N° 138 de Plein droit, la revue du Gisti
Étrangers sous écrou
À rebours du fantasme bien tenace d’une « sur-délinquance », la surreprésentation des étrangers dans les prisons dévoile une économie de la peine discriminatoire. D’ailleurs, les statistiques officielles l’attestent : de profondes inégalités subsistent, selon que les personnes sont françaises ou étrangères, dans l’application de la loi, et ce, à toutes les étapes de la chaîne pénale. Ainsi ces dernières ne sont-elles pas seulement envoyées davantage en prison, elles le sont aussi pour des durées plus longues et en sortent moins vite. Pourtant, l’arsenal juridique prévoit un certain nombre de dispositifs permettant d’aménager les peines des personnes étrangères détenues, avec ou sans papiers. Mais leur condition carcérale, loin de corriger ces discriminations, en créé de nouvelles.
Surpénalisées, les personnes étrangères incarcérées, qu’elles soient ou non mineures, sont sous-protégées. Et si, derrière les barreaux, rien n’interdit aux sans-papiers détenus de travailler, la réforme du travail pénitentiaire prévoit une nouvelle dégradation de leurs droits : ils ne seront bientôt plus couverts par la législation professionnelle en cas d’accident du travail. En outre, la marge d’appréciation exorbitante dont disposent les administrations préfectorale et pénitentiaire entrave l’accès au séjour et à l’asile, a fortiori vu l’emprise du motif de la « menace à l’ordre public » et la rareté des dispositifs d’accès aux droits en détention. Comment saisir le tribunal administratif depuis une cellule verrouillée, sans accès à internet, sans téléphone, bref sans possibilité de communiquer avec le monde extérieur, le tout en moins de 48 heures pour contester une obligation de quitter le territoire ? La collaboration entre les administrations préfectorale et pénitentiaire a fait de la prison l’antichambre de l’expulsion des étrangers hors du territoire national. Le continuum entre la détention et la rétention illustre ainsi d’une instrumentalisation de la finalité de l’incarcération, bien éloignée de l’objectif affiché d’une « contribution à l’insertion ». Loin des regard, la machine à expulser tourne à plein régime.
Face à la primauté du tout-carcéral, de nouveaux combats politiques par le droit restent à engager. C’est un enjeu de justice, de dignité et d’égalité.
Sommaire
Édito
Dossier - Étrangers sous écrou
- Surveiller, punir, expulser | Inna Chokri, Marc Duranton et Julien Fischmeister
- « Je rentre dans la cellule… » | Jane Sautière
- L’aménagement des peines : sortir de l’impasse ! | Laurence Blisson et Morgan Donaz-Pernier
- « Je n’ai pas de papiers donc je ne peux pas faire d’argent. C’est tout. » | Ibé
- « X se disant » : l’incarcération des mineurs isolés étrangers | Christophe Daadouch
- L’exercice du droit au recours en détention : un combat plus que jamais d’actualité | Nicolas Ferran
- Abolir la (sur)pénalisation des personnes étrangères | Margaux Coquet
Hors-thème
- L’internement des personnes d’origine japonaise aux États-Unis | Johann Morri
Mémoire des luttes
- Contre la loi Pasqua, la voix des détenus sur les ondes de Parloir Libre | Juliette Petit
Focus juridique
- « Méchant avec les méchants » : la démagogie langagière à l’épreuve des faits | Julien Fischmeister
Ont collaboré à ce numéro :
Mogniss H. Abdallah, Aïcha Abdellah, Justine Baranger, Véronique Baudet-Caille, Solange Bidault, Emmanuel Blanchard, Michèle Bornarel, Pauline Boutron, Lisa Carayon, Violaine Carrère, Lionel Crusoé, Michèle Dupré, Nathalie Ferré, Nicolas Fischer, Daniel Gros, Dominique Huynh, Noura Kaddour, Claire Lévy-Vroelant, Danièle Lochak, Antoine Math, Alain Morice, Claire Rodier, Anna Sibley, Serge Slama.
Cairn.info permet l’achat d’un droit d’accès à un/des article/s particulier/s (pay-per-view).
N° 138, octobre 2023,
48 pages,
12 € + frais d'envoi
ISSN (collection) : 0987-3260 /
ISBN du numéro :
978-2-38287-178-2 (papier, PD138),
978-2-38287-179-9 (ebook, PD138E)
Partager cette page ?