »

Maladies professionnelles :
législation restrictive, pratiques d'exclusion

Retour au dossier « Des travailleurs immigrés
face aux atteintes professionnelles
 »

Une étude menée par l'équipe ISIS, avec le soutien du Service des Études et de la Statistique du ministère du Travail et de l'Emploi, avait pour objectif l'analyse des conditions d'application de la législation pour trois pathologies : les cancers, les pneumoconioses, les dermatoses de mécanisme allergique. Nous citons ici quelques résultats de l'étude mettant en évidence les difficultés importantes rencontrées par ceux qui sont atteints de maladie professionnelle dans la reconnaissance de leurs droits.

Caractéristiques du système de réparation des maladies professionnelles en France :

1. Des maladies professionnelles peu déclarées.

Les différentes monographies permettent d'associer ce phénomène à quatre facteurs principaux : le manque d'intérêt des médecins pour la relation maladie/travail et pour l'acte médico-légal ; l'absence d'information des malades (ou de leurs ayants droit) sur les risques professionnels et la procédure de réparation ; la perspective dissuasive, pour les victimes, de démarches longues et inopérantes ; enfin la crainte, pour les actifs, de la perte de l'emploi pour inaptitude médicale. Des obstacles plus complexes nous sont également apparus très importants, notamment la difficulté psychologique (sinon dans certains cas l'impossibilité), pour les malades, de reconnaître que la maladie peut être due au travail.

2. Une instruction des dossiers (entre la déclaration et la reconnaissance) soumise à des délais généralement longs et très irréguliers.

Ceci est dû à la pratique systématique de « contestation préalable » du caractère professionnel de la maladie déclarée, par les caisses. Cette procédure, qui les affranchit de tout délai réglementaire, constitue un abus de pouvoir sachant qu'aucun contrôle institutionnel ne met de limites à cette pratique.

3. Une reconnaissance marquée par des logiques administratives et médicales d'exclusion.

Les logiques administratives concernent essentiellement les modalités d'enquête sur l'exposition. Celle-ci repose de façon quasi-exclusive sur la bonne foi de l'employeur. Or, de façon générale, les employeurs dérogent à l'obligation de déclaration des produits ou procédés à risque de maladie professionnelle. Ils utilisent des stratégies de résistance à la reconnaissance de l'exposition du salarié. Ce dernier, dans le meilleur des cas, s'il comprend le sens de la décision de rejet et la conteste, sera alors contraint d'apporter la preuve de son exposition devant la commission de recours amiable ou le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Les logiques médicales d'exclusion passent par la rigidité des normes médico-légales décrétées par des médecins.

Deux autres facteurs viennent renforcer ces logiques d'exclusion. D'une part, on note chez les victimes de maladie professionnelle l'absence de « tradition » de contestation des rejets notifiés par les caisses. Dans diverses situations, nous avons observé (de la part de médecins ou de caisses) une information dissuasive quant au recours devant la commission de recours amiable ou le tribunal des affaires de sécurité sociale, présentant celui-ci comme une attitude de doute inadmissible face au savoir médical ou administratif. Cette attitude d'illégitimité des recours tend à être intériorisée par les assurés.

4. Une législation comportant elle-même des limites très restrictives.

De nombreuses pathologies, dont la relation avec le travail est établie, ne figurent pas sur les tableaux de maladies professionnelles, et celles qui y figurent ne représentent généralement qu'une partie de la pathologie afférente aux risques en cause. Nous l'avons particulièrement montré dans le cas des pneumoconioses. Enfin, la législation ne prend pas en compte les effets cumulatifs des facteurs professionnels (polyexposition, effets de synergie) et leur traduction dans des phénomènes pathologiques non spécifiques.

Le système de réparation des maladies professionnelles ne peut être isolé des logiques macro-économiques et macrosociales qui influencent ses conditions de fonctionnement, en particulier les situations de cumul de risques auxquels sont liés les phénomènes de vieillissement précoce, les formes d'exclusion par le langage et la connaissance, et les multiples stratégies de flexibilité d'emploi et de recours à la sous-traitance (qui concernent en particulier les travailleurs immigrés). L'inégalité des conditions de travail entre salariés permanents et précaires engendre une exposition plus forte de ces derniers (même s'il s'agit de périodes limitées dans le temps) à de nombreux facteurs de risque susceptibles de provoquer des maladies professionnelles. La flexibilité d'emploi amplifie les difficultés de déclaration, rend très difficile sinon quasi impossible la reconstitution de l'exposition, et multiplie les situations de polyexpositions non prises en compte dans le système de réparation.

(Annie Thébaud-Mony, « De la connaissance à la reconnaissance des maladies professionnelles en France. Acteurs et logiques sociales ». À paraître dans les documents Travail et Emploi, Documentation française, Paris)

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Dernière mise à jour : 25-07-2001 9:49.
Cette page : https://www.gisti.org/ doc/plein-droit/14/maladies.html


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